L’Université de Lorraine adhère à la coalition européenne pour l’amélioration de l’évaluation de la recherche (CoARA)

 
Publié le 9/01/2023 - Mis à jour le 11/01/2023

L’Université de Lorraine a adhéré fin novembre à la CoARA, the Coalition for Advancing Research Assessment, une coalition européenne pour améliorer l’évaluation de la recherche. Elle est officiellement née le 1er décembre, et regroupait à cette date près de 400 établissements européens de recherche, dont près de 40 organisations françaises dont le HCERES, l’ANR et le CNRS. Fondée sur 10 engagements, elle définit une orientation européenne commune pour des évolutions dans les pratiques d'évaluation de la recherche afin d’en maximiser sa qualité et son impact. Interview croisée avec Nicolas Fressengeas, vice-président en charge du numérique, des données et de la science ouverte et Myriam Doriat-Duban, vice-présidente en charge des ressources humaines et du dialogue social.

Factuel : Pourquoi une coalition européenne ? 

Nicolas Fressengeas : "La naissance de CoARA le 1er décembre 2022 est le fruit d’un processus initié à la fin 2021 par la Commission Européenne dans un rapport intitulé Towards a « reform of the research assessment system » pour lequel plusieurs centaines d’institutions européennes ont manifesté leur intérêt. L’Université de Lorraine a par la suite participé, avec la Présidence Française de l’Union Européenne à l’organisation, début février, de la première conférence européenne sur la Science Ouverte. Cette conférence, à travers l’Appel de Paris, a appelé à la création d’une coalition au moins européenne pour porter une réforme de l’évaluation de la recherche. C’est au printemps 2022 que les textes fondateurs de la coalition ont été collectivement construit, et ont conduit à un accord européen sur la réforme de l’évaluation de la recherche. A la fin de la Présidence Française du Conseil de l’Union, celui-ci a adopté à l’unanimité ses conclusions relatives à l’évaluation de la recherche et à la mise en œuvre de la Science Ouverte. La CoARA prend ainsi la succession de DORA, la déclaration de San Francisco âgée d’une décennie,  avec cependant le soutien politique inégalé d’un continent  tout entier. Elle démarre ainsi ses travaux sous les meilleures auspices, pour une durée d’au moins 5 ans.
 
Adhérer à CoARA, c’est prendre 4 engagements de principes et d’actions, soutenus par 6 engagements de moyens. Les membres de CoARA s’engagent donc à œuvrer pour améliorer l’évaluation de la recherche selon les 4 principes suivants :
 
Qu’elle reconnaisse la diversité des productions de la recherche, en accord avec les besoins et la nature de ladite recherche.
Qu’elle se fonde essentiellement sur une évaluation qualitative centrée sur la revue par les pairs, en utilisant les indicateurs quantitatifs de manière raisonnable.
Qu’elle abandonne les usages inappropriés d’indicateurs quantitatifs, en particulier ceux du facteur d’impact des journaux (Journal Impact Factor – JIF) ou du h-index.
Qu’elle évite l’usage des classements (rankings) des institutions de recherche.
 
Ces quatre enjeux forts sont soutenus par 6 engagements de moyens parmi lesquels figurent l’engagement d’affecter des ressources à la réforme, de développer des critères clairs et transparents pour une évaluation qualitative, de construire des formations pour accompagner les chercheurs dans le changement, de profiter de l’espace offert par la coalition pour échanger sur les bonnes pratiques et assurer une cohérence européenne tout en communiquant ouvertement sur les progrès accomplis, le tout en soumettant ces pratiques et leur impact à l’analyse de la recherche sur la recherche elle-même à travers l’ouverture et la transparence des données et des processus de l’évaluation.
 
En adhérant à la CoARA, l’Université de Lorraine marque sa volonté de s’engager dans cette voie aux côtés de ses partenaires français et européens : améliorer le processus d’évaluation de la recherche, c’est toucher le cœur du réacteur pour améliorer le dispositif de recherche tout entier ; cela ne peut se faire qu’à une échelle internationale la plus large possible et aura un impact sur l’ensemble des métiers de la recherche, et de l’enseignement supérieur."
 

