Conjuguant les expertises de la science des matériaux et de l’informatique, la startup S.A.M (Signature et Authentification des Matériaux) propose un produit innovant de certification et de lutte anti-contrefaçon, mais aussi une nouvelle approche du stockage d’informations. Un modèle de collaboration pluridisciplinaire sur lequel reviennent Samuel Kenzari et Sylvain Lefebvre, deux des trois cofondateurs de S.A.M, respectivement responsables des équipes MPA à l’Institut Jean Lamour (CNRS-Université de Lorraine) et de l’équipe MFX du Loria (CNRS -Université de Lorraine) et du centre Inria de l'Université de Lorraine.
En quoi la solution de S.A.M est-elle innovante ?
Samuel Kenzari : L’originalité de notre technologie réside dans sa capacité à intégrer des éléments d’authentification et de marquage directement dans la structure physique d’un token produit à partir d’une imprimante 3D.
Sylvain Lefebvre : Au premier abord, ce token, qui peut être utilisé comme dispositif anti-contrefaçon, clé de sécurité ou encore certificat d’authenticité, ressemble à un simple carré de plastique présentant une sorte de labyrinthe en relief sur l’une de ses faces. Il suffit de le placer sur le lecteur que nous avons conçu pour extraire à la fois l’information contenue dans son volume et la signature propre au matériau. Ces données internes protègent celles contenues dans le labyrinthe de surface. Comme la clé de décodage est stockée dans le token de manière totalement passive, elle n’émet pas de signal et n’est pas cyber-attaquable. De plus, avec plus de 200 bits d’encodage disponibles, la solution proposée par S.A.M, issue de nos recherches, offre un nombre astronomique de labyrinthes possibles, et des risques de collision quasiment nuls.
Samuel Kenzari : C’est une nouvelle technologie pour la fabrication additive mais aussi un changement de paradigme quant au stockage et à la protection des données puisqu’il ne s’agit plus de les encoder sur une bande magnétique ou une puce électronique mais à l’intérieur même de la matière, en se servant des propriétés de celle-ci.
Comment le projet est-il né ?
Samuel Kenzari : Avec la simplification de la réplication d’objet par impression 3D, les questions d’authentification et de certification se posent de manière accrue. Dès 2015, avec l’équipe MPA, j’ai commencé à réfléchir à un procédé de fabrication qui empêcherait tout risque d’ingénierie inverse. Pendant quatre ans, nous avons travaillé sur la formulation de nombreuses gammes de matériaux et avec le concours de la SATT Sayens plusieurs brevets ont été déposés, jusqu’à ce que nous mettions au point le matériau qui entre dans la fabrication du token S.A.M. Authentifiable à partir d’analyse DRX, il tire sa particularité du fait qu’il contient une signature cristallographique unique dont la nature est indécomposable. C’est à ce moment-là que Sylvain est entré en jeu.
Sylvain Lefebvre : Après ma thèse, j’ai beaucoup travaillé sur les méthodes qui permettent de cacher de l’information dans une image, à la façon de la stéganographie. Cela recoupe en partie les recherches de l’équipe MFX qui travaille sur la modélisation 3D de pièces pour la fabrication additive. Lorsqu’avec Samuel nous avons parlé de stockage physique d’informations, j’ai poussé le concept et ça a fait boule de neige. Nous avons déposé plusieurs brevets d’encodage avec Inria. Il ne restait ensuite plus qu’à écrire l’algorithme qui pilote l’imprimante 3D pour arriver à optimiser la mise en forme du token.
Comment passe-t-on du laboratoire à la startup ?
