Un financement ERC Advanced pour Jean-François Ganghoffer avec son projet BONEREPAIR

 
Publié le 16/06/2025 - Mis à jour le 17/06/2025

Jean-François Ganghoffer, professeur au LEM3, Laboratoire d'Étude des Microstructures et de Mécanique des Matériaux (Université de Lorraine, CNRS, Arts et Métiers) vient d’obtenir une bourse ERC Advanced Grant pour son projet de recherche BONEREPAIR portant sur le remodelage et la régénération osseuse grâce à des stimuli électromécaniques pour, par exemple, proposer de nouvelles méthodes de guérison des fractures induites par l’ostéoporose. Des perspectives prometteuses en matière de nouvelles thérapies en médecine régénérative.

Dispositif puissant et novateur pour promouvoir la recherche européenne, la bourse ERC permet à des scientifiques, reconnus dans leur domaine aux niveaux national et international, de mener des projets novateurs dans leur discipline et leur apporte une reconnaissance internationale d’envergure.

Pouvez-vous nous présenter votre projet, retenu pour un financement ERC ?

Jean-François Ganghoffer : "L’ostéoporose constitue un enjeu de santé publique majeur en Europe, responsable de 4,3 millions de fractures de fragilité par an et générant des coûts de santé supérieurs à 56 milliards d’euros. L’os, matériau intelligent, est capable de détecter les microfissures et micro-dommages constamment présents en son sein, puis de les réparer grâce à sa capacité de croissance et de remodelage sous l’effet de stimuli électromécaniques, ces derniers déclenchant une machinerie cellulaire complexe. Cette capacité de cicatrisation repose notamment sur la piézoélectricité de la matrice osseuse – un couplage entre déformation mécanique et polarisation électrique. En parallèle, la flexoélectricité, phénomène plus complexe reliant les gradients de déformation générés au voisinage des microfissures présentes au sein de la microstructure osseuse, à la polarisation, reste encore mal comprise, tant sur le plan théorique qu’expérimental. Les avancées scientifiques en biomécanique osseuse ont été jusqu’à présent freinées par la complexité des mécanismes de propagation des stimuli entre les différentes échelles de l’os - matériau hiérarchique - ainsi que par le caractère interdisciplinaire du domaine (biologie, biomécanique, expérimentation, méthodes de conception et d’optimisation, méthodes numériques). Le projet BONEREPAIR ambitionne de lever ces verrous par une approche pluridisciplinaire, multiphysique et multiéchelles de l’effet des stimuli électromécaniques sur le remodelage et la régénération osseuse, de l’échelle cellulaire jusqu’à l’échelle tissulaire.

Le projet repose sur l’hypothèse que la guérison osseuse peut être accélérée en appliquant des stimuli électromécaniques finement calibrés, en tenant compte des effets multiéchelles et multiphysiques, notamment la piézoélectricité, la flexoélectricité et les mécanismes d’endommagement – depuis l’échelle des microfissures jusqu’à celle du tissu voire de l’organe. Enfin, BONEREPAIR contribuera significativement au développement de nouvelles stratégies d’homogénéisation vers des lois de comportement enrichies, adaptées aux matériaux composites et matériaux architecturés présentant des couplages multiphysiques complexes, à l’instar de la piézoélectricité et la flexoélectricité."

Que va vous permettre ce financement ERC ?

Jean-François Ganghoffer : "Le financement ERC va me permettre d’aborder ma recherche avec une vision beaucoup plus large et ambitieuse, accompagnée d’un état d’esprit optimiste car affranchi des contraintes budgétaires qui sont le lot du chercheur en permanence à la recherche de soutiens financiers. L’objectif premier du projet est de nature fondamentale et cognitive, visant à augmenter la compréhension fine des mécanismes de remodelage de structures osseuses aux différentes échelles présentes au sein de l’os. Il va permettre d’articuler une recherche pluridisciplinaire, associant des biologistes de la Région Grand Est notamment au sein du laboratoire BIOS de l'Université de Reims Champagne Ardennes, partenaire du projet, ainsi que des mécaniciens et biomécaniciens du LEM3 (CNRS-UL), des spécialistes du calcul numérique et notamment de dynamique moléculaire et de techniques d’homogénéisation. BONEREPAIR vise un équilibre entre modélisation théorique / numérique et développement d’une expérimentation multimodale associant caractérisation biologique et mesures des propriétés mécaniques et électriques des membranes cellulaires et du tissu osseux. Le recrutement d’une équipe-projet de jeunes chercheurs me permettra de développer des idées en germe depuis plusieurs années, mais n’ayant pu éclore compte tenu du manque de moyens humains. Il va également permettre l’achat d’équipements et de dispositifs de mesures et de caractérisation, de l’échelle de la cellule à celle du tissu osseux ou du biosubstitut d’os.

