De la Terre jusqu’à Mars: transporter des informations de spin à la vitesse de la lumière !

 
Publié le 27/03/2024 - Mis à jour le 28/03/2024

Des scientifiques sont parvenus à moduler l'information magnétique en utilisant des impulsions électriques tout en la convertissant en un signal lumineux polarisé. Cette découverte, décrite dans la revue Nature, pourrait révolutionner les télécommunications optiques à très longues distances. 

La spintronique est une technique utilisée dans de nombreux dispositifs numériques comme les mémoires MRAM, des mémoires magnétiques, qui pourraient un jour prochain équiper nos ordinateurs. Elle utilise le spin (moment magnétique ou aimantation) des électrons d’un matériau pour coder des informations binaires. Ce moment magnétique ne peut en effet prendre que deux orientations up et down, l’une assignée à un bit de valeur 0, l’autre de valeur 1. De tels dispositifs offrent donc la possibilité de stocker l’information binaire en générant des bits magnétiques. Une fois stockée, comment transporter une telle information rapidement, et sur de longues distances?

Pour véhiculer cette information magnétique, les scientifiques utilisent la lumière en jouant sur ses propriétés comme son intensité, sa fréquence, sa phase et sa polarisation.... En effet, c’est le vecteur le plus rapide et ces propriétés, plus particulièrement la polarisation circulaire (ou hélicité*), sont parfaitement conservées lors de propagation spatiale, même sur de très longues distances. Tout l’’enjeu consiste dès lors à comment convertir et moduler l’état magnétique de l’électron en un signal lumineux porteur de ces informations.

C’est la polarisation circulaire de la lumière que les scientifiques de l'Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine, France) ont choisi, en collaboration avec le Laboratoire Albert Fert (France), l'Université de Toulouse (France), l'Université Paris-Saclay (France), la Ruhr-Universität Bochum (Allemagne), l'Institut des semi-conducteurs et l'Institut de physique (Académie chinoise des sciences), National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (Japon), University of Minnesota (États-Unis), National Renewable Energy Laboratory (États-Unis) et University at Buffalo (États-Unis), pour mémoriser l’état magnétique de l’électron. Actuellement, pour moduler cet état de spin sur la polarisation de la lumière, on utilise de champs magnétiques. Elles sont générées par des électro-aimants puissants, donc très volumineux, peu maniables, et la fréquence d’encodage reste relativement lente (de l’ordre de kHz-MHz). Les scientifiques ont utilisé pour la première fois une impulsion électrique pour moduler l’aimantation de l’injecteur, convertissant de spin de l’électron en signal optique présentant une polarisation circulaire spécifique grâce à l’effet quantique appelé «couplage spin-orbite». Grâce à cet effet, la fréquence de l’encodage passe de 10 à 100 GHz, et le dispositif expérimental générant ces impulsions présente une taille réduite qui rend sa mise en œuvre est bien plus aisée.

Cette conversion spin-photon, ou transfert d’aimantation commandé électriquement, a été réalisé dans des diodes LED électroluminescentes. Ce codage très efficace de l'information, qui permet d’envisager son transport sur des distances interplanétaires, pourrait rapidement devenir le mode de communication le plus rapide entre la Terre et Mars. Mais aussi révolutionner les communications optiques dans des data-centers sur notre planète… Des résultats à retrouver dans la revue Nature.

* Appelée aussi hélicité, elle représente le sens de rotation de la composante électrique de la lumière (horaire ou antihoraire) autour de son axe de propagation.

Référence :

Pambiang Abel Dainone et al.
Controlling the helicity of light by electrical magnetization switching
Nature 2024
https://www.nature.com/articles/s41586-024-07125-5

 https://rdcu.be/dCFs3

Source : CNRS