Dans son dernier ouvrage, Sociologie de la lecture, Claude Poissenot, enseignant-chercheur à l’IUT Nancy-Charlemagne et au Centre de recherche sur les médiations (CREM), s’interroge sur le statut de la lecture dans notre société contemporaine et sur la différenciation sociale de cette pratique.
La thématique de la lecture n’est pas nouvelle pour Claude Poissenot. Présente dans son travail dès ses débuts dans la recherche, sa thèse, Les jeunes et la bibliothèque municipale : la fréquentation d'un lieu de lecture publique porte sur les publics des bibliothèques. Il y distingue la question de la fréquentation des bibliothèques de celle de la lecture. « On ne fait pas que lire dans les bibliothèques... Et comme j’avais déjà passé pas mal de temps sur les usages des bibliothèques je me suis dit qu’il serait intéressant d’aller voir du côté de la lecture ».
Si le chercheur a épluché les données d’enquêtes sociologiques, il s’est aussi plongé dans l’histoire de la lecture : « L'évolution du statut de la lecture dans notre société est peut-être ce qui m'a le plus frappé. La lecture de livres, qui était encore assez rare au XIXe, s’est très largement massifiée au cours du XXe. Les clubs de livre et le livre de poche ont élargi l'accès à ce support écrit. Et les catégories populaires, mais aussi les jeunes, ont pu s'emparer de livres de leurs choix de façon économique, avec une grande variété de titres. Le livre est désormais partout et d'accès quasi gratuit. On trouve par exemple plus de 4 000 boites à lire en France. Le revers de la médaille, c’est qu’avec cette massification, le livre a perdu son statut de support emblématique de la culture, au point de susciter l'inquiétude de la frange la plus lettrée de notre population. » C’est cette mutation que Sociologie de la lecture donne à voir tout en la prolongeant sur une échelle plus étendue.
Claude Poissenot s’oriente aujourd’hui vers la question de la lecture face à l'individualisation de notre société. « La pratique de la lecture n'échappe pas à ce mouvement par lequel les lecteurs se construisent comme individus. On voit par exemple comment la lecture des écrans progresse parce qu'elle est directement associée à la communication et à l'expression de soi. Parallèlement, il me semble très intéressant de penser comment le livre imprimé et le monde du livre en général se trouve affecté par cette évolution sociologique majeure. Le développement personnel, les biographies mais aussi les albums jeunesses attestent de cette place accordée par notre société à l'individu autonome et auteur de sa propre vie. »
Sociologie de la lecture
Claude Poissenot
Armand Colin, 2019, 192 pages, 17,90 € (format papier), 12,99 € (format numérique)