Le positionnement géographique de l’Université de Lorraine fait des dynamiques entre francophonie et germanophonie un élément essentiel de la stratégie européenne qu’elle a décidé de développer dans le cadre de sa politique internationale 2022-2027. La démarche de consolidation de la politique franco-allemande de l’Université de Lorraine se déploie depuis 2023. Quels sont les points forts de l'université et les points d'amélioration dans le domaine ?
Factuel est allé à la rencontre de Gregory Hamez, enseignant-chercheur à l’UFR Sciences Humaines et Sociales (SHS) – Metz et au Centre de Recherche en Géographie (LOTERR) à qui une charge de mission sur le franco-allemand a été confiée par la présidente de l'Université de Lorraine. Entretien.
Factuel : pourquoi ce focus sur le franco-allemand ?
Grégory Hamez : L'allemand est un peu une évidence quand on vit en Lorraine, ou quand on y vient pour étudier. Mais c'est aussi un défi.
C'est une évidence au regard des langues parlées dans la région : une part importante des jeunes l'apprennent, toujours en première langue vivante dans les établissements scolaires de Moselle-Est. L'Allemagne est aussi un pays de recrutement pour nos diplômés, offrant des types d'emploi et des salaires comparativement intéressants par rapport au cadre français - sans compter que c'est un pays vieillissant connaissant une forte pénurie de main d'œuvre. De façon plus générale, l'ouverture de l'Université de Lorraine sur l'Allemagne signifie des partenariats avec des centres de recherche dynamiques et remarquables, c'est un formidable marchepied vers l'Europe.
C'est aussi un défi... La pratique de la langue allemande, si elle reste forte, est en déclin partout en France et aussi dans notre région, suite aux réformes de l'Éducation Nationale au cours des dix dernières années au profit de l'anglais. Et à la baisse de la germanophonie des jeunes Français répond une baisse de la francophonie des jeunes Allemands, de façon tout-à-fait paradoxale au moment présent de la construction européenne. Un enjeu majeur est donc de relever ce défi linguistique pour maintenir voire amplifier les relations.
L'allemand est un peu une évidence quand on vit en Lorraine, ou quand on y vient pour étudier. Mais c'est aussi un défi.
Grégory Hamez
Factuel : quelle est la place de l'allemand au sein de l'Université de Lorraine ?
Grégory Hamez : Pour répondre à cette question et parvenir à l'état des lieux le plus objectif possible, j'ai réuni un groupe de travail d'une douzaine d'acteurs de l'allemand dans notre université, provenant de différentes composantes, à Metz comme à Nancy ou à Sarreguemines, en langues comme en droit, gestion ou ingénierie. Nous avons fait appel aux différentes directions de l'université pour réunir les chiffres dans le domaine de la formation et dans celui de la recherche. Nous avons élargi le champ de l'étude à l'ensemble des pays disposant d'universités germanophones, donc l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse et le Luxembourg.
Pour la recherche scientifique, les partenariats entre chercheurs de l'UL et chercheurs de ces pays arrive au 1er rang de nos coopérations internationales (par exemple en termes de co-publication).
Pour la formation, l'Université de Lorraine est la première université française, en nombre de cursus intégrés franco-allemands reconnus par l'Université Franco-Allemande, avec 32 cursus. Par comparaison, l'Université de Strasbourg arrive en 2ème position avec 26 cursus, l'Université de Haute-Alsace en troisième position avec 10 cursus. Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, il y a de très nombreux autres cursus de formation qui ne sont pas intégrés au sens strict (c’est-à-dire cogéré avec une université allemande), mais où l'allemand occupe une place de choix.
L'Université de Lorraine rassemble des domaines remarquables de formation franco-allemande, ancrés depuis des décennies et reconnus bien au-delà de la région. L'ISFATES est probablement l'exemple le plus emblématique, avec des cursus tant en management qu'en ingénierie, rassemblant au total plusieurs centaines d'étudiants. Le droit franco-allemand est un autre point fort, comme les doubles diplômes d'ingénieur (à l'EEIGM, à l'ENSGSI, aux Mines de Nancy mais aussi dans d'autres écoles d'ingénieur), les lettres et langues, etc.Il nous reste toutefois une marge de progression pour développer davantage de formations au niveau master, ainsi que de coopérations doctorales.
Factuel : et donc maintenant... que fait-on ?
Gregory Hamez : Le groupe de travail a rendu son état des lieux, avec un diagnostic nuancé sur nos forces et les défis à relever. Le cap est clair : il faut mieux nous faire connaître vers l'extérieur, et apporter une aide aux collègues souhaitant développer des partenariats avec le monde germanophone. Cela passera probablement par une Maison du franco-allemand à l'Université de Lorraine, qui aura une existence physique, mais sera surtout constituée en un réseau maillé à travers toute l'université.
Il n'y aura pas de solution unique ; par exemple dans certaines disciplines la pratique de la langue allemande est essentielle, mais dans d'autres les partenariats avec l'Allemagne pourront se faire en langue anglaise - le développement de cursus en anglais étant aussi intéressant pour l'internationalisation de l'université.
Nous entrons donc dans une phase cruciale de concertation au sein des différents conseils de l'université. Il faut que chacun s'approprie les éléments de diagnostic, pour que nous puissions construire ensemble, de façon déterminée et pragmatique, l'axe franco-allemand de notre université. Les partenariats franco-allemands constituent au présent et à l’avenir une des dimensions fondamentales de l’internationalisation de notre université.
Une Maison du franco-allemand à l'Université de Lorraine, qui aura une existence physique, mais sera surtout en un réseau maillé à travers toute l'Université.