Pouvez-vous vous présenter ainsi que vos travaux ?
Annegret Kohler, ingénieure de recherche, Emmanuelle Morin, ingénieure d’étude, Claude Murat, ingénieur de recherche et Francis Martin, directeur de recherche, travaillent à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) dans l’Unité Mixte de Recherche Interactions Arbres/Micro-organismes.
Notre équipe travaille depuis de longues années sur la biologie et l’écologie des champignons forestiers, et ce, à plusieurs niveaux : génomique, mécanismes régissant les interactions symbiotiques, effet du changement climatique sur les communautés de champignons, effet des modes de gestion sylvicole ... Nous utilisons les outils de la génomique comparative afin de comprendre le rôle des champignons des écosystèmes forestiers. Il est indispensable de mieux cerner la façon dont les arbres et leurs partenaires microbiens réagissent aux changements climatiques et aux pratiques de gestion sylvicole, c’est un enjeu majeur !
Laurent Peyrin-Biroulet. Je suis professeur d'hépato-gastroentérologie au CHRU de Nancy. Je suis actuellement président de notre association nationale (GETAID), européenne (ECCO) et vice-président de notre organisation mondiale (IOIBD). Je suis également directeur adjoint de l'unité INSERM 1256 NGERE et dirige l'équipe 2 dédiée aux maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI). Ce sont des maladies fréquentes, touchant 250.000 personnes en France et 3 millions en Europe, qui restent incurables. Elles sont très invalidantes, touchent principalement le sujet jeune mais peuvent survenir à tout âge. La prise en charge des patients atteints de MICI représente de loin le premier poste de dépenses de santé en France ; l'institut des maladies inflammatoires du grand est qui vient d'être lancé permettra je l'espère de guérir un jour ces patients. J'ai développé une recherche clinique, translationnelle et expérimentale depuis 15 ans. Après 2 années de mobilité à Lille puis une année à la MAyo Clinic, j'ai eu l'honneur de travailler avec les Prs Colombel et Sandborn qui étaient mes mentors et sont devenus des amis très proches. Tout ce que j'ai pu construire au CHRU de Nancy et au sein de notre unité Inserm nous a permis d'avoir une reconnaissance, avouons-le, un peu inespérée pour un site comme la Lorraine. Nous sommes en effet classés numéro un en Europe et numéro deux dans le monde dans la recherche sur les MICI (source : Expertscape). J'en profite pour remercier tous mes collaborateurs ainsi que le CHRU de Nancy et l'Université de Lorraine pour leur soutien indéfectible.
Faiez Zannad. Je suis cardiologue et professeur de thérapeutique, spécialiste en insuffisance cardiaque et depuis un mois « à la retraite », professeur émérite à l’Université de Lorraine et médecin attaché au Centre d’Investigation Clinique Inserm du CHRU de Nancy.
Mes travaux ont principalement contribué à changer profondément la pratique médicale dans le domaine de l’insuffisance cardiaque. Bien que plus grave que la plupart de cancers et même si c’est la première cause d’hospitalisation chez des personnes âgées de plus de 65 ans, cette maladie a reçu peu d’attention dans notre système de soins. Pourtant des progrès considérables ont été réalisés. Nous avons contribué significativement à ces progrès depuis deux décennies. Nos efforts ont abouti à valider les médicaments devenus le socle du traitement de l’insuffisance cardiaque utilisé de par le monde, prolongeant la survie et améliorant le confort de vie des malades atteints de cette maladie.
Quelle est, selon vous, la raison pour laquelle un chercheur devient hautement cité ?
Equipe Inra : Les travaux menés par les chercheurs HICI sont le plus souvent publiés dans des revues de haut niveau (ex. Nature, Science) et décrivent des résultats novateurs en rupture conceptuelle ou méthodologique. Si la plupart des Highly Cited Researchers sont des chercheurs ou des professeurs d’université, il nous semble important de souligner que d’autres catégories de personnels de la recherche ont accès à cette liste prestigieuse. Dans notre équipe, trois des scientifiques récompensés sont des ingénieurs Inra valorisant le vrai travail d’équipe au sein de l’UMR Interactions Arbres/Micro-organismes.
