[Science & You 2021] 3 questions à Nicolas Ngo, Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

 
Publié le 31/08/2021 - Mis à jour le 1/09/2021

La Loi de Programmation de la recherche (LPR) donne une place importante à la CSTI. Quels sont, selon vous, les enjeux actuels de la médiation scientifique, en particulier à l’occasion de la manifestation Science&You ?

La loi de programmation de la recherche, adoptée en décembre dernier, accorde effectivement une place importante à la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI), mais au-delà, elle fait du renouvellement des conditions du dialogue entre sciences, recherche et société un enjeu central pour l’avenir de notre démocratie. Cela passe par le développement de nouvelles interfaces entre la sphère académique et la société civile, et notamment des dispositifs de médiation et de communication efficaces pour rendre possible un échange constructif entre scientifiques, citoyens et décideurs.

A cet égard, les enjeux de la médiation scientifique sont cruciaux : en favorisant le dialogue entre acteurs de cultures différentes, elle doit non seulement permettre de partager les savoirs établis mais surtout, le processus d’élaboration des connaissances, leurs conditions de validité, l’analyse de leurs limites et les questions qu’elles soulèvent. C’est bien le partage de la démarche scientifique qui permet de distinguer les faits scientifiquement établis des simples opinions, la controverse scientifique des polémiques stériles.

Le dialogue entre science et société suppose donc une évolution des postures des scientifiques dans leur relation aux citoyens : il ne s’agit en aucun cas de se contenter de diffuser une « vérité » descendante qui serait reçue passivement par des citoyens supposés ignorants, mais bien de s’engager dans un véritable échange et d’être à l’écoute des questions et des problématiques sociétales. Cela suppose également que les citoyens comme les décideurs aient accès à une information fiable et de qualité pour comprendre les avancées scientifiques et techniques, de discuter de leurs enjeux et d’y participer. Tout cela implique donc de mieux penser les enjeux de la médiation et de la communication scientifique pour mieux agir : nul doute que Science&You y contribue activement, raison pour laquelle le ministère soutient cette manifestation. 

Science&You organise des formations pour doctorant.e.s en amont de son colloque. L'objectif : proposer des outils pour vulgariser la recherche et sensibiliser les chercheurs et chercheuses à l’ouverture vers le public. Quels sont les enjeux de la formation des jeunes chercheurs à la médiation scientifique ? Quel(s) rôle(s) ont-ils à jouer dans l’information des citoyens ?

Il est essentiel que les chercheurs soient sensibilisés à la pratique de la médiation et de la communication scientifiques dès leur formation doctorale. Il ne s’agit pas d’en faire des professionnels, mais de leur faire prendre conscience de la façon dont leur recherche est perçue par la société. S’adresser à des non spécialistes est très vertueux, non seulement pour les publics, mais aussi pour les chercheurs eux-mêmes, pour qui cet exercice est très utile tout au long de leur carrière. Expliquer son sujet au plus grand nombre, à ses pairs ou intervenir dans le débat public suppose de savoir communiquer sur l’objet de ses recherches pour les rendre intelligibles et accessibles. Or, traduire sans trahir, cela ne s’improvise pas, cela s’apprend, notamment par la pratique ou la rencontre avec des professionnels de la médiation, et c’est pourquoi il est primordial de former les jeunes chercheurs à la médiation.

Les Français semblent de plus en plus sceptiques face aux informations scientifiques. Quelles actions sont mises en place par le ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation pour lutter contre une défiance croissante ? Comment envisagez-vous l’évolution de la confiance des Français en la Science pour les années à venir ?

La question des rapports qu’entretiennent les français à l’information scientifique mériterait d’être analysée plus en détail car l’ensemble des leviers n’est pas entre les mains de la seule puissance publique.

Dans un contexte marqué par une nouvelle configuration du désordre informationnel, l’action du ministère est multiple et s’inscrit autant dans la LPR que dans la feuille de route « sciences avec et pour la société » présentée par Frédérique Vidal en avril 2021. D’une part, puisqu’il faut comprendre avant d’agir, le premier appel à manifestation d’intérêt de l’Agence nationale de la recherche questionnait notamment « la compréhension d’un phénomène sociétal et de ses dysfonctionnements » afin d’initier ou de renforcer les recherches sur les phénomènes de confiance ou de défiance envers la parole scientifique, de désordre informationnel, de complotisme. D’autre part, dans le cadre de la nouvelle structuration du dialogue « science – société » autour d’un réseaux d’initiatives portées par les universités, le ministère a lancé un label « science avec et pour la société » dont l’un des critères porte explicitement sur l’accompagnement à une démarche de communication scientifique des personnels de la recherche, la formation des journalistes et étudiants en journalisme à la littératie scientifique, et la valorisation de l’actualité et de l’expertise scientifique dans les médias. Enfin, afin de poser les bases d’une relation renouvelée et renforcée entre sciences et médias, une réflexion est actuellement en cours avec l’ensemble des acteurs, et notamment les principaux groupes audiovisuels publics.

 

Pour rappel, le programme complet (16-19/11) du colloque Science&You est disponible en ligne : http://www.science-and-you.com/fr/programme