Les apports du dispositif de recherche en agroforesterie de la Bouzule Agro-TCR

 
Publié le 18/10/2024 - Mis à jour le 21/10/2024
Rangs de peupiers dans la parcelle TCR en 2021

Optimiser la productivité et la fertilité des systèmes intensifs de culture grâce à la fixation symbiotique de l’azote.

Le dispositif Agro-TCR de La Bouzule est de type « taillis à courte rotation » (« TCR »), il a été planté à des fins de recherche en 2014, sous forme de mélanges de cultures agricoles et d’arbres à croissance rapide qui rejettent de souche. La deuxième rotation a démarré en 2023.

L’origine du projet s’est construit sur les constats et hypothèses suivantes : les plantations d’espèces à croissance rapide (par exemple les peupliers, les saules, les eucalyptus) sont largement utilisées pour l’approvisionnement en biomasse. Cependant, ces plantations sont souvent des systèmes monospécifiques et sont généralement très consommatrices en ressources. C’est notamment le cas des plantations des espèces appartenant au genre Populus, pouvant être cultivées en conditions de culture intensive, qui utilisent des quantités importantes d’eau et d’azote pour produire de grands volumes de biomasse. Dans ce contexte, les plantations mélangées, forestières ou agroforestières, apparaissent comme une alternative intéressante aux monocultures. En effet, elles peuvent produire plus en utilisant plus efficacement les ressources indispensables à la croissance des différentes composantes du mélange en jouant sur la complémentarité entre les espèces. L’introduction d’espèces fixatrices d’azote dans ces mélanges peut également être un atout supplémentaire pour réduire les besoins en intrants azotés de synthèse.

La plantation est composée de trois types de placettes :

- Agricoles : céréales ou graminées fourragères (non fixatrice d’azote) en monoculture, luzerne ou trèfle en monoculture (fixateur d’azote),

- Forestières : peuplier (non fixateur d’azote) en monoculture, aulne (fixateur d’azote) en monoculture, mélange peuplier / aulne,

- Agroforestières : mélange peuplier / luzerne (ou trèfle selon les rotations de culture), mélange aulne / céréales (ou graminées fourragères selon les rotations)

Globalement on vise à tester l’enrichissement en azote. C’est la comparaison des trois types de placettes qui en fait un dispositif intéressant. 360 arbres ont été suivis au cours de la première rotation.

 

Des premiers résultats encourageants à l’issue de la première rotation

Les chercheurs ont pu montrer par exemple que la croissance (hauteur et diamètre) et la production de biomasse du peuplier en agroforesterie avec la luzerne étaient supérieures qu’en monoculture d’arbre sans doute en raison de l’enrichissement en azote et d’une moindre compétition entre les arbres en raison d’un espacement plus important entre arbres dans les parcelles agroforestières. La teneur en azote du sol est en effet plus importante dans le sol en agroforesterie, en présence de luzerne.

Par rapport au mélange forestier (alternance de lignes d’aulnes et de peupliers), les chercheurs n’ont pas observé d’effet positif par rapport à la monoculture de chaque espèce. Par rapport à l’effet potentiel de la nature de l’espèce fixatrice d’azote (herbacée, luzerne-trèfle, ou ligneuse, aulne), ils ont pu aussi remarquer que la luzerne a fixé plus d’azote que les aulnes dès le début.

Les arbres ont souffert de la concurrence avec les cultures, notamment la luzerne, peu après la plantation. Mais au fil du temps, la tendance s’inverse et les herbacées se retrouvent dominées par les arbres (ombragées) : il faut une seconde rotation pour repartir, couper les arbres permet de redonner accès à la lumière aux cultures.

