« Outils Autisme » : un projet présenté par Antonin Mangeot, étudiant à l'IUT Nancy-Charlemagne

 
Publié le 14/03/2018 - Mis à jour le 15/03/2018
Antonin Mangeot, membre du projet "Outils Autisme". Jeune homme de 20 ans, portant des lunettes et une chemise bleue

Ce jour, c’est un projet un peu différent des autres que nous allons vous présenter.

Au-delà des récoltes d’argent, des créations d’événements, des compétitions et bien d’autres concepts encore, nous avons eu l’honneur de rencontrer Antonin Mangeot, 20 ans, étudiant en deuxième année de DUT Gestion des Entreprises et des Administrations à l'IUT Nancy-Charlemagne. Ce jeune homme a donc accepté de nous parler de lui, de son projet, et plus particulièrement, de nous expliquer un peu plus ce qu’est le syndrome d’Asperger.

 

Le projet « Outils Autisme »

Antonin fait en réalité partie du projet « Outils Autisme ». Celui-ci est composé de 9 membres, dont : Iris Gaballah, Sarah Humbert, Laura Joncoux, Nicolas Litvinenko, Marie Mafioly-Terver, Louise Meyer, Manon Meyer et Adam Oumeddour. Pour Antonin, le choix de ce projet lui tenait particulièrement à cœur et était même une évidence, étant donné qu’il est lui-même porteur d’autisme.

Globalement, le projet repose sur un partenariat avec une nouvelle entreprise, appelée Juggle. Elle a pour but de créer des bracelets pour les personnes autistes. Ces bracelets électroniques permettent de mesurer les données de la personne qui les portent (telles que le rythme cardiaque et d’autres données simples) pour pouvoir ensuite récolter ces données, les analyser (mesurer le niveau de bonheur par exemple), et en faire des statistiques, qui sont transmises par la suite aux médecins.

Au final, quel est le but du projet ? Eh bien, c’est simple, ces 9 étudiants de GEA sont chargés d’aider cette entreprise à devenir plus performante et à se développer, pour qu’elle puisse créer de nombreux outils pour aider les autistes, et ainsi, être meilleure que la concurrence. Cela a donc un lien évident avec la formation qu’ils suivent.

 

Le syndrome d’Asperger

Antonin a souhaité nous parler du syndrome d’Asperger, sur lequel il avait fait une intervention en amphithéâtre en janvier dernier.

Le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme découverte en 1943 par Hans Asperger. Il est caractérisé par des troubles de l’attention, la non-tolérance aux changements ou aux imprévus, c’est-à-dire que les personnes porteuses de ce syndrome supportent très peu les perturbations. Ces dernières sont également dans l’incapacité de comprendre les expressions abstraites, et les comprennent donc seulement au sens littéral.

Nous le savons déjà tous, la plupart des personnes autistes sont détentrices d’une intelligence et d’une mémoire plus développée. Antonin nous a alors confié connaître lui-même beaucoup de choses que la plupart des gens ignorent peut-être (toutes les dates électorales des présidents français et américains, toutes les personnes ayant marché sur la lune, les noms latins de plusieurs espèces animales, et nous en passons !).

Cependant, cette intervention n’a pas seulement donné lieu à la présentation de ce syndrome. En effet, Antonin a également voulu prouver, par ce biais, que chaque être humain est différent, et que, même lorsque nous sommes malades, nous ne sommes pas plus différents que chaque autre personne entre elle. Il voulait également sensibiliser les étudiants ainsi que tout le personnel de l’IUT à ce trouble (et à n’importe quelle autre), afin que tout le monde comprenne que ce n’est pas parce que l’on est malade que l’on doit être traité différemment des autres.

Il nous a alors confié que cette intervention l’avait beaucoup aidé. En effet, s’exprimer devant beaucoup de monde lui a été très bénéfique. Il a pu combattre sa timidité et ainsi « prendre de la hauteur », ce qui lui a permis de prendre en confiance en lui.

Voilà donc un magnifique message à faire passer. Si vous aussi, vous êtes timides, ou que vous avez peur d’être différents, prenez les devants, et dites-vous bien que personne n’est identique, et que justement, cela est une chance, pas un défaut.

Pour compléter cette interview, Antonin a souhaité nous partager le témoignage qu’il avait rédigé le 18 février pour la journée nationale du syndrome d’Asperger, n’hésitez pas à le lire, c’est juste ici !

Et surtout, n’hésitez pas à venir le voir, il sera ravi d’échanger avec vous.

 

 

 

 

18 février, journée nationale du Syndrome d’Asperger

Je m’appelle Antonin, j’ai 20 ans et je suis actuellement étudiant à Nancy. Je fais un DUT GEA (Diplôme Universitaire de Technologie en Gestion des Entreprises et des Administrations) à l’IUT Nancy-Charlemagne. J’ai été diagnostiqué autiste Asperger à la fin des années 2000, lorsque j’étais suivi par un hôpital de jour.

J’ai deux centres d’intérêt particulièrement développés : les animaux et le football (toutefois, concernant le football, je ne m’intéresse pas aux clubs, seulement aux équipes nationales, et donc surtout à la Coupe du monde). J’adore m’instruire sur les animaux. J’adore également, de ce fait, les parcs zoologiques (surtout le ZooParc de Beauval).

