[3 questions à] Fabienne Rondelli et Carole Bisenius-Penin : création d'une nouvelle résidence consacrée à la littérature jeunesse

 
Publié le 3/02/2021 - Mis à jour le 5/05/2023

Carole Bisenius-Penin, Responsable du laboratoire hors les murs "Récit'Chazelles" (CREM, UL) et Fabienne Rondelli, Directrice-adjointe INSPÉ de Lorraine et chargée de mission Arts & culture, nous en disent plus sur leur collaboration et la mise en place de la résidence consacrée à la littérature jeunesse accueillant l'illustratrice et écrivaine Loren Capelli.

Comment est née cette nouvelle résidence consacrée à la littérature jeunesse, entre Récit Chazelles et L’INSPE de Lorraine qui accueille Loren Capelli en résidence. Pourquoi avez-vous mise en place cette collaboration ?

Fabienne Rondelli : Dans le texte d’orientation de l’INSPÉ de Lorraine, le développement de la culture auprès de nos étudiants, futurs enseignants et passeurs de culture pour les élèves fait partie des priorités stratégiques. La littérature de jeunesse en est une pièce essentielle. Si le lien avec le monde du livre était habituel à l’INSPÉ, une résidence, en revanche, n'avait pas encore pris vie. C'est chose faite en cette année 2021. Alexandra Peisset, formatrice en littérature de jeunesse m’a proposé, du fait de mon rôle de Chargée de mission Arts et Culture de l’INSPÉ, l’accueil d’un auteur. De mon côté, je connaissais bien entendu le travail de Carole Bisenius-Penin autour des résidences qu’elle organise. Le lien a été facile. L’ensemble du projet a été rendu possible grâce à des financements de la DRAC, de la Région Grand Est, du Conseil Départemental de Meurthe-et-Moselle, de l’INSPÉ de Lorraine.

Carole Bisenius-Penin : Dirigeant depuis 5 ans le dispositif Récit’Chazelles qui inclut un laboratoire hors les murs et une résidence d’auteurs, il m’a semblé tout à fait intéressant de mettre en réseau les initiatives collaboratives à différentes échelles, comme j’ai déjà pu le faire sur le territoire national (Maison des auteurs-La Marelle, Marseille ; Ville de Metz, Projet Créalit), transfrontalier (Noé-Noah Interreg) ou international (La Maison de la littérature, Québec). Lorsque ma collègue du Crem, directrice-adjointe de l’INSPÉ Fabienne Rondelli m’a sollicitée pour le montage d’un projet de résidence, nous avons de suite vu l’opportunité de réfléchir ensemble aux liens entre le dispositif résidentiel, la filière du livre et l’éducation artistique et culturelle (EAC).

Vous recevez une autrice-illustratrice et non pas un.e écrivain.e, pourquoi ce choix ?

Fabienne Rondelli : Notre choix s’est porté sur Loren Capelli car sa démarche est emblématique de la nouvelle création qui floute les frontières entre les différents domaines des arts : littérature, dessin, sculpture, tous se mêlent sans hiérarchie. Elle offre ainsi aux enfants des ouvrages d’une grande beauté formelle et d’une véritable exigence esthétique ; qui prennent parfois la forme de livres, mais également d'autres formes (grands formats au fusain, céramiques...). l'INSPÉ de Lorraine possède en son sein une galerie d'art contemporain, le Préau  : nous avons décidé de coupler résidence d'autrice et exposition.

Alexandra Peisset est la responsable pédagogique du projet de résidence ; pour elle, le choix d'une artiste qui écrit et illustre des livres pour la jeunesse  est fondamental car il permet de familiariser nos étudiants, futurs enseignants avec la création et le monde du livre, de les faire entrer dans un univers d'auteur qui créé des ouvrages complexes et littéraires. La résidence permet deux grands types d'actions complémentaires : les formations et médiations et la rencontre entre l’écrivaine, les acteurs du livre et les public. Ainsi, la résidence existe du fait d’une réelle dynamique articulant les dimensions institutionnelles, administratives, pédagogiques et réflexives d’un projet ambitieux.

Carole Bisenius-Penin : Il s’agit de soutenir, en tant qu’institution publique lieu de recherche, d’éducation et de culture, l’idée qu’auteurs et illustrateurs sont des métiers à part entière qui s’enracinent dans une littérature et des graphismes ouverts à tous les imaginaires contemporains et constituent un secteur en constante progression éditoriale. Ce positionnement me paraît nécessaire car il faut savoir qu’en France les auteurs sont mal payés et encore moins bien s'ils écrivent ou dessinent pour la jeunesse, comme cela a d’ailleurs pu être dénoncé par la « Chartre des auteurs et illustrateurs jeunesse », alors que paradoxalement le chiffre d'affaires du secteur jeunesse est particulièrement florissant (351 millions d'euros, 2020).

Ainsi, si les auteurs de la littérature adulte touchent en moyenne 10% de droits d'auteurs, ceux du secteur jeunesse tournent autour de 5 ou 6 %. D’un point de vue sociologique, cela renvoie aussi au fait que sans même parler de la question du statut de l’auteur, la littérature jeunesse (les femmes représentent 70 % des auteurs) reste toujours peu considérée, alors qu’elle constitue une interface importante en tant qu’objet-livre, souvent le premier rapport des enfants à la littérature, pourtant sa légitimité reste encore à construire. D’où l’intérêt de soutenir la création et de participer à la diffusion des œuvres, en interaction avec les professionnels du livre et de la culture.

Quelles sont les actions de médiations prévues ?

Fabienne Rondelli : Des actions avec plusieurs partenaires du monde du livre sont prévues : rencontre/dédicace à la librairie l'Autre Rive de Nancy, rencontres et ateliers dans les médiathèques de la Métropole du Grand Nancy, participation de l'artiste invitée au festival Zinc Grenadine d’Épinal et au festival Le livre à Metz. Est prévue également une journée d'étude organisée par le CREM, sur la question des apports de la résidence d’auteurs en milieu scolaire, des médiations à la transmission.

Pour finir, des actions de médiation, rencontres et ateliers, sont organisés avec les différents usagers de l'INSPE et des classes d'école primaire, dans le cadre de projets éducatifs ou pédagogiques d'étudiants de l’INSPE.

Carole Bisenius-Penin : La résidence permet unearticulation entre la création (70 %) et les médiations (30 %) sur les deux mois passés sur le territoire par l’autrice-illustratrice. Cette hybridité offre la possibilité de combiner temps d’expérimentation, de création et d’interactions avec les publics. Dans ce cadre, nous avons pensé médiations culturelles (lecture, rencontre, atelier...) et médiations scientifiques (laboratoire mobile) dans une perspective pluriscalaire :

  • le monde du livre et de la culture (festival, bibliothèque, librairie...) : quelles formes de collaboration avec les auteurs et autour de la littérature de jeunesse ?
  • le monde éducatif (étudiants, enseignants) : comment transmettre la littérature de jeunesse ?
  • le monde de la recherche (chercheurs du laboratoire mobile et communauté scientifique) : quels enjeux de la littérature à l’école (EAC) et selon quelles médiations ?
  • le grand public (manifestations culturelles et scientifiques ouvertes à tous)

Une nouvelle aventure menée malgré la crise sanitaire et ses impacts délétères sur le monde de la culture, qui nous l’espérons contribuera à valoriser dans la société le rôle essentiel des auteurs, de la littérature et de l’éducation artistique et culturelle.


En savoir plus sur le projet :

http://recitchazelles.univ-lorraine.fr/a-propos-recitchazelle/

 http://u2l.fr/capelli

photo d'illustration : Loren Capelli