Comment transmettre, restituer la connaissance archéologique, valoriser des savoir-faire disparus,
Cibler l’actualité de la recherche en archéologie, démontrer l’importance des traces et des images, tels étaient les objectifs de cette manifestation ORION consacrée à l’archéologie,
la première du genre qui s’est déroulé les 20/21 novembre 2024 sur le campus de l’Institut National Supérieur du Professorat et de l’Enseignement (INSPE) d’Épinal.
Les étudiants de l’INSPE mais aussi de la faculté des Sciences étaient nombreux à braver le froid et la neige au cours de ces deux journées de manifestation consacrées à la recherche pour assister aux démonstrations archéologiques.
Actualité de la recherche en archéologie : une exposition
Couler le métal comme il y a 4000 ans…C’est avant tout une exposition élaborée à partir de plusieurs années de recherches et d’expérimentation autour de la métallurgie du cuivre et du bronze. Visible dans le hall de l’INSPE, elle permet de découvrir les multiples aspects de la recherche scientifique en archéologie en particulier dans le domaine méconnu de l’expérimentation. Les vitrines et les panneaux déployés présentent la synthèse de nombreuses années de recherches, et d’expériences qui ont livré quantité d’informations sur la réalisation et l’utilisation des premiers artefacts en métal de l’Humanité.
L’archéologie expérimentale
L’archéologie expérimentale permet de valider le discours archéologique dans le sens où elle favorise l’émergence de nouvelles hypothèses concernant la connaissance des vestiges mis au jour, de même que la fouille elle-même en ciblant l’étendue des traces conservées sur le terrain. Ainsi, l’étude des traces abandonnées à l’issue d’une expérimentation peux permettre de lever certaines hypothèses sur la présence et la fonction de certaines structures.
Pour tenter d’appréhender de façon concrète les problèmes qui se sont posés aux premiers artisans métallurgistes et répondre aux multiples interrogations générées lors des fouilles, les archéologues, à partir de l’étude des indices et des traces laissés sur les vestiges mis au jour et par le biais des expérimentations, essaient de retrouver les gestes et les techniques de fabrication du passé. Par exemple, les analyses d’un creuset devraient confirmer sa tenue plastique et mécanique, sa résistance à la chaleur, la température jusqu’à laquelle le creuset est monté, si ses parois ont des incrustations de métal, le type de corrosion pour connaître sa position dans le four, la composition et la finalité mécanologique souhaitée par rapport à celle-ci.
Il s’agit de remonter le temps à partir de données expérimentales apparemment négligeables voire anecdotique où la précision du geste côtoie l’intelligence des matériaux et des outils.
Comment analyser, transmettre l’histoire aux générations futures ?
Reconstituer le passé au présent : deux conférences
Deux conférences étaient organisées à l’attention des étudiants dans le cadre de cette manifestation qui avaient pour objectif de décliner les problématiques de reconstitution du passé.
La première, Images, Imaginaires… Le passé reconstitué portait sur les représentations en image dans les manuels d’histoire anciens par Cédric Prévot doctorant.
La deuxième De la trace au geste : l’archéologie expérimentale était consacrée à l’archéologie expérimentale par Denis Morin, enseignant chercheur ; tous deux rattachés au laboratoire SAMA.
Si « une image vaut mille mots », l’implication au cœur du processus de la recherche vaut mille discours… Tel pourrait être le résumé ces deux interventions auxquelles les étudiants ont assisté.
Entre recherche et médiation scientifique
L’importance de la participation active dans l’assimilation des connaissances à travers les sciences « expérimentales » est mise en exergue par les théories de l’apprentissage.
Les étudiants de l’INSPE se sont directement impliqués dans ces journées en participant à l’encadrement des élèves de plusieurs établissements scolaires d’Épinal, leur faisant découvrir l’exposition et participer aux ateliers de tri et de concassage du minerai.
Dans un contexte de médiation active, le rôle des perceptions primaires sensorielles, visuelles, tactiles, est essentiel pour l’assimilation individuelle de certains concepts et dans la construction des savoirs. Cette démarche est mise en œuvre avec des groupes d’enfants, dans des villages reconstitués et dans bien des « archéoparc » à l’échelle européenne. Une telle pratique de la restitution offre l’occasion d’une présentation synthétique des données archéologiques, d’une expérience sensible mais surtout d’organiser un échange entre scientifiques et publics. Autrement dit, le passé ne peut être recréé mais il peut être cette construction d’individus ou de groupes qui interagissent en lien avec lui. Cette dimension interprétative fonde l’archéologie et justifie l’usage de méthodes et de techniques, vecteurs de connaissances et de savoirs faire, à travers le prisme de la recherche.
La découverte du métal
La métallurgie du bronze, est un processus complexe à l’origine de vestiges que les archéologues manipulent pour rassembler des preuves à l'appui des affirmations sur les phénomènes passés.
Rythmées par le son des soufflets et les coulées de métal incandescent, les démonstrations archéologiques se sont succédé tout au long de ces journées. Du minerai au métal, du métal à l’objet ; les étudiants ont assisté et participé à la fabrication d’objets en bronze à partir d’un foyer - ou réacteur – mis en place sur le campus et actionné par des soufflets à main. Entre expérimentation et démonstration, il y a aussi ce regard croisé voulu par les scientifiques présents tout au long de cette manifestation : la volonté de partager la recherche et au-delà de trouver ce chemin qui permet d’évoquer quelques fragments d’une réalité matérielle des sociétés anciennes.
La découverte du métal est un des évènements majeurs de l’histoire de l’Humanité. Le cuivre, puis le bronze (alliage de cuivre et d’étain) remplaceront progressivement les outils en pierre que l’homme a mis des millénaires à élaborer. L’avantage du métal sur la pierre est qu’il se fond, se moule et se travaille à froid ou à chaud. Cette découverte permet d’obtenir par coulée dans des moules des outils et des armes performants et d’une haute résistance… La métallurgie du bronze connait un rapide essor et va provoquer dans toute l’Europe une révolution technologique sans précédent qui donnera naissance à une brillante civilisation : l’Âge du bronze, une période protohistorique qui s’étend de - 2 200 à - 800 avant notre Ère.
Organisée dans le cadre d’ORION la manifestation était accueillie sur le campus et dans les locaux de l’INSPE d’Épinal. Mathilde Benmerah, directrice du site et son équipe ont mis à disposition la logistique des lieux, permettant le déploiement des ateliers et assurant le parfait déroulement de cette manifestation originale.
Les démonstrations autour du métal ont été réalisées par une équipe d’archéologues qui travaillent sur des problématiques liées à l’archéologie des matériaux : Denis Morin enseignant chercheur au laboratoire SAMA coordinateur du projet, Mathieu Courgey et Jacky Klosset, membres de l’Équipe Interdisciplinaire d’Études et de Recherches Archéologiques sur les Mines Anciennes et le Patrimoine Industriel (ERMINA), Hélène Morin Hamon, chercheure associée au CNRS (Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés UMR 5608 - TRACES) à l’origine de la conception et de la réalisation des panneaux qui composent l’exposition « couler le métal comme il y a 4000 ans... », Jean Sainty fondateur du Centre Expérimental de Préhistoire Alsacienne (CEPA) à l’origine du tout premier site d’archéologie expérimentale sur le territoire national.
ORION a pour objectif de permettre aux étudiants de découvrir et de pratiquer la recherche. Il œuvre à développer une communauté d’étudiants capable de relever les défis de demain.