Traduire, beaucoup plus que connaître des langues

 
Publié le 13/09/2017 - Mis à jour le 14/09/2017

Jorge Valdenebro Sánchez est lecteur au département de Langues Etrangères Appliquées (LEA). Il donne des cours de Traduction économique et d'Initiation à la traduction aux étudiants de licence. Il nous parle aujourd'hui de son métier souvent méconnu par le grand public. Pourtant le traducteur est l'acteur central qui rend possible le dialogue, la découverte des autres cultures au grand public ...

Traduire, beaucoup plus que connaître des langues

Quand les gens me demandent ce que j’ai étudié, je réponds toujours la même chose : Traducción e Interpretación[1]. Cependant, face à cette réponse, un pourcentage important fait le commentaire suivant : ah ! Vous avez étudié des langues ! Pas du tout. Bien qu’un traducteur doive connaître des langues (évidemment, c’est très important), il faut être conscient que cela n’est qu’une partie d’un ensemble de compétences présentes chez le traducteur et l’interprète. C’est triste, car cela montre que la société n’est pas vraiment consciente de l’importance que les traducteurs et interprètes ont de nos jours. Vous êtes-vous demandé grâce à qui vous pouvez lire, par exemple, un livre de William Shakespeare, regarder une série américaine en français ou comprendre, parfaitement, un discours de Mariano Rajoy ? Oui, grâce au traducteur et grâce à l’interprète. Une figure, je me permets de le dire, invisible, mais qui existe.

Pourtant, pourquoi ces activités ne peuvent pas être réalisées par une personne connaissant deux langues ou une personne bilingue ? Même si quelqu’un est bilingue, il faut avoir, comme Hurtado Albir[2] (2011) indique dans son livre Traducción y traductología. Introducción a la traductología, une compétence en traduction et une série des sous-compétences. Bien-sûr qu’il est nécessaire que le traducteur et interprète connaisse la langue, mais ce n’est une des sous-compétences qui font partie de la compétence en traduction. Les traducteurs et interprètes doivent maîtriser la spécialité avec laquelle ils travaillent. Il faut essayer de se rapprocher le plus aux professionnels du domaine concerné. C’est-à-dire, si nous sommes en train de traduire un testament du français à l’espagnol, nous devrions maîtriser le droit des successions, non seulement celui de la France, mais aussi celui de l’Espagne. Par conséquent, cela suppose un travail énorme, un processus d’apprentissage constant et une recherche documentaire importante. Ce dernier point est un autre des aspects que le traducteur doive contrôler, parce que, bien que l’expérience aide, nous ne pourrons jamais être au même niveau que le professionnel en droit ou de n’importe quelle matière. C’est pour cette raison que savoir chercher et choisir une source fiable et convenable est aussi important la connaissance de langues.

À la suite de ce dernier aspect, j’aimerais démonter un mythe assez étendu. Traduire ne consiste pas à faire usage des dictionnaires pour changer un mot par un autre dans une autre langue. Traduire c’est beaucoup plus que cela. On peut même passer des heures à essayer de trouver un concept. Ce n’est pas si facile qu’on pense. De plus, dans les domaines spécialisés, il n’est pas rare que les termes n’apparaissent pas dans les dictionnaires courants. De la même manière, il faut maîtriser la langue écrite (pour les interprètes, la langue orale). Il y a ceux qui pensent que c’est un art au lieu d’une technique. Quoi que ce soit, cela exige du traducteur un grand travail constant. Aimer la lecture est donc une nécessité pour savoir s’exprimer correctement et avec un vocabulaire adéquat.

Vous pouvez donc vous rendre compte que la personne chargée d’une traduction ou d’une interprétation réalise un exercice compliqué. J’insiste sur l’idée de personne, puisqu’il y a une croyance qui affirme que cette profession va disparaître. Les traducteurs automatiques vont, tôt ou tard, remplacer le traducteur. Je vous affirme que c’est absolument faux, malgré les avances de la technologie. C’est vrai que la technologie aide, mais elle ne remplacera jamais le travail d’un être-humain. D’après moi, ce serait comme si on pensait que la technologie pourrait éliminer le travail des médecins et donc une machine réaliserait leur tâche. Vous laisseriez-vous opérer du cœur par une simple machine ? Je ne le pense pas, parce que les médecins, tout en faisant usage de la technologie, ne laissent jamais une machine travailler sans leur surveillance. Alors, de même que vous ne vous feriez jamais opérer par une simple machine, ne pensez jamais qu’une traduction peut être réalisée par une personne n’ayant que des connaissances linguistiques et sans les connaissances en traduction nécessaires. On le voit sur cet article, traduire est beaucoup plus que connaître des langues.



[1]Licence (espagnole) en Traduction et Interprétation.

[2]Hurtado Albir, Amparo (2011) : Traducción y traductología. Introducción a la traductología, Madrid : Ediciones Cátedra.