L’Université de Lorraine vient d’ouvrir son portail HAL hal.univ-lorraine.fr, qui rassemble les publications scientifiques de l’université. Rencontre avec des utilisateurs, investis dans la démarche de l’open science. Aujourd’hui, Nicolas Fressengeas, enseignant et chercheur au Laboratoire Matériaux Optiques, Photonique & Systèmes.
Vous n'avez pas attendu l’ouverture du portail de l’Université de Lorraine pour utiliser HAL. Depuis quand y déposez-vous vos publications ?
Mes premiers dépôts datent de fin 2006, que ce soit sous la forme de documents avec texte complet ou de simples notices bibliographiques. Je n'ai cependant commencé à utiliser HAL pleinement que 2 ans plus tard, au cours du premier semestre 2008.
Quelle a été votre motivation ?
Pour les premiers dépôts, la curiosité de cet outil. Je voulais découvrir à quoi il pouvait bien servir et pourquoi le CNRS l’avait développé. J'ai ensuite pris la décision de me servir de HAL comme base de données unique me permettant de répertorier mes travaux de manière efficace, afin de pouvoir me passer de la fastidieuse tenue d'un fichier personnel. Cette perspective était d'autant plus intéressante que HAL propose d'exporter cette base de données sous une gamme de format très variés, notamment une page web dynamique.
Je me suis cependant longtemps posé la question de l'intérêt, de la possibilité, voire de la nécessité et du moment où faire des dépôts incluant le texte complet de la publication. Je me la pose d'ailleurs toujours, ainsi que je l'ai suggéré lors de la journée organisée par l’Université de Lorraine sur l'open science. J'ai aujourd'hui opté pour un dépôt systématique du texte complet de mes publications, à partir du moment où elles ont été acceptées, voire publiées, dans un journal à comité de lecture. Cela me permet de garantir l'accès libre et à tous à mes écrits.
Quels bénéfices tirez-vous de l’utilisation de HAL ?
Le premier bénéfice est lié aux fonctionnalités de base de données qu’il propose. L'interface de dépôt vers cette base de données est à mon sens assez bien faite, et en évolution constante. HAL me permet ainsi de garder aisément trace de l'ensemble de mes publications. Ceci est particulièrement utile pour la génération automatique de rapports d'activité, que ce soit à un niveau personnel ou au niveau du laboratoire. HAL fournit même une interface web de cette base de données, sous la forme d'un CV en ligne qui inclut la liste des travaux déposés ainsi qu'un nombre de rubriques personnalisables.
Le second bénéfice concerne la lisibilité et l'accessibilité à mes travaux, ainsi que leur diffusion. En effet, la seule publication dans les journaux proposés par les grands éditeurs scientifiques impose une redevance, soit due par le lecteur, soit due par l'auteur, soit les deux à la fois. La publication en archive ouverte permet de garantir un accès public à mes travaux, sans avoir à bourse délier. Par ailleurs, la publication dans une archive ouverte comme HAL garantit le respect du protocole de recherche OAI-PMH, qui, pour simplifier, permet d'augmenter la diffusion de l'article au niveau mondial par le biais d'un meilleur référencement dans les principaux moteurs de recherche. Pour finir sur cet aspect, on pourrait même se demander si la publication de manière ouverte au public des travaux des chercheurs rémunérés sur deniers publics n'est pas une obligation morale.
Cela fait tout de même encore un outil de plus à maîtriser. Cela vous prend-il beaucoup de temps ?
La première utilisation peut paraître fastidieuse. Lorsque j'ai décidé de me servir de HAL comme base unique de référencement de mes travaux, j'ai dû programmer quelques demi-journées dédiées à sa mise à jour. Aujourd'hui, la publication sur HAL d'un de mes écrits qui vient d'être accepté, ou publié, me prend entre 10 et 20 minutes. Ce temps pourrait être raccourci si je ne déposais qu’un fichier au format pdf mais je fais le choix de déposer mes sources LaTeX pour faciliter le transfert dans ArXiv, une autre archive ouverte bien connue des physiciens et mathématiciens.
Vous êtes aussi utilisateur de Research Gate ou Academia ?
Je suis effectivement inscrit, si ce n'est utilisateur, sur Research Gate.
Du coup, avez-vous un intérêt à déposer dans HAL aussi ?
C’est plutôt l’inverse, je ne vois pas l'intérêt à déposer sur Research Gate puisque celui-ci est capable d'aller chercher sur HAL les documents qui y sont publics. Research Gate est une société privée, un réseau social, à but lucratif. Il est pertinent de se poser des questions sur son modèle économique et sur le traitement qu'elle fait de la base de données qu'elle est en train de se constituer à partir des travaux de recherche financés par l'argent public. Notons par exemple que l'accès aux travaux déposés sur Research Gate n'est pas public, car il nécessite l'ouverture d'un compte sur Research Gate.
Un dernier mot sur la démarche open access ?
A mon sens, je dirais que HAL relève plus de l'open science que de l'open access : une science ouverte, plutôt qu'un accès gratuit. Les Archives Ouvertes, comme HAL, sont le premier pas. Le deuxième est peut-être l'ouverture des données : l'Open Data. Corolaire indispensable : l'ouverture des logiciels, menant vers un lien entre l'open science et l'écosystème du logiciel libre. Oserai-je suggérer l'ouverture du matériel ?