Quand les anciens glaciers deviennent des pluviomètres ... et nous éclairent sur l'histoire du cycle tropical de l'eau.

 
Publié le 4/09/2018 - Mis à jour le 12/09/2018
Le paysage de l'Altiplano il y a 15500 ans.

Léo Martin est un ancien doctorant du Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques (CRPG), en post-doctorat à l'université d'Oslo. Avec Pierre-Henri Blard, chargé de recherches CNRS au CRPG et leurs collaborateurs, ils sont les auteurs d'un article publié le 29 aout 2018 dans la revue 'Science Advances', étudiant l'extension des anciens glaciers de l'Altiplano bolivien lors de la dernière déglaciation. Il permet, en regardant dans le passé, de mieux comprendre les impacts des changements climatiques sur le cycle de l'eau en contexte tropical.

La méthode de datation par les nucléides cosmogéniques repose sur le fait que ces éléments sont produits, en très faibles concentrations, à la surface de notre planète par l’effet des particules cosmiques de haute énergie et donc qu'il s'accumulent d'autant plus sur une surface que celle-ci est restée longtemps à l'affleurement exposée aux particules cosmiques. Ces mesures nécessitent des techniques analytiques sophistiquées dont disposent seulement quelques laboratoires au monde, sous l’impulsion de Raphaël Pik, Jérôme Lavé et de Pierre-Henri Blard, le CRPG fait partie de ces quelques laboratoires.

 

Léo Martin
Pierre-Henri Blard

Cette publication présente principalement les travaux de thèse de Léo Martin qui ont permis de mener à bien des datations et modélisations inédites avec pour but la reconstruction à haute résolution spatiale et temporelle des températures et précipitations dans les Andes tropicales. Pour parvenir aux résultats publiés dans cet article les chercheurs ont d’abord du améliorer significativement la précision et la fiabilité des méthodes de datation par les nucléides cosmogéniques. Ensuite, une méthode originale a été mise en œuvre pour tirer profit de dépôts glaciaires de l’Altiplano et réaliser une carte de précipitations. Le principe exploité est le suivant : un lac et un glacier ont des sensibilités contrastées aux précipitations et aux températures, cette différence étant due au fait qu’il faut plus d’énergie pour évaporer l’eau liquide qu’il n’en faut pour faire fondre la glace. 

En reconstruisant la position des paléoglaciers synchrones de la grande expansion lacustre du lac Tauca sur l'Altiplano bolivien il y a 15500 ans, les chercheurs ont réussi à déterminer le champ spatial des précipitations (x 2.3 moyenne régionale) et le refroidissement (DT = -3°C) qui régnaient alors. A partir des cartes de précipitations obtenues les auteurs déduisent qu’un refroidissement de l’Hémisphère Nord peut provoquer un déplacement vers le Sud des cellules de circulation atmosphériques sud-américaines lors des périodes de ralentissement de la circulation océanique. Ces résultats sont importants car ils devraient permettre de mieux comprendre les impacts des changements climatiques futurs sur le cycle de l’eau tropical.