Les étudiants de la faculté de médecine sont mobilisés dans différents centres hospitaliers de la région Grand-Est pour prêter main forte aux soignants pendant cette crise sanitaire qui touche lourdement notre région. Rencontre avec deux étudiants en médecine mobilisés dans la crise sanitaire du covid-19, Quentin, étudiant en 4e année de médecine travaillant au CHRU de Brabois, et Alicia, étudiante en 5e année, à l'Hôpital Central de Nancy. [Les prénoms ont été modifiés.]
Comment avez-vous accueilli les mesures de confinement suite au Covid-19 ?
Quentin : Le confinement me paraissait être une suite logique aux événements que nous avons pu observer dans des pays comme l’Italie ou l’Espagne. C’était selon moi une bonne chose pour limiter la propagation du virus. Chacun doit faire des efforts de son côté, quitte à bousculer ses habitudes de vie.
Alicia : C'était une mesure que j'attendais, c'est la seule solution pour enrayer l'épidémie.
Dans quel établissement et service travaillez-vous ?
A : Je suis à la régulation des appels dans le cellule de crise CoVid - 19, à l'hôpital Central.
Q : Je travaille en réanimation médicale au CHRU de Brabois.
Comment avez-vous eu connaissance de ces missions ?
Q : Audrey Mougel, notre élue étudiante, m’a contacté au début du mois de mars pour savoir si j’étais éventuellement disponible pour faire partie d’une équipe de volontaire en réanimation au CHRU de Brabois. Notre rôle consiste à aider les médecins et infirmiers à mettre les patients en décubitus ventral et dorsal, et surveiller l’adaptation cardiaque et respiratoire des patients à ce changement. Ma journée type s’étend de 10h à 16h. Ce travail n’est pas rémunéré et est basé sur le principe du volontariat.
A : Je me suis portée volontaire suite à un mail de la faculté. Nous nous inscrivons sur des créneaux de 5h et sommes rémunérés à hauteur d'une demie garde, soit 20€.
Pouvez-vous nous raconter comment se passe votre travail à l'hôpital, vos rapports avec les patients et avec vos collègues, vos tâches ?
A : Au début, notre mission a été de répondre aux appels orientation CoVid, et en fonction de la situation de les rediriger vers le médecin, ou de répondre à leur question, transmettre la marche à suivre. Une autre mission nous a été confiée très récemment en plus de l'autre : c'est de coordonner tous les lits de réanimation disponibles dans la "région Lorraine". Nous mettons en relations les médecins qui souhaitent effectuer des transferts, et tenons à jour le listing précis de tous les lits disponibles. Le personnel du SAMU a vraiment été très accueillant, ils sont là pour nous si nous avons besoin, et on ne se sent pas abandonné.
Q : Chaque professionnel de santé travaillant en réanimation fait de son mieux pour accélérer la récupération des patients atteints du coronavirus, à l’aide de soins pertinents et personnalisés en fonctions des différentes comorbidités. Les patients bénéficient de toute l’attention et de la surveillance nécessaire. En ce qui concerne mon équipe, nous nous soutenons les uns les autres pour tirer le meilleur de nous-même face à des situations qui sont parfois difficiles à vivre moralement. Le fait qu’avec mes collègues, qui pour certains sont externes, internes, chef de clinique voire professeur dans leur spécialité, nous exécutons les mêmes tâches, est vraiment beau à voir. Peu importe notre niveau, nous sommes tous sur un pied d’égalité.
Vous attendiez-vous à devoir venir en aide à vos homologues professionnels ?
A : Je m'y attendais effectivement, mais je me demandais quel serait notre rôle, parce que bien que nous ayons certaines équivalences avec notre diplôme, ce sont des professions totalement différentes, et où on ne peut pas improviser.
Q : Je me doutais que si l’épidémie continuait à prendre de l’ampleur, j’allais être amené à aider dans les différents services du CHRU. J’espérais pouvoir me rendre utile dans ce genre de situation.
Quelles sont les conséquences de votre mobilisation sur votre vocation ?
A : Depuis toute petite, j'ai voulu devenir médecin. Et je peux dire que ma vocation n'a jamais été aussi forte. Je me sens vraiment utile, et je sens que je suis à ma place.
Q : Voir à quel point le rôle d’un soignant peut être important et utile me conforte encore plus dans l’idée que je m’étais faite de la médecine, qui est une réelle vocation pour moi. Voir une telle mobilisation de la part de tous les soignants d’un pays pour une même cause est à la fois spectaculaire et touchant.
Parvenez-vous à étudier en dehors de vos heures à l'hôpital ?
Q : Mes horaires me permettent d’étudier quelques heures en rentrant de l’hôpital, mais bien moins que la plupart des étudiants de ma promotion qui eux étudient à temps plein à cette période du semestre. De plus, l’ambiance générale créée autour de cette pandémie a un franc impact sur mes capacités de concentration. Quand je rentre le soir après avoir passé ma journée en réanimation avec certains patients entre la vie et la mort, certaines images ont du mal à s’effacer de ma mémoire et les révisions ne sont alors plus ma principale préoccupation.
A : Depuis le début du confinement, il est devenu très difficile pour moi de me concentrer pour étudier. On va dire que l'ambiance n'est pas très propice au travail.
Cette crise sanitaire a-t-elle des conséquences sur votre vie familiale ?
Q : Depuis le début du confinement, je ne rends plus visite ni à mes parents, ni à mes grands-parents par peur de les contaminer, d’autant plus après avoir côtoyé des patients infectés. Cette épidémie a forcément un impact sur notre vie de famille qu’il faut mettre entre parenthèse si nous voulons protéger nos proches.
A : Ma famille habite à 100 km de Nancy, et je suis donc confinée seule dans mon appartement à Vandœuvre-lès-Nancy. Ce n'est pas toujours facile, mais on s'appelle régulièrement. Ils ont une santé assez fragile, et je m'inquiète beaucoup pour eux.
Quel est votre état d'esprit actuel ?
Q : J’espère de tout coeur que les mesures de confinement suffiront à réduire la propagation du virus. De mon côté, j’essaye de m’investir du mieux que je peux à travers la mission qui m’a été confié à l’hôpital.
A : Je suis heureuse qu'on nous fasse confiance ainsi pour gérer des situations aussi importantes. Je suis fière d'apporter ma pierre à l'édifice, tout en espérant bien sûr que cette situation de durera pas. La situation de crise actuelle implique que des patients sont refusés en réanimation, que des patients restent à domicile ; ce sont des décisions très dures à entendre.