[Covid-19] Deux internes de médecine générale racontent leurs stages

 
Publié le 9/04/2020 - Mis à jour le 14/04/2023
Image d'illustration campus Brabois-Santé

Emma et Maude sont étudiantes en 3e année du diplôme d'études spécialisées de médecine générale. Elles se livrent sur leur quotidien de stagiaires pendant l'épidémie du Covid-19.

Comment êtes-vous impliquées dans le secteur médical face au virus ? (Quel service, spécialité, êtes-vous volontaires ou réquisitionnées, ...) 

Maude Pelé : Je suis en stage SASPAS (stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée), je ne suis pas réquisitionnée à l'hôpital pour l'instant car j'ai un rôle de premier recours en médecine générale ambulatoire.

Emma (prénom modifié) : Interne en Médecine Générale, 5ème semestre, interne SASPAS cabinet de médecine générale et S.O.S Médecins (centre dédié au Covid).

Vos rapports avec vos patients ont-ils changé avec l'apparition du virus et la mesure de confinement ? (Nouvelle communication, écoute plus personnalisée, téléconsultation, plage horaire adaptée etc.)

Emma : Nos nouvelles activités sont multiples : téléconsultation, consultation physique au centre dédié Covid et au cabinet de médecine générale, visite à domicile, conseil téléphonique.

Maude : Oui sans aucun doute. Nous avons dû apprendre à nous adapter et à organiser nos consultations. La majorité d'entre elles sont réalisées en téléconsultation. Il faut alors s'approprier l'outil et apprendre à communiquer avec le patient à distance, sans examen clinique. Pour les patients que nous décidons de voir au cabinet, nous avons dû réorganiser la salle d'attente, ainsi que les plages horaires pour réserver les créneaux "infectieux" en fin de journée par exemple. 

Sentez-vous un changement de comportement chez vos patients face au virus ?

Maude : L'ambiance est particulière, on peut ressentir une certaine "tension" chez les gens. Je trouve que cette situation confirme les personnalités de nos patients. Les anxieux paniquent, les laxistes réclament des arrêts de travail, certains confirment une part d'agressivité mais heureusement la plupart font preuve de solidarité en apportant des masques au cabinet par exemple, ou en nous remerciant dans la rue.

Emma : Quelques patients sont très exigeants et demandeurs. J’ai la sensation d’être un bien de consommation de temps à autre, de ressentir la relation médecin-malade à sens unique avec trop peu de reconnaissance. Ce n’est pas une généralité ; il existe heureusement quelques patients très compréhensifs et attentionnés.

Disposez-vous d'assez de matériel de protection ? (Masque, gant, blouse etc.) Comment sont-ils distribués ?

Emma : Nous utilisons 1 à 2 masques par jour et une blouse de temps à autre. La distribution est à la semaine ou au jour le jour. J’ai effectué personnellement des achats de gants, lunettes masque, surblouse, sac poubelle lors des visites, lingettes désinfectantes, javel ect. 

Maude : Nous disposons de masques chirurgicaux ou FFP2 en quantité limitée. Nous consultons avec nos blouses personnelles que nous lavons le soir chez nous. Malheureusement il nous manque des surblouses. Nous pouvons, selon nos matériels personnels, nous équiper de lunettes de protection. Mais nous n'avons ni charlotte, ni sur-chaussures. 

Comment gérez-vous la pression, le stress que peut engendrer votre pratique professionnelle ? 

Maude : C'est évident qu'il existe une certaine anxiété par rapport à notre santé car nous prenons des risques, mais je crois que la pression la plus difficile à gérer est celle de nos proches qui s'inquiètent beaucoup pour nous.

Emma : Le stress s’amplifie durant cette crise sanitaire. J’essaie de le gérer en pratiquant des activités sportives habituellement mais en ce temps de crise, j’ai peu de temps pour cela. Je pratique donc du sport à la maison, je regarde des films pour me relaxer.

Quelle organisation avez-vous mis en place pour étudier, travailler et garder un lien avec vos proches ? Cela est-il gérable pour vous ou rencontrez-vous des difficultés ?

Emma : Le travail de thèse est compromis, j’essaie de travailler quand je trouve le temps et le courage. J’essaie de protéger au maximum mes proches, en désinfectant mes vêtements soigneusement. Cela nécessite de prendre des précautions infinies et de toujours y penser. Pour communiquer, on privilégie les appels téléphoniques et vidéos.

Maude : Il faut avouer que la situation n'est pas vraiment propice pour continuer à étudier nos thématiques de médecine générale ou pour rédiger une thèse. Mais on se renseigne beaucoup sur le virus alors ça fait quand même partie de la formation continue. Pour garder contact avec la famille ou les amis, on communique énormément par téléphone ou Skype. On se donne même beaucoup plus de nouvelles qu'avant ! Il faut trouver du positif partout. Pour l'instant ça va, le moral est bon, et les ressources ne sont pas épuisées, mais cela ne fait que 3 semaines !