À long terme, ce projet pourrait améliorer considérablement les traitements et les solutions prothétiques existants, réduisant ainsi le temps de guérison des patients. Il ouvrira la voie au développement de nouvelles méthodes de reconstruction osseuse, de nouvelles greffes osseuses électroactives optimisées et spécifiques à chaque patient, dotées d'une capacité de stimulation piézoélectrique et d'une durabilité améliorée. De plus, les stimulations piézoélectriques et flexoélectriques offrent des perspectives prometteuses en matière de nouvelles thérapies dans le contexte de la médecine régénérative."

Quelle est la recette pour obtenir une ERC et comment s'y préparer ?

Jean-François Ganghoffer : "Obtenir un projet ERC (European Research Council) demande beaucoup de résilience, car la compétition est très dure, avec un taux de succès final autour de 10% à 15% selon les panels, ce qui fait la valeur et le prestige du financement. Les projets sont évalués par des panels composés d’experts multidisciplinaires, et le niveau d’excellence attendu est extrêmement élevé, aussi bien pour le projet que pour le porteur dont le panel évalue la capacité à mener à bien le projet. Le succès à un ERC est un parcours de longue haleine, qui demande persévérance et capacité à encaisser l’échec (deux dans mon cas) et à rebondir. Il est important de bien comprendre l'esprit de l’ERC : les bourses ERC visent à soutenir des projets de recherche exploratoire à haut risque et haut gain, portés par des chercheurs de haut niveau, ayant fait leurs preuves dans leur domaine. L’ERC cherche une idée audacieuse, originale, touchant à une question fondamentale aux frontières de la connaissance, transdisciplinaire, à fort impact scientifique, en rupture avec l’état de l’art, éventuellement même proposant un nouveau paradigme. Cette idée doit être portée par un chercheur au leadership avéré, capable de la mener avec indépendance, par le biais d’une méthode rigoureuse montrant la faisabilité d’une idée même risquée. La préparation consiste à définir un fil rouge scientifique personnel, commencer à formuler une idée ERC, identifier les verrous scientifiques fondamentaux, et articuler des étapes d’une démarche scientifique permettant d’atteindre les objectifs du projet, tout en montrant une identification claire des risques et leur maitrise.

Il est important de démarrer la phase de conceptualisation du projet longtemps avant la date de soumission (typiquement 18 mois), de s’appuyer sur les documents ERC officiels, de participer à des ateliers ERC organisés par l’UL (avec l’accompagnement des services de la DiPro-SE de l’Université de Lorraine), dont j’ai pu bénéficier), de discuter si possible avec d’anciens lauréats et des évaluateurs ERC. La narration du projet doit mettre en avant le caractère en rupture du projet, la nature ‘high risks / high gain’ qui est la marque de l’ERC. Les tutelles dont la DIPRO au sein de l’UL et le Département INSIS du CNRS ont mis en place des cellules d’aide à la préparation aux appels de l’ERC, qui m’ont fortement aidé dans les phases de montage et de rédaction du projet, ainsi que pour la préparation de l’oral."

Quelle est la suite de BONEPAIR avec cette bourse ERC ?

Jean-François Ganghoffer : "Ce financement important va me permettre d’aborder ma recherche avec sérénité, en développant un programme scientifique d’envergure car pluridisciplinaire, sur une durée de 5 ans. Le recrutement d’une véritable équipe permettra le développement d’idées en germe dans mon esprit depuis plusieurs années. Ce financement me permettra également de rester compétitif dans le domaine de la Biomécanique à l’échelle internationale.

Par ailleurs, la méthodologie mise en œuvre dans BONEREPAIR ainsi que les techniques de mesure et les modèles numériques, seront transférables pour d’autres tissus du vivant, tels que le cartilage. Sur du long terme, les développements de BONEREPAIR pourront être consolidés par une ERC Synergy avec pour objectif de transférer les avancées fondamentales du projet vers le domaine clinique. La thématique de BONEREPAIR a également des enjeux fondamentaux qui touchent à la matière active et aux phénomènes d’adaptation morphomécanique, apanage de systèmes non-linéaires, auto-organisés et souvent hors équilibre, nécessitant de prendre en compte les couplages mécanique-chimie-électrique ainsi qu’un comportement collectif des cellules.

Les méthodes théoriques et les techniques de calcul développées dans le projet auront un impact non seulement sur la biomécanique de l’os, mais également sur le comportement multiphysique et multiéchelles de milieux d’organisation spatiale complexe, tels que les métamatériaux et les matériaux architecturés, ces aspects constituant un thème fort et de nature transverse des activités du LEM3."

Ce projet bénéficie de l'accompagnement de la Sous-direction d'Ingénierie de projets (DIPRO-SE) de l'Université de Lorraine. Pour toute question relative aux financements européens, n'hésitez pas à écrire à dipro-se-projets@univ-lorraine.fr

These ERC grants are our commitment to making Europe the world’s hub for excellent research. By supporting projects that have the potential to redefine whole fields, we are not just investing in science but in the future prosperity and resilience of our continent. In the next competition rounds, scientists moving to Europe will receive even greater support in setting up their labs and research teams here. This is part of our “Choose Europe for Science” initiative, designed to attract and retain the world’s top scientists.” Ekaterina Zaharieva, commissaire européenne chargée des start-ups, de la recherche et de l’innovation