Céline Vogrig est interne en 7e semestre de radiologie. Avant le début de l’épidémie, elle était affectée dans le service d’imagerie Guilloz du professeur Alain Blum à l’hôpital central à Nancy. Ce service a au moins 50 % de son activité orientée vers l’ambulatoire, ainsi l’équipe a observé dès les premières mesures de confinement une baisse significative du nombre d’examen réalisé avec essentiellement une activité orientée vers le service des urgences. Avant le début de la crise sanitaire, ce sont 12 internes qui étaient affiliés dans ce service or la baisse d’activité ne nécessitait de mobiliser que 4 internes par jour.
Ainsi, dans ces conditions et devant l’appel à la mobilisation générale lancé par l’ISNI et l’AMIN, Céline s’est portée volontaire pour aider l’hôpital Bel Air de Thionville qui se trouvait en plein cœur de l’épidémie avec des ressources humaines très limitées.
Pouvez-vous nous raconter le déroulé de vos journées ?
J’ai été affecté à une unité de Covid dite de « post cohorting ». Il s’agissait de prendre en charge des patients ayant une infection avérée par le Coronavirus suffisamment grave pour nécessiter une surveillance en secteur hospitalier mais ne nécessitant toutefois pas de soin intensif de type réanimation.
J’y ai travaillé pendant 3 semaines consécutives. Nous étions 6 internes à tourner dans ce service, regroupant 22 patients, de jour comme de nuit en plus de nos gardes effectuées dans nos services initiaux, pour ma part dans les services de radiologie à l’hôpital central et à l’hôpital d’enfant à Nancy.
La journée, il s’agissait de prendre en charge les 22 patients du service comme dans un service conventionnel. Nous étions chargés d’effectuer les entrées des patients, de réévaluer certains traitements et surtout de les surveiller sur le plan respiratoire et de prendre en charge leurs décompensations car les personnes hospitalisées étaient pour la plupart des personnes fragiles avec de multiples antécédents médicaux. La difficulté majeure à laquelle nous devions faire face était la communication avec les familles, pour la plupart très inquiètes, qui ne pouvaient pas rendre visites à leurs proches hospitalisés et très demandeuses d’information, avec des réponses que nous n’avions pas toujours face à ce virus que nous découvrions aussi.
La nuit nous étions seuls de garde avec un médecin sénior pour l’ensemble des patients dits « Covid de l'hôpital » soit un total de 3 services de 20 à 25 patients chacun. Il s’agissait alors essentiellement d’effectuer des entrées quand nous avions de la place et de gérer les urgences, souvent nombreuses car les patients étaient pour la plupart très instables et précaires sur le plan respiratoire.
Comment cette expérience a-t-elle pu vous transformer ?
Ces 3 semaines passées au cœur de l’épidémie ont été éprouvantes aussi bien physiquement (avec un enchainement de nombreuses gardes) que moralement.
Nous étions plutôt démunis et paradoxalement passifs dans le soin face à cette épidémie avec peu de ressource thérapeutique efficace hormis la mise en place d’une oxygénothérapie.
Nous avons également dû faire face à un nombre considérable de décès. Un matin lors de la visite j’ai constaté 3 décès dans des chambres successives qui été survenus en fin de nuit. Je n’ai pas une grande expérience des services médicaux du fait de ma spécialité (radiologie) et j’ai été très marqué par cette proximité immédiate avec la mort.
Néanmoins, au sein du chaos, j’ai observé une grande capacité d’adaptation de notre système de santé avec beaucoup d’entraide et de bienveillance de la part du personnel soignant aussi bien médical que paramédical avec une grande adaptation de chacun venant pourtant d’horizons bien différents et ne se connaissant pas pour la plupart (interne de radiologie ou d’endocrinologie, médecin sénior chirurgien ou dermatologue, aidesoignante de bloc opératoire, infirmière de consultation…).
Personnellement, comment allez-vous ?
Même si cela a été difficile, je suis heureuse d’avoir pu apporter ma pierre à l’édifice et d’avoir pu aider à mon échelle à faire face à cette épidémie.
Malheureusement, comme beaucoup de personnels soignants et malgré toutes les précautions prises dans le service je suis tombée malade et j’ai été testée positive au Covid 19, heureusement rien de grave, seulement une perte du goût et de l’odorat, mais dans ces conditions je suis confinée chez moi et astreinte à quelques jours de repos.