Jean-Pierre Jacquot est Professeur, directeur du pôle Écosystèmes Forestiers, Agroressources, Biomolécules et Alimentation. Il présente un résultat publié récemment dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS), aboutissement de travaux initiés il y a plus de quarante ans. Il a pu être établi au sein d’une équipe internationale associant l’Université de Lorraine et l’Inra, les universités de Freiburg (Allemagne) et de Berkeley (États-Unis). La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
La conversion de la lumière du soleil en énergie chimique, un processus nommé photosynthèse, est l’un des plus importants processus biologiques sur Terre. La photosynthèse oxygénique entraîne la libération d’oxygène et la fixation de dioxyde de carbone (CO2), elle est réalisée par les végétaux terrestres, les algues et certaines bactéries appelées cyanobactéries du fait de leur coloration bleue.
Jusqu’à présent, on ignorait l’origine du processus de photosynthèse, apparu il y a 3,8 milliards d’années avec les premières cyanobactéries. Dans une récente publication scientifique, nous montrons qu’au cours de l’évolution, des organismes appartenant à deux domaines du vivant (une bactérie et une archéobactérie) ont contribué à la mise en place du système biologique sur lequel repose la fixation du CO2.
Or, ces organismes ne sont pas eux-mêmes photosynthétiques.
Tim Vickers at English Wikimédia
La photosynthèse, clé de voûte des équilibres biologiques
Le CO2 fixé par les organismes doués de photosynthèse est utilisé pour la synthèse de sucres. La photosynthèse est ainsi à l’origine de l’essentiel de l’énergie et de la matière organique sur Terre. Elle joue aussi un rôle clé dans le maintien constant du taux d’oxygène et dans la réduction de la teneur en CO2, un important gaz à effet de serre, dans l’atmosphère terrestre.
L’efficacité de fixation du CO2 par les plantes conditionne notamment les rendements des cultures agricoles. Mieux connaître le fonctionnement et la régulation de la photosynthèse pourrait permettre de mieux contrôler la productivité végétale.
Les enzymes, au cœur de la fixation du CO2
Dans les cellules des plantes, la fixation du CO2 fait intervenir une série enzymes constituant un cycle métabolique. Les enzymes sont des protéines qui catalysent les réactions chimiques. Les enzymes permettent à des réactions de se produire à des vitesses qui peuvent être des millions de fois plus rapides qu’en leur absence. Comme toute protéine, la séquence peptidique constitutive d’une enzyme est directement liée à la séquence nucléotidique de l’ADN des gènes qui codent cette dernière. En d’autres termes, chaque enzyme est codée par un gène.
Les chercheurs étudient deux de ces enzymes depuis plus de quarante ans : la fructose-1,6-bisphosphatase (ou FBPase) et la sédoheptulose-bisphosphatase (ou SBPase). Grâce à des analyses biochimiques et génétiques réalisées sur un organisme végétal, la mousse Physcomitrella patens, nous avons mis en évidence leur structure moléculaire et leur mode d’action. C’est ainsi que nous avons retracé l’évolution du système photosynthétique.
Croisement génétique entre deux domaines du vivant
Bien que les deux enzymes isolées à partir de la mousse soient assez similaires dans leur mode d’action et dans leur structure hormis quelques détails toutefois très importants pour leur régulation, elles sont issues d’organismes appartenant à deux domaines du vivant différents. L’analyse de l’origine des deux gènes codant pour ces enzymes indique que l’une provient de bactéries non photosynthétiques, et l’autre, d’organismes ancestraux appelés Archées.
Ainsi les systèmes photosynthétiques reposent sur un assemblage de gènes acquis à partir d’organismes plus primitifs qui ne sont pas eux-mêmes photosynthétiques. Ces gènes se sont adaptés au fonctionnement très particulier des organismes pratiquant la photosynthèse oxygénique.
Les précurseurs des végétaux sont apparus il y a 3,8 milliards d’années à la faveur d’échanges génétiques inattendus. Ce nouvel éclairage sur les origines de la photosynthèse pourrait ouvrir des pistes pour l’amélioration du rendement des cultures agricoles.