La recette génétique des champignons décomposeurs pour s’adapter au changement climatique

 
Publié le 1/07/2024

Les mycènes sont un genre de champignons décomposeurs très communs dans les forêts. Un consortium international de recherche, dont font partie des scientifiques du laboratoire Interactions Arbres et Microorganismes (INRAE et Université de Lorraine), de l’université d’Oslo et du Joint Genome Institute aux États-Unis, a découvert que les mycènes possèdent des génomes gigantesques leur permettant de s’adapter à une multitude de modes de vie et d’environnements jusque dans la zone arctique. Leurs résultats, publiés dans Cell Genomics, suggèrent que de très gros génomes codant de larges familles de gènes favorisent l'adaptabilité écologique de ces champignons décomposeurs, un atout dans le contexte de l’accélération des changements globaux.

Présents sur tous les continents et comprenant plus de 400 espèces, les champignons décomposeurs du genre des mycènes1 sont capables de s’adapter à des environnements très variés. Ils jouent un rôle écologique crucial en tant que décomposeurs de litière (débris de matières organiques à la surface sur sol) dans les forêts, les pelouses et les prairies. Bien qu’historiquement considérés comme purement décomposeurs, certaines espèces sont capables de coloniser les racines des plantes, se comportant comme des champignons endophytes2, parasites ou symbiotiques, ce qui montre la polyvalence de ces champignons qui peuvent adopter plusieurs modes de vie. Mais les mécanismes génétiques qui déterminent ces surprenantes capacités d’adaptation sont mal connus. Dans le contexte actuel de réduction des habitats naturels, de diminution des forêts anciennes, d'augmentation des plantations monospécifiques et de changement climatique, les mycènes pourraient bien détenir la recette génétique et écologique nécessaire pour survivre dans ce monde en rapide évolution. Les scientifiques se sont intéressés à leurs génomes afin de comprendre comment ils ont évolué et se sont étendus au cours du temps.

L’équipe internationale a séquencé les génomes de 24 espèces de mycènes parmi lesquelles 6 types de décomposeurs : généralistes de tout type de litière, généralistes du bois, généralistes de litière de prairie, décomposeurs de bois de feuillus, de litière de feuillus et décomposeurs de litières de conifères. Les scientifiques ont également inclus 3 espèces de la zone arctique. Les analyses montrent que les génomes des mycènes présentent des expansions massives des familles de gènes impliqués dans la dégradation de la matière organique des sols et dans la colonisation des racines des plantes. Cette expansion s’explique par l’intégration et la conservation, au cours de l’évolution, de plusieurs centaines de gènes provenant d’autres champignons, malgré le coût associé, en termes de ressources et d’énergie, à la réplication d'un grand génome. Plus surprenant, les espèces de mycènes provenant de la zone arctique ont des génomes 2 à 8 fois plus gros que celles vivant en zone tempérées. Cette évolution est similaire à celle observée chez des plantes arctiques. Ces caractéristiques génomiques suggèrent que de très gros génomes codant de larges familles de gènes favorisent l'adaptabilité écologique de ces champignons décomposeurs. Ils peuvent ainsi adopter de multiples modes de vie et s’adapter à des environnements très différents. Cela est particulièrement avantageux dans des environnements extrêmes comme l'Arctique.

 

[1] Les champignons du genre Mycena sont des basidiomycètes, qui appartiennent à la famille des agaricales.

[2] Organismes qui peuvent vivre et se reproduire dans les espaces intercellulaires et/ou dans certaines cellules d’une plante.

RÉFÉRENCE

Harder C.B., Miyauchi S. et al. (2024). Extreme overall mushroom genome expansion in Mycena s.s. irrespective of plant hosts or substrate specializations. Cell Genomics DOI : https://doi.org/10.1016/j.xgen.2024.100586

Source : INRAE