PrevHPV : vers l'acceptabilité de la vaccination contre les papillomavirus humains

 
Publié le 3/03/2023
A l'occasion de la journée mondiale de sensibilisation autour des maladies HPV viro-induites du 4 mars, retour sur un article publié en janvier 2023. Factuel est allé à la rencontre de Nathalie Thilly, professeur en santé publique et épidémiologie à la faculté de Pharmacie et au CHRU de Nancy. Elle assure la coordination nationale du projet PrevHPV visant à développer l'acceptabilité de la vaccination contre les papillomavirus humains ou HPV. Entretien.
 
À l'occasion de la Semaine Européenne de lutte contre le cancer du col de l'utérus, Factuel est allé à la rencontre de Nathalie Thilly, professeur en santé publique et épidémiologie à la faculté de Pharmacie et au CHRU de Nancy. Elle assure la coordination nationale du projet PrevHPV visant à développer l'acceptabilité de la vaccination contre les papillomavirus humains ou HPV. Entretien.
 

Factuel : Pouvez-vous nous présenter le projet PrevHPV et quels partenaires y sont intégrés ? 

Nathalie Thilly : "Le projet PrevHPV est un programme national de recherche en épidémiologie et sciences humaines, initié en 2019, et visant à améliorer l’acceptabilité de la vaccination contre les papillomavirus humains (ou HPV – Human PapillomaVirus) en France. Il s’agit d’un projet à l’initiative de l’Institut pour la Recherche en Santé Publique (IReSP), sélectionné dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt lancé en 2018 et financé dans le cadre du Plan Cancer 2014-2019.
Le projet PrevHPV est une recherche transdisciplinaire dont j’assure la coordination et qui associe 8 équipes réparties sur le territoire français : les départements de médicine générale de Paris Cité et de Saint Etienne (Pr S. Gilberg), le Laboratoire Interuniversitaire de Psychologie de l’Université Grenoble Alpes (Pr A. Gauchet), le centre de dépistage des cancers du Pays de la Loire (Dr AS. Banaszuk), le centre international de recherche en infectiologie des universités de Lyon et St Etienne (Dr A. Gagneux-Brunon), l’équipe ECEVE (épidémiologie clinique et évaluation économique appliquées aux populations vulnérables) de l’Inserm et de l’université Paris Cité (Pr K. Chevreul), l’Institut Pasteur de Paris (Dr J. Mueller), le CHRU de Tours (Pr B. Giraudeau), et l’équipe APEMAC (adaptation, mesure et évaluation en santé) de l’Université de Lorraine dont je fais partie. 
 
Le programme PrevHPV se découpe en 3 phases :
(i) Une phase diagnostique qui vise à identifier les connaissances, représentations, attitudes, leviers et barrières à la vaccination HPV dans plusieurs populations : les adolescents de 11 à 14 ans (cible de la vaccination), leurs parents, les professionnels des collèges (en lien quotidien avec ces adolescents), les étudiants en santé impliqués dans le service sanitaire et les médecins généralistes (principaux vaccinateurs). Cette phase s’est déroulée de décembre 2019 à février 2021 et a comporté plusieurs enquêtes de différents types (enquêtes quantitatives, entretiens qualitatifs individuels et en groupes) auprès des populations visées.
(ii) Une phase de co-construction des interventions. A partir des données de la littérature et des résultats de la phase diagnostique, trois interventions visant à augmenter la couverture vaccinale HPV ont été co-construites avec les différentes parties prenantes (adolescents, parents, médecins généralistes et professionnels de l’éducation nationale). Cette phase s’est déroulée d’octobre 2020 à juin 2021 et les 3 interventions étaient les suivantes : 1- Une éducation (aux HPV et à la vaccination) des adolescents directement en collège, 2- Une formation des médecins généralistes portant sur HPV, le vaccin pour le prévenir et l’entretien motivationnel appliqué à la vaccination, ainsi que sur la mise à disposition d’un outil d’aide à la décision co-construit, à utiliser en cabinet auprès des adolescents et de leurs parents, 3- Une proposition de vacciner gratuitement les adolescents concernés, directement sur le site du collège (déplacement d’unités mobiles de centres de vaccination).
(iii) Une phase expérimentale, promue par l’INSERM, dans laquelle les trois interventions précédentes sont évaluées ‘en vie réelle’ dans 90 communes de 62 départements de France Métropolitaine. Les 90 communes ont été réparties par tirage au sort en 6 groupes de 15 communes, chaque groupe testant 0, 1, 2 ou 3 interventions. Cette phase s’est déroulée de septembre 2021 à juin 2022 et nous sommes actuellement en train d’analyser les résultats.
 