Les interactions entre espèces dans une plantation ne sont donc pas statiques mais changent au fur et à mesure que le peuplement se développe. La nature des interactions entre le peuplier et les légumineuses herbacées dans la parcelle agroforestière a évolué d’une compétition prédominante, au début de la plantation, vers une facilitation grâce à un enrichissement naturel du sol en azote. Les performances de croissance des peupliers étaient accrues, par rapport à la monoculture, associées à une efficience d’utilisation de l’eau plus élevée qu’en monoculture ainsi qu’à une réduction de compétition entre les houppiers permettant une meilleure interception de la lumière en agroforesterie. En parallèle, dans les parcelles agroforestières associant l’aulne à la prairie, cette dernière a bénéficié de la fixation symbiotique de l’azote par les aulnes en étant plus productive et plus riche en azote qu’en l’absence d’arbre. La surface équivalente assolée, qui mesure la supériorité du peuplement agroforestier par rapport aux monocultures d’arbres et agricoles équivalentes, était très supérieure à 1 pour les deux systèmes agroforestiers (peuplier/luzerne-trèfle, aulne/prairie) au terme des neuf années de croissance de la première rotation des arbres, mettant en évidence que la production bois + herbacées de ces systèmes était considérablement accrue par rapport aux cultures séparées des différentes espèces.

Par ailleurs l’efficience de l’utilisation de l’eau (la quantité de biomasse produite par unité d’eau consommée) des peupliers dans les différents traitements varie : elle est plus élevée dans les mélanges (agroforestiers avec luzerne/trèfle ou forestiers avec l’aulne) que dans la monoculture. En revanche, une efficience d’utilisation de l’eau plus élevée des peupliers mélangés à l’aulne –par rapport à la monoculture d’arbre- n’a pas été associée à de meilleures performances de croissance des deux espèces comparativement à leurs monocultures respectives. Produire plus de biomasse bois en consommant moins d’eau est bien entendu une caractéristique très attrayante de ce type de plantation agroforestière !

Différentes analyses concernant les populations de microorganismes ont pour l’instant montré une influence prépondérante du paramètre pluviométrie lors des prélèvements (année sèche), masquant les différences entre essais.

Il semble important de mettre en perspective les résultats sur plusieurs rotations.

 

Partenariats : Le dispositif est géré par les UMR Silva (UMR UL - AgroParisTech - INRAE) et LAE (UMR UL-INRAE) et la ferme de La Bouzule ; il est rattaché au réseau ANAEE France ; l’installation a été financée par le Labex ARBRE ; les équipement ont été acquis en partenariat avec le CPER, l’ADEME et le pôle A2F de l’UL

Contact : Nicolas Marron, Chargé de recherche INRAE, UMR Silva, nicolas.marron@inrae.fr

 

Quelques références découlant du dispositif

Thomas, A., P. Priault, S. Piutti, E. Dallé and N. Marron. 2023. Crown morphology of Populus deltoides × P. nigra and Alnus glutinosa growing in agroforestry and forest mixture plantations. Agroforestry Systems. 97: 673-686. DOI: 10.1007/s10457-023-00818-2

Thomas, A., N. Marron, E. Dallé, P. Priault. 2023. Phénologie des bourgeons de l’aulne et du peuplier en plantations forestière et agroforestière. Revue Forestière Française. 74: 335-346. DOI: 10.20870/revforfr.2023.7685

Thomas, A., N. Marron, D. Bonal, S. Piutti, E. Dallé and P. Priault. 2022. Leaf and tree water-use efficiencies of Populus deltoides × P. nigra in mixed forest and agroforestry plantations. Tree Physiology. 42: 2432-2445. DOI: 10.1093/treephys/tpac094 https://hal.science/hal-03952012v1

Thomas, A., P. Priault, S. Piutti, E. Dallé and N. Marron. 2021. Growth dynamics of fast-growing tree species in mixed forestry and agroforestry plantations. Forest Ecology and Management. 480: 118672. DOI: 10.1016/j.foreco.2020.118672 https://hal.science/hal-02976274v1

Clivot, H., C. Petitjean, N. Marron, E. Dallé, J. Genestier, N. Blaszczyk, P. Santenoise, A. Laflotte and S. Piutti. 2019. Early effects of temperate agroforestry practices on soil organic matter and microbial enzyme activity. Plant and Soil. 453: 189-207. DOI: 10.1007/s11104-019-04320-6 https://hal.science/hal-02975249v1

Visite virtuelle du dispositif : https://view.genially.com/5fbf5c4812e0f20d064f2f6a/interactive-content-v...