Samuel Kenzari : Nous sommes l’un et l’autre des chercheurs avec la responsabilité d’une équipe scientifique. Passer de l’expérimentation en laboratoire à une éventuelle production industrielle implique forcément un changement d’échelle qui entraîne des problématiques particulières au niveau de la fabrication, de la logistique et bien sûr du développement commercial. Cela nécessite des compétences qui nous échappent et que nous n’avons ni les moyens ni, du reste, l’envie d’acquérir. Lors de l’élaboration du matériau, j’ai été accompagné par la SATT Sayens qui s’est chargée des questions de dérisquage de la technologie en s’appuyant sur Frédéric Bauche, en tant qu’ingénieur maturation qui a aujourd’hui rejoint S.A.M en tant qu’ingénieur R&D. Elle a assuré la protection de la propriété intellectuelle (brevet,..) et a également réalisé des études de marché afin de valider le potentiel commercial du produit ; enfin, lorsqu’il a été envisagé de créer une startup, elle m’a proposé des profils de dirigeants susceptibles de correspondre à l’activité prévue. Après des échanges nourris et des tests psychotechniques, il est apparu que Cédric Prins, qui a des années d’expérience dans le business international, était le plus à même de prendre le poste de CEO. Sylvain, que je connaissais depuis 2013 et avec lequel j’avais déjà eu l’occasion de mener des projets plus académiques, m’a rejoint dans l’aventure et, tous les trois, nous avons cofondé la startup S.A.M avec l’accompagnement de l’Incubateur Lorrain. Avant la création de celle-ci, ils nous ont aidé à élaborer et challenger notre business model, définir une stratégie juridique pertinente, échanger avec des acteurs clés de l’écosystème et du monde de l’entrepreneuriat. Une fois créée, l’Incubateur lorrain nous a aidé sur le volet financier avec la recherche de fonds non-dilutifs et nous a également préparé à l’élaboration de notre pitch deck pour démarrer les levées de fonds.
Sylvain Lefebvre : Nous participons à certaines prises de décision mais avons, avant tout, un rôle de conseillers scientifiques. De même que la fabrication additive repose sur le triptyque machine/matière/algorithme, la startup s’appuie sur trois niveaux d’expertises : un pôle matériau, un pôle numérique et un pôle commercial. Sa réussite dépend de notre capacité à harmoniser les attentes et les apports de chacun. La démarche n’est pas forcément naturelle, parce que chacun vit dans sa communauté, avec son langage, ses méthodologies et sa temporalité propres. Il faut apprendre à se parler et à s’écouter. C’est extrêmement enrichissant et, lorsque ça fonctionne, très satisfaisant.
Quelles sont les étapes à venir ?
Samuel Kenzari : En 2024, la SATT Sayens est entrée au capital de la startup qui compte aujourd’hui cinq personnes à temps plein : trois ingénieurs, recrutés pour finaliser la version industrialisable du token et du boitier de décodage, un technico-commercial chargé du développement de la clientèle et du calage des moyens de production, et le CEO qui supervise l’activité globale. Nous avons des échanges avec des prospects qui souhaiteraient que la production débute dès cet été. Notre objectif est d’être opérationnel dans le courant de l’année 2025. À terme, le but est de produire les tokens et les décodeurs de manière autonome, de façon à maitriser aussi bien la gestion de la chaine de fabrication que celle du parc numérique.
Sylvain Lefebvre : L’une des forces de la technologie proposée est qu’elle peut être déployée facilement. Il suffit de disposer d’une imprimante 3D, d’une bobine du matériau et d’un lecteur. Cela permet de s’adapter aux différentes typologies de clients, ceux qui veulent intégrer le produit dans leur chaine de production et de services comme ceux qui souhaitent être complètement autonomes sur la fabrication des tokens. Nous sommes en train d’organiser cette flexibilité. C’est le type d’ajustement auquel toutes les nouvelles startups sont confrontées.
Samuel Kenzari : Les performances de notre produit sont démontrées. Il ne reste qu’à sécuriser le changement d’échelle de production. C’est la moindre des choses puisque nous vendons de la sécurité.
Le trio derrière S.A.M
Alliant sciences des matériaux, sciences numériques et expertise commerciale, S.A.M s’appuie sur les compétences complémentaires de Samuel Kenzari, ingénieur de recherche au CNRS et responsable de l’équipe Matériaux & Procédés Additifs à l’Institut Jean Lamour, Sylvain Lefebvre, directeur de recherche Inria et responsable de l’équipe MFX commune au Loria (CNRS-UL) et au centre Inria de l'Université de Lorraine, et Cédric Prins, CEO et cofondateur de la startup. Au cours de ses différentes phases de conception, de construction et de validation, celle-ci a bénéficié de l’accompagnement de la SATT Sayens, de l’Incubateur Lorrain, de la région Grand Est et de Bpifrance ainsi que des partenaires du PUI Polaris (CNRS, Université de Lorraine, Inria...), qui ont aidé à l’émergence de la startup.