L'exposition "Funambule", qui débutait le 26 février, s'est achevée vendredi 3 avril 2015 à l'Espace d'art et de création de l'ESPÉ de Lorraine - Le Préau.
Artiste plasticienne depuis plus de 20 ans, Pascale Delarge propose depuis plus d'un mois dans cet espace culturel encore méconnu du grand public, un travail original basé sur le principe de l'image radiographiée et de la technique de "radio-collage ".
ll ne reste que quelques jours pour découvrir la cinquantaine d'oeuvres de l'artiste reparties au travers des séries "Lignes", "Radio-collages", "Gaufrages", "Sculptures", "Gisants" ou encore "Déchirures" ...
Qui se cache derrière l'artiste Pascale Delarge ?
Pascale, à quel moment s’est développée votre vocation artistique ?
Baignée dans un milieu créatif avec un père éditeur, j’ai été initiée et confrontée à l’art depuis mon enfance. Mais je me suis réellement mise à créer en 1994. Initialement conseillère d’orientation psychologue, j’ai moi-même voulu en changer (rires), avec cette nécessité de m’exprimer artistiquement.
Le déclic est venu au cours de ma première grossesse. J’ai eu une radiographie du bassin. J’ai alors eu besoin de sonder cet objet intime de nos deux corps liés et de réaliser mon 1er « radio-collage ». Très vite, j’ai adopté cette technique de fusion d’images pour créer une longue série d’œuvres.
Pourquoi un tel intérêt pour la radiographie, et comment vous est venue l’idée dans faire un des socles de ta démarche ?
J’apprécie le support de la radiographie dans le lien qu’il entretient avec la vie. On trouve parfois mon travail « morbide »… Moi, je considère au contraire que la radiographie traite du vivant, de l’architecture du corps humain, de sa force et de sa beauté. J’admire la capacité des humains à mener des projets extraordinaires, à bâtir des cathédrales dans tous les domaines de la vie… Mais je m’effraie de notre férocité. Et mes œuvres traitent souvent il est vrai, de cette dualité. Mon travail est en équilibre entre grâce, délicatesse, et violence du barbare.
Je préciserais aussi que la radiographie opère une fascination sur mon esprit et mon imaginaire. J’attribue à cet objet scientifique une esthétique singulière. La lumière projetée derrière l’image crée un jeu de transparence, et de nuances gris-bleu qui sont uniques. Il y a pour moi, une sorte de mystère qui se dégage de cet objet, une trace fantomatique de l’humain.
Quel lien particulier entretenez-vous aujourd’hui avec ce support ?
J’y trouve encore un intérêt fort, et je découvre année après année, de nouvelles manières de le travailler… Toujours à l’affût d’éléments qui vont m’alerter, m’inspirer, me faire rebondir…
Ainsi par exemple, une reproduction d’une œuvre de Klimt aperçue tout récemment, a suscité une image en moi : celle d’une radiographie d’un crâne, parée d’une chevelure en feuilles d’or. Cette « vision » aboutira peut-être à une mise au travail.
Que cherchez-vous à exprimer à travers tes oeuvres ? Quel message souhaitez-vous véhiculer ?
Quand je crée, je ne m’adresse à personne. Je suis dans une forme de bulle, nourrie toutefois de multiples influences culturelles et humaines. Dans l’espace de mon atelier, je cherche mais sans message à véhiculer. L’oeuvre qui surgit, me parle souvent de ce que je ne sais pas. J’en fais une lecture dans un second temps.
La silhouette apparait au fil de vos œuvres, ainsi que le travail du trait, souhaitiez-vous établir une continuité ou éprouviez-vous le besoin d’apporter de la personnification dans votre oeuvre ?
Au fil des années, j’ai l’impression de m’éloigner de l’image indemne du squelette et de m’autoriser sa transformation. J’ai travaillé longtemps autour des radio-collages puis une période avec le jeu du feu sur les radiographies. La déchirure a
enclenché d’autres œuvres encore.
Et plus récemment j’interviens par le dessin sur les clichés. Ceux-ci se muent en paysage, dans la profondeur de champ.
Par le biais du trait, j’apporte du mouvement. Mon oeuvre s’inscrit dans une dynamique du geste. Ma démarche est plus ouverte, plus souple. Pour l’approche du collage, je fais appel à davantage de mesure, de minutie, et de précision.
J’aime cette nouvelle liberté d’expression du corps. Je réalise d’ailleurs des performances en lien avec mon travail, grâce à des collaborations avec des danseuses-chorégraphes.
Si tu deviez décrire l’oeuvre « En équilibre » emblématique de votre exposition au Préau de l’Espé de Maxéville ?
Il s’agit d’une œuvre récente, réalisée en 2014 qui est accrochée en façade sur la cloison centrale. Trois radiographies sont liées par un jeu de lignes et par deux failles verticales. Un personnage est comme en apesanteur, dansant sur des
courbes. Les radiographies m’apparaissent ici comme un paysage marin. Les tracés m’évoquent des chemins multiples. Le danseur est un funambule, traversé par les courants, il tient son cap.
Et enfin, quelles sont vos influences artistiques, graphiques ou autres ?
Je suis sensible au travail de très nombreux artistes, du monde contemporain et des temps anciens. Dans les disciplines littéraires, chorégraphiques, architecturales...
talents tellement nombreux que je ne peux pas ici en faire la liste. Aussi je choisis quatre univers d’artistes sculpteurs, peintres, et plasticiens. Et je les choisis parmi des femmes, dont la recherche singulière me touche : Helene Schjerfbeck, Käthe Kollwitz, Shirin Neshat, Berlinde de Bruyckere. Je vous en souhaite la découverte
Pour en savoir plus
> Sur l'artiste :
Pascale Delarge est née à Bruxelles, elle vit et travaille aujourd’hui à Nancy. Depuis 1995, elle autopsie l'image radiographiée et invente le radio-collage. Les formes fantomatiques des squelettes servent de structure à ses oeuvres.
La disparition est au coeur de mon oeuvre. Rendre à la mort son existence dans une société qui l'occulte, c'est témoigner pour la vie
> Sur l'Espace d'art et de création de l'ESPÉ de Lorraine, Le Préau
5 rue Paul Richard - 54320 Maxéville / Accueil 03 83 17 68 68
Entrée libre lundi - vendredi / 8h - 18h
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