Retour sur le 14e Forum Jeunes Chercheurs sur la biodétérioration des matériaux

 
Publié le 20/12/2017 - Mis à jour le 21/12/2017
Diatomées disposées en "fleur" à la surface d'une pâte pure de ciment immergées dans la Moselle

Les 30 novembre et 1er décembre 2017, l’équipe Matériaux pour le Génie Civil de l’Institut Jean Lamour (IJL) a organisé et accueilli le 14e Forum Jeunes Chercheurs. Cet événement de la commission Biodétérioration des Matériaux du Comité FRançais de l'Anti-CORsosion (CEFRACOR) s’est déroulé à l’IUT de Nancy Brabois avec le soutien de l’IJL et du pôle M4 de l’Université de Lorraine.

Ce forum, organisé tous les 18 mois environ, s'adresse aux acteurs académiques et industriels ainsi qu’aux experts intéressés par les problématiques d’interactions entre microorganismes et matériaux (matériaux métalliques, minéraux / bétons, pierre, bois, polymères, etc.). Il vise à présenter les enjeux et résultats des recherches les plus récentes dans le domaine, tout en valorisant le travail des jeunes chercheurs, en doctorat ou post-doctorat.

6 présentations ont été réalisées par de jeunes chercheurs, qui ont ensuite laissé la parole à deux conférenciers invités. Des sessions poster ont permis de nombreux échanges entre les différents participants. Les présentations et les posters des jeunes chercheurs ont servis de support à un prix Jeune Chercheur. La lauréate de ce prix est Laura Didierjean, que nous tenons à féliciter.

Retour sur les présentations des jeunes chercheurs :

Anaïs Grandclerc, jeune docteur à l’IFSTTAR (Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Réseaux – Marne la Vallée) a présenté ses travaux sur le développement d’un essai accéléré reproduisant les conditions environnementales d’un réseau d’assainissement permettant l’étude de la biodétérioration des bétons.
Cet essai permettra l’étude de solutions plus performantes et durables que celles offertes par les bétons traditionnels.

Calypso Chadfeau, doctorante au laboratoire ICube de Strasbourg, a par la suite exposé ses résultats sur l’étude des phénomènes à l’origine de l’adhésion entre les matériaux cimentaires, parfois bio-adjuvantés, et les surfaces coffrantes fonctionnalisées.
L’analyse des surfaces présentée a notamment permis de montrer l’importance de la morphologie des surfaces à différentes échelles sur les phénomènes d’adhésions mis en jeu lors du décoffrage des matériaux cimentaires.

Valentin Georges, jeune docteur à l’Institut Jean Lamour, a ensuite présenté ses recherches sur l’influence des micro-organismes sur les évolutions physico-chimiques de matériaux cimentaires immergés dans la Moselle.
Ses principales conclusions concernent l’influence des bactéries naturellement présentes dans ce milieu sur la biolixiviation des pâtes de ciment et la présence de diatomées à la surface des matériaux, parfois recouvertes d’un encroutement minéral secondaire.

Paola Paul, doctorante au laboratoire ICube de Strasbourg, a pris le relais en présentant ses travaux concernant l’analyse multi-échelle des propriétés mécaniques des bétons à base de sable de fonderie. L’incorporation de ces sables dans les mortiers modifie leurs propriétés mécaniques et de surface.
Une étude approfondie de la formulation de ces matériaux et de leur adjuvantation permettra d’améliorer leur comportement, notamment leur bioréceptivité et leur résistance aux dégradations bio-induites.

Anne-Ilham El Menjra, doctorante à l’Institut de Recherche de Chimie de Paris, a par la suite fait le point sur ses travaux concernant le développement d’une méthode d’analyse isotopique en spectrométrie ToF-SIMS pour l’identification de l’origine bactérienne de produits de réaction sur des surfaces solides.
L’objectif est de discriminer l’origine biologique ou chimique de composés contenant du soufre en s’appuyant sur le fait que les bactéries sulfato-réductrices, régulièrement incriminées dans les phénomènes de biocorrosion, produisent du soufre à l’état réduit dont la distribution isotopique 34S/32S est différente de la distribution naturelle du soufre.

Laura Didierjean, jeune chercheuse au Laboratoire de Chimie Physique et Microbiologie pour l'Environnement (LCPME, Villers-lès-Nancy),a clôturé cette session par la présentation de ses résultats sur l’étude de l’impact des métabolismes bactériens sur la corrosion des matériaux métalliques. L’étude menée sur la corrosion de la fonte ductile soumise à différentes souches et consortium bactériens a montré que la cinétique de détérioration peut dépendre d’une action simultanée de plusieurs métabolismes bactériens et donc de la diversité bactérienne, elle-même fonction de la nature des sols.

Retour sur les présentations invitées :

Laurence Mathieu, Maître de Conférences au Laboratoire de Chimie Physique et Microbiologie pour l'Environnement (LCPME, Vandœuvre-lès-Nancy), a présenté les résultats d’un projet consacré aux matériaux antibiofilm innovants dans le contexte des eaux potables.
L’adhésion et la croissance de microorganismes à la surface des matériaux utilisés en distribution d’eau impactent les caractéristiques microbiologiques des eaux distribuées, favorisent le développement de certains pathogènes, disqualifient l’usage direct de ces eaux dans de nombreux secteurs et imposent souvent la nécessité d’un traitement supplémentaire au point d’usage.
Les critères d’évaluation des nouveaux matériaux retenus sont la limitation du film conditionnant la faible adhésion bactérienne et la facilité de nettoyage par les moyens traditionnels.
Parmi ces critères, celui de nettoyabilité - à l’égal d’un effet anti-adhésion - apparaît comme essentiel dans la définition de nouveaux matériaux utilisables dans le domaine de l’eau, et participe au développement de nouvelles surfaces.

Philippe Refait, Professeur des Université au Laboratoire des Sciences de l’Ingénieur pour l’Environnement (LaSIE) de La Rochelle, a clôturé ce forum en évoquant la corrosion des aciers en milieu marin, un phénomène nécessairement influencé par les bactéries.
La corrosion des aciers en milieu marin se caractérise par la formation de produits de corrosion, tels que des sulfures de fer, notamment associée à l’activité métabolique de la flore bactérienne sulfurogène.
L’influence de cette flore sulfurogène, initialement limitée aux premières zones anoxiques créées au sein de la couche recouvrant le métal, tend à se généraliser progressivement à l’ensemble de la surface pour laquelle le caractère anodique ou cathodique des différentes zones influe sur la nature des produits de corrosion formés.
Le processus est auto-entretenu et une hétérogénéité transitoire du milieu peut donc avoir des effets persistants via les hétérogénéités durables qu’elle a induites au niveau de la couche de produits de corrosion.

Légende de l'illustration : diatomées (microalgue à exo-squelette siliceux) disposées en "fleur" à la surface d'une pâte pure de ciment (ciment + eau) immergées dans la Moselle.