Les consignes de lutte contre la COVID-19 ont entrainé une forte augmentation de l’usage des masques[1] constitués à 90% de polypropylène (PP). Les défaillances des procédures de leur collecte et le manque de civilité de certains consommateurs ont facilité la dispersion des masques dans l’environnement. Les masques sont formés de trois couches de non-tissés à partir de fibres en PP[2]. Après photodégradation, ces fibres se désintègrent, produisant des débris dispersables dans l'eau. Quel est l’impact de la dégradation de ce type de déchets ? Le LIEC, Laboratoire Interdisciplinaire des Environnements Continentaux (Université de Lorraine-CNRS) a publié une étude dans le "Journal of Hazardous Materials" qui révèle l'impact de la photodégradation des masques.
Des physico-chimistes, microbiologistes et écotoxicologues du LIEC Laboratoire Interdisciplinaire des Environnements Continentaux (Université de Lorraine-CNRS) ont étudié l’impact de la dégradation des masques. Une exposition aux rayons UV entraine la fragmentation des fibres en débris inframicroniques, présentant des propriétés de surface modifiées, et induit la libération de nanoparticules[3]. Les résultats montrent en outre que les masques (dégradés ou non) immergés en rivière sont de bons supports pour le développement de biofilms, qui hébergent une diversité et une abondance microbienne élevées. La photodégradation du PP diminue son hydrophobie, réduisant ainsi l'abondance des diatomées dans ces biofilms. La mortalité des gammares[4] nourris avec ces biofilms augmente de manière significative en raison de la baisse de leur qualité nutritive. En revanche, l'abondance des bactéries et la composition de la communauté microbienne restent inchangées quelle que soit la dégradation du masque.
[1] La production mondiale de masques en polypropylène a été multipliée par 30 entre 2019 et 2020-2021
[2] Les masques sont constitués de trois couches de matériau non-tissé, formé à partir de fibres en PP d’environ 20 microns de diamètre pour les couches externes et de quelques microns de diamètre pour la couche centrale. Les couches externes et centrale des masques contiennent l’équivalent de quelques kilomètres et centaines de kilomètres de fibres, respectivement.
[3] Les polymères contiennent de façon dispersée des particules solides minérales introduites pour contrôler leurs propriétés. Dans les fibres des masques, des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) ont été observées.
[4] Microcrustacé aquatique détritivore.
Isabelle Bihannic, Renaud Gley, Lucas Gallo, Apolline Badura, Angelina Razafitianamaharavo, Maximilien Beuret, David Billet, Clément Bojic, Céline Caillet, Philippine Morlot, Marie Zaffino, Fatina Jouni, Béatrice George, Pascal Boulet, Camille Noûs, Michael Danger, Vincent Felten, Christophe Pagnout, Jérôme F.L. Duval. Photodegradation of disposable polypropylene face masks: physicochemical properties of debris and implications for the toxicity of mask-carried river biofilms. Journal of Hazardous Materials. (2023). https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2023.133067
Source : CNRS Terre et Univers
Légende de la photo et crédits : Dépôt biominéral sur un masque immergé 4 semaines en rivière (image de fluorescence en lumière visible – détection spectrale) © Isabelle Bihannic