Je possède également une très grande mémoire que j’utilise pour retenir de nombreuses choses ; ainsi, je connais aujourd’hui :

‒ Les années de naissance et de décès, mais aussi de début et de fin de règne (ou de mandat) de tous les monarques, présidents et autres types de dirigeants que la France a eus dans son histoire à partir de la dynastie royale des Capétiens directs, c’est-à-dire à partir de la fin du Xe siècle ;

‒ Par ordre alphabétique :

‒ Tous les États des États-Unis de l’Alabama au Wyoming ;

‒ Tous les pays du monde de l’Afghanistan au Zimbabwe ;

‒ Tous les départements français de l’Ain aux Yvelines.

‒ Les noms latins de plusieurs espèces animales ainsi que ceux de leurs sous-espèces (pour expliquer quelle est la différence entre une espèce et une sous-espèce, un exemple : le tigre est une espèce et le tigre de Sibérie est une de ses sous-espèces) ;

‒ Tous les scores des différents matchs des Coupes du monde de football de 2010 et de 2014 et du championnat d’Europe 2012, plus les classements détaillés des poules.

Mon nouveau défi, qui est en préparation, est de réussir à faire la même chose qu’avec les monarques et présidents français avec les présidents des États-Unis.

Je passe la grande majorité de mon temps dans une solitude totale, ce qui a un impact très grave sur mon moral. Les personnes qui m’encadrent à l’IUT m’avaient proposé de me faire faire ma deuxième année de DUT GEA en deux ans afin que je parvienne plus facilement à gérer mon travail et afin que je puisse être moins stressé. Mais avec les nombreux moments de temps libre que cet aménagement m’a permis d’obtenir, je me suis mis à passer beaucoup plus de temps seul, ce qui a fini par me faire gravement déprimer et m’a ôté toute motivation pour travailler, ce qui a eu pour conséquence que les colles que je devais passer dans le cadre de ma formation se sont soldées par de cruels échecs. Pour ne plus être régulièrement seul, j’ai donc décidé de demander à faire une deuxième année complète pendant l’année scolaire 2018-2019, au lieu de la deuxième moitié de cette deuxième année que j’étais en train de faire en deux ans.

La solitude que je vis est absolument insupportable pour moi. Je peux éventuellement atténuer les effets négatifs qu’elle a sur moi en sortant dehors pour faire de l’activité physique, mais tout seul, je ne prends absolument aucun plaisir à aller marcher. De plus, actuellement, à cause de la météo (froid glacial, pluie et violentes chutes de neige), il m’est la grande majorité du temps impossible de sortir de chez moi. Je suis obligé de rester enfermé dans la chaleur de mon appartement, ce qui peut me rendre fou.

Mais le plus gros problème est que, pour ne pas devenir fou, il y a deux choses extrêmement importantes à faire : mesurer le temps et parler (voir Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier, œuvre publiée en 1971 : après s’être échoué sur l’île de Speranza suite à un terrible naufrage dont il est le seul survivant, Robinson Crusoé, qui sait qu’il doit faire ces deux choses pour éviter de devenir fou, se construit lui-même des instruments pour mesurer le temps et invente un règlement pour l’île de Speranza qu’il lit régulièrement à haute voix, ce qui lui permet de parler). Mesurer le temps est une chose que je fais, car j’ai la possibilité de connaître l’heure ; en revanche, comme je suis très souvent seul, je ne parle que très rarement dans la journée : à midi et le soir, lorsque je me rends au restaurant universitaire pour manger et que je dis aux employés quelle nourriture je souhaiterais qu’ils me servent, il peut s’agir de mes seules paroles de la journée… Et il est évident que c’est en partie cela qui contribue à me faire devenir fou.

Faute d’avoir des relations sociales, je suis toujours obligé de partir en vacances avec mes parents pendant les vacances d’été, ce qui est insupportable pour moi.

Le 18 janvier dernier (et donc il y a un mois jour pour jour !), j’ai fait une intervention en amphithéâtre pour présenter mon handicap aux autres étudiants de ma formation, pour leur parler du syndrome d’Asperger et également pour leur dire comment j’étais, quel était mon mode de vie. Avec cette intervention, j’espérais surtout réussir à les inciter davantage à venir vers moi et à me proposer de faire des choses avec eux, mais à de très rares exceptions près, ça n’a pas été le cas. Cela peut s’expliquer par le fait que l’intervention n’ait eu lieu qu’en pleine année (il faut dire que l’idée de faire cette intervention n’est apparue qu’en cours d’année). Mais elle sera refaite l’année prochaine, et cette fois-ci, je prendrai donc soin de la faire dans les tout premiers jours de l’année, car j’estime que c’est à ce moment-là, au moment où tous les étudiants font connaissance et se rapprochent les uns des autres, qu’il sera le plus opportun de la faire pour avoir un maximum de chances de faire entendre mon message aux autres étudiants.

J’aimerais très vivement qu’en cette journée nationale du syndrome d’Asperger, mon témoignage m’aide à sortir enfin de cet isolement que je n’ai jamais voulu et qui me rend la vie très triste. Prenez contact avec moi !

 

Article rédigé par Charle News, la newsletter de l'IUT Nancy-Charlemagne

 

Logo du projet étudiant Charle News, la newsletter de l'IUT Nancy-Charlemagne
Soumis par un étudiant