Elena Di Pede, nouvelle directrice du laboratoire Ecritures

 
Publié le 29/09/2020 - Mis à jour le 5/05/2023

Elena Di Pede est la nouvelle directrice du laboratoire Ecritures depuis le 1er septembre. Rencontre.

Présentez-nous votre laboratoire ainsi que les thématiques principales de recherche  ?

Le Laboratoire Écritures est rattaché au pôle TELL. C’est un laboratoire de taille moyenne, dont le dynamisme a fait l’objet de bonnes évaluations lors des dernières expertises. Il compte 31 enseignants-chercheurs et une cinquantaine de doctorants dont plus ou moins 2/3 sont issus de pays hors Europe et, en bonne partie, issus de pays non francophones. Le laboratoire compte sept émérites, une trentaine d’associés, deux ATER et une responsable administrative. Les chercheurs qui y sont rattachés émanent d’une dizaine de sections CNU, de la théologie, y compris l’islamologie, à la littérature, en passant par les sciences du langage, les arts, la philosophie, les langues anciennes… Leur expertise va de l’antiquité à l’époque contemporaine, avec un regard particulier sur les littératures du Sud. La transdisciplinarité est véritablement inscrite dans les travaux collectifs que nous menons.

Actuellement, l’ensemble des chercheurs du centre de recherche se répartissent en trois axes thématiques (Themys, Théologie patristique et mystiques rhénans ; Patmos, Patrimoine Modèles Spiritualité ; et Comes, Constructions mémorielles et sacralisation). Comme son nom l’indique, l’axe Themys s’intéresse tout particulièrement à deux domaines : la patristique (étude des auteurs chrétiens de l’antiquité tardive) et la mystique rhénane (Moyen Âge) dans une démarche qui cherche à souligner les points de convergence entre ces deux domaines, tout en restant très attentif à tout anachronisme. Par sa nature, cet axe cultive de nombreux contacts et projets avec l’Allemagne.

L’axe Patmos a pour objectif d’interroger divers champs (écriture, pensée, savoir, pratiques sociales), à partir de la tradition biblique et de ses héritages. On y explore ainsi le fonctionnement de cette tradition, dans ses sources, ses idées, ses modèles, ses réceptions… Les différentes expressions de la spiritualité et des formes de transcendance y sont étudiées pour elles-mêmes mais aussi dans leurs interprétations, elles aussi questionnées.

L’axe Comes s’intéresse aux constructions mémorielles et aux sacralisations de ces constructions. Elles y sont étudiées en lien avec des questions actuelles, telles que la mondialisation et son impact sur les cultures contemporaines et la construction des identités collectives, qu’il s’agisse de nations ou de minorités.

Chacun des axes qui composent le laboratoire reflète à sa manière son intérêt commun et fédérateur : la prise en compte du religieux et des questions de spiritualité et de sacralisation, dans les domaines de la littérature, des arts, de la culture et de la civilisation. Il s’agit d’un intérêt qui est à la fois historique, théorique et sociétal, car la recherche sur le passé nourrit aussi une réflexion contemporaine sur le vivre ensemble. Si ces questions animent évidemment d’autres unités de recherche en France, l’expertise d’Écritures dans ce domaine a une particularité unique dans l’espace français : la présence de théologiens, rendue possible par le statut concordataire du département de la Moselle.

Les projets et les partenariats sont nombreux, signe de la vitalité du Laboratoire. Certains d’entre eux pèchent probablement par un manque de visibilité à l’intérieur même de l’UL, mais ils sont reconnus et appréciés par les pairs.

Comment allier votre rôle de directeur d’unité avec vos activités d’enseignement et de recherche ?

Au fur et à mesure que les jours passent depuis ma prise de fonction, je m'aperçois que ce ne sera pas simple de mener de front ces trois tâches, surtout cette année où les contraintes sanitaires se surajoutent au reste. Quoi qu’il en soit de la situation sanitaire et des difficultés qui lui sont inhérentes, un enseignat-chercheur est d’abord un enseignant et un chercheur (quel que soit l’ordre des deux mots) ; il n’est pas formé à l’administratif qui, il faut le dire, devient plus en plus envahissant dans le quotidien des universités. Dès lors, si l’enseignement ne peut que rester une priorité, il faut accepter qu’à certains moments, se mettre au service de la recherche collective impose de mettre partiellement en veilleuse sa propre recherche. C’est le cas pour les directeurs d’unité de recherche. Dès lors, il est fort probable que ma capacité de recherche sera diminuée – peut-être fortement – pendant un temps, bien que j’aie la ferme volonté de continuer à avancer dans mes projets de recherche plus personnels.

Quels sont vos projets pour le laboratoire ?

Dans l’immédiat, il faut penser au bilan HCERES. Mon prédécesseur, Pierre Halen, actuellement directeur-adjoint, est en charge de l’établir. En parallèle il faut penser au prochain contrat et les trois axes du laboratoire sont en pleine réflexion afin de mettre en place de nouvelles actions de recherche à mener, individuellement et collectivement. Dans ce cadre, je conçois mon rôle essentiellement comme celui d’un pivot dont la tâche est de favoriser les synergies possibles et la mise en place de projets qui contribuent à la construction commune.

À côté de cet aspect à mettre en œuvre dans les mois qui viennent, je souhaite poursuivre la réflexion sur la question du développement durable dans le domaine spécifique qu’est la recherche en sciences humaines. Nous avons tous la responsabilité d’œuvrer collectivement et individuellement à la réduction significative de notre empreinte carbone. Cela vaut aussi, très concrètement, dans les choix que nous posons en vue de réaliser nos projets. Cela ne veut évidemment pas dire que nous devons arrêter de voyager pour rencontrer, discuter et collaborer avec des collègues d’autres universités ; mais il est indispensable de penser ces questions et pas uniquement sur un plan théorique. Car il ne s’agit pas d’un effet de mode. C’est un véritable enjeu de société et chacun à son niveau nous devons relever les défis inhérents à notre position. J’espère que de cette réflexion sortiront des pistes originales et praticables.

Par ailleurs, l’un de mes rêves, mais c’est aussi, je le pense, une nécessité, c’est d’arriver à sensibiliser nos instances sur le fait que la recherche dans le domaine des sciences humaines ne peut fonctionner sur le modèle des sciences dites « dures ». Les sciences humaines sont inscrites par nature dans une temporalité longue. Elles ont besoin de temps, celui de la réflexion et de la décantation, comme le bon vin. Peut-être faudrait-il songer à s’inscrire, comme d’autres chercheurs dans d’autres universités européennes ont eu le courage de le faire, dans un mouvement « slow search », cassant ainsi cette spirale qui nous entraîne toutes et toutes, au risque de ne plus pouvoir allier les différentes facettes d’un métier qui est et doit rester passionnant.

Quel adage vous appliquez vous dans la vie ?

« L’impossible recule à mesure qu’on marche vers lui ». Antoine de St Exupéry