L. Peyrin-Biroulet : Changer la pratique doit être notre seul objectif. C'est très difficile et peu d'articles sur PubMed y contribuent, mais c'est possible. En ce sens, partir du patient est essentiel et avec près de 1000 consultations par an cela donne des idées ! J'ai également toujours cherché à lancer de nouveaux concepts (contrôle serré, intervention précoce, coloscopie virtuelle etc.) que je teste ensuite dans des essais cliniques. En parallèle, j'ai continué à développer une recherche expérimentale et translationnelle pour laquelle je me suis toujours attaché à ne publier que dans des top journaux (Nat Genet, J Clin Invest, Gastroenterology, PNAS, Gut etc.) en essayant d'identifier des nouveaux mécanismes physio-pathologiques jusque-là inconnus.
F. Zannad : Je ne suis pas sûr qu’il y ait une recette unique pour qu’un chercheur devienne hautement cité. En ce qui me concerne, c’est la portée mondiale de mes travaux le fait qu’ils concernent un important enjeu de santé, et qu’ils ont déjà des conséquences majeures sur la survie des patients. Il y a aussi probablement une raison nécessaire à tous les chercheurs hautement cités, c’est le travail collaboratif en réseau, à un niveau international.
Vous avez clairement un impact sur les travaux d'autres chercheurs mais comment cette notoriété affecte-t-elle votre propre recherche ?
A. Kohler : Le fait d'être largement cité par les chercheurs de notre communauté permet de mieux se faire connaître. Cela se traduit, par exemple, par des invitations à des conférences en tant que conférencier plénier ou par de nouvelles offres de collaboration à des projets de recherche.
F. Martin : Notre notoriété est vraisemblablement liée à la qualité de nos recherches et à leur caractère innovant et ce sur une longue durée. Elle a, sans aucun doute, facilité le financement de plusieurs de nos gros projets internationaux (par exemple avec le Ministère de l’énergie américain) et explique certainement ma nomination récente comme professeur à l’Université forestière de Pékin dans le cadre du programme chinois “High Talent“.
C. Murat : Etre dans cette liste récompense le travail de l’équipe, sous la dynamique de Francis, et nous donne une meilleur visibilité et reconnaissance à l’international. En tant qu’ingénieur de recherche je jongle entre recherche fondamental et recherche appliquée. Je pense que mon classement dans la liste HCR a peut être facilité l’obtention du programme de recherche CulturTruf (financé par FranceAgriMer) ou tout au moins rendu plus crédible ma position de coordinateur de ce projet. Enfin, je crois beaucoup au transfert de nos recherches vers le monde socio-économique, c’est pourquoi je participe à la création de la startup WETRUF (https://wetruf.com), suivi par l’Incubateur Lorrain, qui va valoriser deux innovations issues de nos recherches dans le domaine de la trufficulture.
L. Peyrin-Biroulet : Cela m'a permis d'avoir un effet levier dans ma recherche pour monter des projets encore plus ambitieux comme le projet ICARE ou de participer à des consortiums européens avec lesquels nous venons d'obtenir 2 appels à projet Initiatives de Médecine Innovantes ! La recherche monocentrique ne permet pas toujours de mener l'étude qui répondra à toutes les questions mais apporte souvent des informations essentielles et permet de tester des nouveaux concepts avant de passer à une étude de plus grande ampleur.
F. Zannad : C’est ça qui est merveilleux et terriblement efficace dans le domaine de la publication scientifique. Lorsque, après beaucoup d’efforts, on devient un chercheur hautement cité, notre avis devient plus recherché et notre expertise très sollicitée. Même une fois passé l’âge de la retraite (ce qui est mon cas depuis peu), je continue à travailler, répondant à des sollicitations internationales, comme je le fais actuellement, en tant que professeur invité au Harvard Medical School à Boston.