La lexicologie se penche sur le « petit monde » de la chimie verte

 
Publié le 2/10/2014 - Mis à jour le 8/10/2014

Les 2 et 3 octobre 2014, Nancy accueille un Symposium international consacré aux défis sociétaux majeurs auxquels sont confrontées les sciences moléculaires. Sous l’égide de l’Institut Jean Bariol, ce rendez-vous aborde les énergies renouvelables, la chimie verte et durable, la réduction des risques liés aux changements environnementaux et la biomédecine. « Parmi les intervenants des conférences-invitées, plusieurs sont des prix Nobel en puissance » souligne Manuel Ruiz-Lopez, Directeur de Recherche CNRS au laboratoire Structure et réactivité des systèmes moléculaires complexes (SRSMC) et organisateur de l’événement. En marge des débats de spécialistes des sciences moléculaires, les organisateurs ont tenu à inviter un lexicologue : Alain Polguère, directeur adjoint du laboratoire d’Analyse et traitement informatique de la langue française (ATILF). Il présentera les premiers résultats d’une étude consacrée à la terminologie de la chimie verte.

Les chercheurs en sciences exactes ont une conscience linguistique très développée

Le professeur en sciences du langage a rencontré ses collègues chimistes à l’occasion d’une réunion interdisciplinaire, son propos les a immédiatement interpelés. C’est qu’en chimie, comme dans toutes les disciplines scientifiques, la terminologie est fondamentale : raisonnements, conclusions, controverses et faits scientifiques sont traduits par des mots dont les définitions précises doivent être connues et partagées.

« Récemment en astronomie, on a débattu du sens du mot "planète". Cela a conduit à réévaluer le nombre de planètes dans le système solaire » rappelle Alain Polguère. Si les chercheurs sont demandeurs de normalisation et de représentations de leurs terminologies, c’est aussi afin de travailler à l’interface d’autres disciplines, en connectant leurs différents systèmes terminologiques.

Chaque mot est un astre

Bien qu’il évolue dans les sciences humaines, Alain Polguère reconnaît qu’il emprunte plutôt ses méthodes à des disciplines telles que la physique et l’astronomie. « Chaque mot est un astre, avec ses satellites et ses propriétés » résume le lexicologue, « j’aborde la langue comme un phénomène naturel ». Pas étonnant que les graphes qui découlent de ces travaux aient su séduire des chimistes ou des physiciens. La modélisation terminologique leur offre des outils pour mieux transmettre et partager les savoirs issus de leurs disciplines :

Un terme très général tel que "eau" joue un rôle fondamentale dans la chimie verte en tant que discipline. Mais face à des étudiants en chimie qui maîtrisent le concept chimique de "water", il est nécessaire de faire percevoir les spécificités de ce concept dans la chimie verte

Quant au lexicologue, il trouve dans les sciences formelles telles que les mathématiques, de précieux outils de traitement. En effet, il s’avère que les graphes obtenus en reliant les mots entre eux répondent à la définition mathématique des graphes « petit-monde ». En modélisant les lexiques sous cette forme particulière, il devient possible de leur appliquer des traitements automatiques basés sur les propriétés qu’explorent les mathématiques en théorie des graphes. Les perspectives sont prometteuses, notamment pour améliorer les résultats de nos moteurs de recherche et autres systèmes de traitement de l’information.