Le programme E-ENDO ou de l’importance de “re-certifier” nos praticiens en formation continue

 
Publié le 12/07/2021 - Mis à jour le 4/05/2023
e-endo programme

En cette période de pandémie planétaire, la santé numérique a encore pris une nouvelle dimension et est devenue un axe de développement majeur et indispensable, tant au niveau étatique que privé. Pour tout acteur de la santé bucco-dentaire, le temps est venu de se poser les bonnes questions et de savoir quelle pierre apporter à cet édifice. Nos facultés, en qualité d’entités de formation -des chirurgiens-dentistes et endodontistes de demain- et de recherche ont forcément un rôle moteur à jouer.

Bien sûr, il ne faut surtout pas perdre de vue le sens de tout cela… Le patient, qui doit rester au cœur de toutes les préoccupations. Car le progrès n’a de sens que s’il permet d’améliorer encore les soins dentaires en ciblant au plus près un soin endodontique adapté et sécurisé pour chaque patient. Cela étant dit, comment s’y prend-t-on, et par où commencer ?

Nous devons déjà être clairvoyants, car aujourd’hui le constat est sans appel : à date, il n’existe pas, dans notre domaine, de retours d’expérience formalisés sur le bon usage des instruments par les praticiens, tout comme n’ont pas été constituées de bases de données fonctionnelles permettant le suivi et la traçabilité des actes et dont l’analyse permettrait le développement de nouvelles technologies et pratiques. Côté apports du numérique, l’usage de l’intelligence artificielle, des IoT ou Internet of Things est balbutiante. En outre, aucun système de re-certification des praticiens n’existe à ce jour, ce dispositif qui permettrait de s’assurer d’une mise à jour des connaissances relatives aux nouvelles techniques, instruments et de s’assurer des bonnes pratiques selon les dernières données acquises par la science.

En effet, pour garantir la sécurité et la qualité des soins au profit des patients, la formation professionnelle continue est un enjeu majeur de santé publique. Une thématique dont s’est récemment saisi le législateur français en confiant au gouvernement le soin de créer par voie d’ordonnance réglementaire une procédure de certification à échéance régulière au cours de la vie professionnelle, s’agissant notamment de la profession de chirurgien-dentiste (article 5 de la loi 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à la transformation du système de santé). Les objectifs de cette procédure : garantir le maintien du niveau de compétences et la qualité des pratiques professionnelles. Un dispositif désormais porté par l’Inspection Générale des Affaires Sociales.

Ce contexte nous a amené à engager le programme E-Endo, en collaboration avec la société MicroMega, acteur incontournable et historique de l’instrumentation endodontique en France ainsi qu’une start-up spécialisée dans l’authentification des datas, La Preuve Numérique. Bâti sur un partenariat public-privé novateur dans notre secteur, ce programme a pour principal objectif d’accroître significativement la sécurité des patients et le suivi de la formation des dentistes en matière de soins endodontiques, autrement dit, de leur re-certification régulière, avec l’écriture d’un nouveau concept pédagogique associé à des valeurs communes entre le monde universitaire et ses partenaires.

Ce programme a pour vocation d’initier une formation renforcée tenant compte de l’évolution des technologies, d’évaluer et re-certifier les niveaux de compétences et de pratiques des dentistes, et finalement d’activer leur accompagnement avec un protocole de sécurité basé sur une check-list, afin d’aider le praticien à la décision thérapeutique, au respect des procédures et au choix des instruments. Il conviendra ensuite de mettre en place des outils de traçabilité des instruments d’endodontie avec l’intégration de solutions innovantes, telles que la RFID - Radio Frequency IDentification - et des QR codes, pour collecter et analyser des données.

En résumé, nous devons accélérer la transition vers une dentisterie 5P -Personnalisée, Préventive, Prédicative, Participative, Prouvée et sécuriser les parcours de soins dentaires personnalisés. Pour un meilleur suivi et prise en charge des soins endodontiques, sur le plan préventif, le diagnostic ou le traitement des maladies de la pulpe dentaire, il nous semble impératif de sensibiliser davantage les praticiens sur l’importance du parcours de soin personnalisé au profit de chaque patient. Nous militons aussi pour une meilleure implication des patients, afin que ceux-ci deviennent acteurs de leur suivi médical avec, par exemple, la mise en place d’une charte qualité garantissant notamment la transparence des soins et des mises en œuvre.

A moyen terme, la faculté d’odontologie de Lorraine a l’ambition de créer, en partenariat avec MicroMega, un tout nouveau dispositif pédagogique digital : le patient jumeau numérique. Il s’agira d’intégrer les données physiologiques dans le parcours des soins endodontiques en prenant en compte l’état de santé des patients. Ce nouveau dispositif proposera des modèles virtuels réalistes avec des pathologies diverses. A ce titre, une base de données cliniques collectée et implémentée dans un logiciel sera vouée à proposer des exercices de répétition des gestes. Loin des standards d’apprentissages classiques, cette cohorte de patients jumeaux virtuels, permettra à chaque praticien en formation professionnelle, d’affiner son approche de soins, en fonction d’une pathologie particulière, de gérer un éventuel incident et de solutionner plus sereinement la problématique, en ayant répété ses gestes dans cet espace virtuel répétable à l’infini.

Les idées ne manquent pas, la détermination et les bonnes volontés non plus. Le programme E-Endo est déjà bien lancé, il nous reste désormais à construire une halle technique, à la hauteur des ambitions et à réunir les talents pour que ce consortium voué à l’innovation ait toute la latitude nécessaire. 

Pr Jean-Marc Martrette

Doyen de la faculté d'odontologie de Lorraine