Factuel : Comment le projet PrevHPV a-t-il été mis en place ?

Nathalie Thilly : "Les programmes de recherche tels que PrevHPV nécessitent de nombreux mois de préparation avant d’être mis en place sur le terrain. Il est indispensable de contacter et d’avoir le soutien de toutes les parties prenantes qui sont nombreuses. Les premiers contacts visent tout d’abord les institutions : la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire, les Rectorats, les Directions des Services Départementaux de l’Education Nationale ou Directions Diocésaines, l’Ordre des Médecins, les Municipalités … Leur aval est très important pour la réussite du projet. Ensuite, nous prenons contacts avec les professionnels directement concernés par le projet dans les différentes communes : les directeurs / proviseurs de collèges, les infirmières scolaires, les centres de vaccination à proximité, les médecins généralistes... Lors de ce contact, nous leur expliquons le projet et leur demandons s’ils souhaitent participer. En cas de refus, nous contactons d’autres communes / collèges jusqu’à obtenir 90 communes participantes. Cela représente de nombreuses heures d’explication du projet réalisées par les différentes équipes impliquées, et un temps de coordination entre les équipes à ne pas négliger. Bien entendu, la mise en œuvre de ce projet en pleine pandémie  de COVID-19 n’a pas facilité les démarches, avec toutes les difficultés rencontrées par le milieu scolaire et les médecins généralistes pendant cette période."
 

Factuel : Pourquoi est-il important aujourd’hui d’étendre la couverture vaccinale contre le HPV ?

Nathalie Thilly : "Les papillomavirus sont à l’origine chaque année en France de plus de 6300 nouveaux cas de cancers de différentes localisations (col de l’utérus, anus, oropharynx, vulve, vagin, cavité orale, larynx, pénis), et touchent aussi bien les femmes que les hommes. Actuellement, il est recommandé que tous les adolescents, filles et garçons, soient vaccinés contre HPV. Au démarrage du projet PrevHPV en 2019, la couverture vaccinale contre les HPV était de 24% chez les jeunes filles françaises de 16 ans, alors qu’elle était supérieure à 75% dans de nombreux autres pays européens (Royaume-Uni, Suède, Norvège, Espagne, Portugal par exemple). Le Plan Cancer 3 (2014-19) préconisait l’atteinte d’une couverture vaccinale d’au moins 60% pour 2019 et la stratégie décennale de lutte contre le cancer actuelle préconise une couverture de 80% à horizon 2030. En effet, seuls des taux élevés de cet ordre permettraient de prévenir la survenue des cancers induits par les papillomavirus grâce à l’immunité collective. A ce jour, le vaccin existe depuis 15 ans et près de 400 millions de doses ont été administrées à travers le monde. Nous avons donc une très bonne connaissance de son efficacité (>85% dans le cancer du col de l’utérus), et de son profil de sécurité (reconnu par l’OMS comme ‘excellent’). A titre d’exemple, en Australie et en Nouvelle-Zélande, près de 80% des jeunes filles sont vaccinées contre les HPV depuis 2007-2008. Une modélisation leur permet d’envisager, grâce à l’efficacité du vaccin, la disparition quasi complète du cancer du col de l’utérus à l’horizon 2034. Ce seront les premiers pays à éliminer ce cancer, lié aux papillomavirus dans 100% des cas."
 
Ce projet est mené en collaboration avec l'Université de Lorraine, le CHRU de Nancy, l'Université de Paris Cité, l'Université de Grenoble Alpes, le CRCDC des Pays de la Loire, l'Université de St-Etienne, l'Inserm, l'Institut Pasteur Paris, le CHRU de Tours et l'IRESP.