Il est très courant que les arbres s’associent aux champignons au niveau de leurs racines pour assurer leur nutrition et mieux s’adapter à leur environnement. Cependant nous ne connaissons pas encore tout de cette association bénéfique (ou symbiose) appelée mycorhize. Pour la première fois, deux équipes de chercheurs d’INRAE, de l’Université de Lorraine et de l’Université d’Orléans ont montré, sur le peuplier, que l’établissement de la symbiose avec un champignon ectomycorhizien faisait intervenir l’épigénétique. C’est une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes requis pour l’établissement de la symbiose ectomycorhizienne, essentielle au bon développement des arbres et des forêts. Ces résultats ont été publiés dans le journal New Phytologist le 21 février.
L’ectomycorhize est une symbiose établie entre les racines des arbres et des champignons du sol. Très présente dans les écosystèmes forestiers des régions tempérées et boréales, cette symbiose est cruciale pour la nutrition des arbres, notamment l’absorption de l’eau, et leur capacité à s’adapter à leur environnement. Alors que la mise en place et le contrôle de cette symbiose n’est pas encore bien connue, on ne savait rien jusqu’alors d’un possible contrôle épigénétique.
L’ADN contient l’information génétique qui définit chaque être vivant. L’intégralité de cet ADN est présente dans chaque cellule mais un processus appelé épigénétique (1) permet de contrôler de manière héritable l’activité des gènes nécessaires pour adapter chaque type de cellule en fonction de son environnement.
L’épigénétique est impliquée dans la symbiose entre arbres et champignons
Pour déterminer si l’épigénétique intervient dans le phénomène de mycorhization chez les arbres, deux équipes de chercheurs d’INRAE-Université de Lorraine et de l’Université d’Orléans, en collaboration avec des scientifiques du CEA en France mais aussi avec des équipes d’Espagne et des États-Unis, se sont intéressées au rôle de la méthylation de l’ADN (phénomène épigénétique) lors de la mycorhization chez le peuplier, un arbre modèle.
Les chercheurs ont ainsi utilisé des lignées de peuplier dont la régulation de la méthylation de l’ADN génomique a été modifiée à des fins scientifiques, pour mieux comprendre les mécanismes épigénétiques chez les arbres. Ils ont comparé la réponse de ces peupliers vis-à-vis du champignon mycorhizien avec celle d’une lignée de peuplier non modifiée (contrôle) de la même espèce. Les résultats sont sans appel : les lignées moins méthylées pour leur ADN génomique ont montré une baisse du potentiel de mycorhization, jusqu’à plus de 40 % pour une des lignées. Ces résultats suggèrent un rôle central de la méthylation de l’ADN de l’arbre hôte dans la capacité à former l’association symbiotique et donc à assurer un bon développement de l’arbre. Un remodelage de l’ADN du partenaire fongique induit par l’hôte a également été remarqué.
Cette étude pionnière ouvre un nouveau champ d’exploration pour mieux comprendre la symbiose entre deux organismes vivants. Elle pourrait servir aussi à d’éventuels projets d’application sur la gestion des forêts face aux effets du dérèglement climatique comme les sécheresses.
(1) Un processus permettant le changement dans l’activité des gènes, n’impliquant pas de modification de la séquence d'ADN et pouvant être transmis lors des divisions cellulaires.
Référence
Vigneaud, J., Kohler, A., Sow, M.D., Delaunay, A., Fauchery, L., Guinet, F., Daviaud, C., Barry, K.W., Keymanesh, K., Johnson, J., Singan, V., Grigoriev, I., Fichot, R., Conde, D., Perales, M., Tost, J., Martin, F.M., Allona, I., Strauss, S.H., Veneault-Fourrey, C. and Maury, S. (2023), DNA hypomethylation of the host tree impairs interaction with mutualistic ectomycorrhizal fungus. New Phytol. https://doi.org/10.1111/nph.18734
Crédit photo : INRAE