Julien Falgas, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication : chercheur au Centre de Recherche sur les Médiations (Crem), est intervenu au sein du Master VSOC en novembre dernier, afin de présenter « Needle », une technologie issue de la recherche et qui respecte les données de ses utilisateurs. Ces derniers sont libres « de divulguer ou non leur identité au travers du titre de leur fil ». Et, dans le cas d’une suppression de compte, les données qui y sont associées le seront automatiquement. Après avoir vu le jour grâce au soutien de l’Université Lorraine, Needle fait l’objet d’un programme d’innovation sous l’égide du Ministère de la Culture du Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse. Accompagnée par l’Incubateur Lorrain et soutenue par la Région Grand-Est, la création d’une startup a vu le jour en ce début d’année 2023, pour valoriser les applications de cette innovation.
Un outil de veille et d'intelligence collective
Needle est un dispositif alternatif d’accès et de partage du contenu et des informations que l’on trouve sur les différentes plateformes numériques. Avec la possibilité d’installer l’extension « Needle » à notre navigateur, cet outil permet d’indexer les pages web qui nous intéressent, et également de tisser des liens.
En contribuant au réseau Needle, selon Julien Falgas « cela vous ouvre l'accès à de nouvelles sources d'inspiration le long des fils de celles et ceux que vous croisez, ou qui vous croiseront à l'avenir ».
En effet, c’est un outil collaboratif qui facilite la mutualisation de nos découvertes ou créations en nous associant dans des groupes, mais également de rencontrer qui que ce soit grâce au croisement des fils.
De plus, Needle est un outil très utile qui nous permet de compléter nos recherches et notre veille par des ressources inattendues, explorer des pistes de réflexions et d’innovations, puis initier des rencontres et des collaborations en dehors des réseaux habituels. Par ailleurs, les étudiants du Master VSOC utilisent cet outil afin de collecter et de compléter leurs dispositifs de recherche en veille sur les différents projets tuteurés qu’ils ont en charge. Notamment, un filet nommé « Master VSOC » est à leur disposition pour croiser des informations et rencontrer les autres étudiants de la promotion.
Dans l’idée de mieux appréhender la valeur ajoutée de Needle par rapport aux autres outils de veille, nous avons proposé à Julien Falgas de répondre à nos différentes questions.
Interview de Julien Falgas :
En quoi Needle est-il différent des autres outils collaboratifs ?
On peut tout à fait utiliser Needle de manière individuelle et bénéficier malgré tout de son potentiel collaboratif. Il n’est pas nécessaire de faire partie d’un réseau constitué, ni de dépenser une énergie folle dans la collaboration. Il suffit de contribuer pour découvrir à son tour des contenus pertinents et – si on le souhaite – entrer en contact avec d’autres personnes.
Que vous l’utilisiez en solitaire ou dans le cadre d’un collectif existant, Needle permet de faire émerger des communautés autour d’intérêts ou de préoccupations communes.
D’après vous, pourquoi faire le choix de Needle ?
Needle est complémentaire des outils existants. Il s’agit de factoriser le potentiel des outils de veille, de recherche ou de réseautage social grâce à l’intelligence collective.
Avec un moteur de recherche on trouve ce que l’on pense à chercher. Avec un réseau social, on trouve ce que son entourage partage. Avec des outils de veille, on trouve ce qui entre dans son spectre de surveillance. La plupart des gens se disent noyés par cette masse d’information, dont une très faible proportion s’avère réellement féconde.
En quoi Needle est un dispositif alternatif ?
Faire de vraies trouvailles sur le web aujourd’hui, c’est comme chercher une aiguille dans une meule de foin. Needle constitue une alternative dans le sens où il devient possible de glisser chaque petite aiguille le long de son propre Fil et de croiser les Fils de toutes les autres personnes qui auront retenu la même aiguille que soi.
Il s’agit de trouver ce qui est le plus susceptible de nous inspirer de nouvelles idées et de nouvelles rencontres pour faire face aux enjeux collectifs.
Et puis nous sommes captifs d’outils numériques qui portent atteinte à notre attention, nos données personnelles, notre cohésion sociale, lorsque ce n’est pas carrément à la démocratie. Ce que dénonçaient les chercheurs en sciences de l’information et de la communication depuis une dizaine d’années est devenu une évidence. Or Needle, c’est tout le contraire.
Comment Needle peut-il aider à la veille ?
Associé aux outils des professionnels de la veille, Needle contribue à ce que l’on appelle la veille créative. C’est-à-dire une veille à des fins de créativité et d’innovation. Plutôt que se contenter de surveiller les nouvelles idées et créations dans son domaine, Needle permet de rebondir pour élargir le spectre autour de ces dernières.
Surtout, déployé à l’échelle de l’organisation, Needle place les veilleurs en position de briser les silos et de développer une culture partagée de l’innovation, grâce à un outil de veille convivial à mettre entre les mains de chaque collaborateur.
Les retours sur Needle sont-ils positifs ? Si oui, pourquoi ?
Needle est actuellement déployé à l’état de prototype. Plusieurs centaines de personnes se sont portées volontaires pour le tester à la suite d’une poignée d’articles tels que celui-ci : ceux qui ont lu cet article ont participé à une expérience qui pourrait révolutionner leur manière de s’informer.
Il s’est avéré que même une communauté réduite pouvait bénéficier du potentiel de découverte de Needle, pour peu qu’elle partage une même source d’information ou un domaine de préoccupation servant de carrefour.
Les retours recueillis montrent que les attentes du public sont très fortes pour disposer d’outils plus vertueux et plus éthiques. En revanche, rares sont les personnes prêtes à s’approprier des outils moins séduisants. C’est pourquoi l’an dernier, j’ai confié Needle à des élèves de l’école des Gobelins. Le résultat a dépassé toutes mes attentes, puisque le groupe qui s’est saisi du projet l’a fait sur un vrai coup de cœur et est sorti major de sa promotion pour ce travail.
Le développement d’une version « MVP » (minimal viable product) est en cours grâce à un financement du Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse (Ministère de la Culture), de l’Université de Lorraine et du Sillon Lorrain.
Love PAULO et Beyza KIRGIN, M1 VSOC