Factuel : À quels enjeux cette coalition veut-elle répondre ?

 
Nicolas Fressengeas : "Cette coalition européenne, la CoARA, a été politiquement lancée par la Présidence Française de l’Union Européenne lors de la première conférence européenne sur la Science Ouverte. C’est donc bien la communauté œuvrant pour l’ouverture de la science qui est en est à l’origine. En effet, les modes actuels d’évaluation de la recherche, souvent centrés sur des journaux dits prestigieux et à fort impact, contribuent à constituer une privatisation oligopolistique de la communication scientifique, au lieu de privilégier la bibliodiversité et l’ouverture telles que recommandés par l’UNESCO dans sa recommandation sur la Science Ouverte. Néanmoins, la question de l’évaluation de la recherche dépasse de très loin celle de l’ouverture de la science. Le premier engagement de CoARA est en effet la reconnaissance de la diversité des productions de la recherche, parmi lesquelles les publications ouvertes figurent, certes, mais également les productions de données et de codes logiciels, ouverts ou simplement partagés, la valorisation, économique ou non, des résultats de la recherche, l’amélioration des processus de la recherche afin de retrouver sa reproductibilité, la vulgarisation… la liste pourrait être très longue. Changer l’évaluation, c’est inciter les acteurs individuels comme collectifs à faire évoluer leurs pratiques de leur métier. L’un des exemples est la label HRS4R, label européen dans la gestion des ressources humaines, dont l’un des volets est complètement dédié à ces changements."
 
Myriam Doriat-Duban : "Les enjeux RH sont majeurs car c’est un changement radical de culture. C’est d’abord un changement considérable dans les pratiques de publication, avec une perte de repères en termes d’évaluation par les pairs et de référentiel (classements internationaux des universités, classement des revues de type Journal Impact Factor ou h-index) mais aussi dans l’accès et la diffusion des publications qui va s’accélérer. C’est ensuite toute une réflexion sur l’évaluation qualitative des travaux qui doit être menée avec des conséquences tant au niveau des recrutements que des avancements et une nécessité de former les évaluateurs à ces nouvelles formes d’évaluation car nos pratiques d’évaluation doivent être modifiées en conséquence. Cela aura un impact non négligeable sur le temps à consacrer à ces évaluations car il est souvent plus simple de faire du quantitatif que du qualitatif ; l’enjeu sera de trouver une façon pertinente de combiner les deux, le quantitatif venant à l’appui du qualitatif. Cela nécessitera d’y consacrer des ressources humaines mais aussi financières. C’est enfin une démarche qui doit concerner toutes les disciplines et tous les éléments constitutifs d’une démarche scientifique : toutes les formes de publications mais plus généralement toutes les formes de production scientifique.
Nous ne sommes qu’au début du chemin mais beaucoup de ces objectifs sont déjà présents dans le plan d’actions proposé pour le renouvellement du label européen HRS4R dans la gestion des ressources humaines qui dresse une première feuille de route ambitieuse en la matière."
 

Factuel : Comment concrètement cet accord va-t-il être mis en œuvre à l’Université de Lorraine suite à cette adhésion?

 
Nicolas Fressengeas et Myriam Doriat-Duban : "L’Université de Lorraine est l’un des membres de CoARA, qui en comptait 400 au premier décembre 2022. Trois enjeux majeurs se présentent à elle dès aujourd’hui. Le premier est de construire son influence au sein de cette coalition qui peut rapidement compter un millier d’institutions dans un réseau qui commence à s’étendre au-delà de l’Europe. Le deuxième est de construire, en Lorraine un accompagnement au changement vers les communautés de recherche, tout en s’organisant pour qu’elles soient les acteurs principaux de ce changement. Le troisième est d’envisager la façon dont le pilotage même de l’établissement pourrait être influencé par des changements aussi radicaux dans l’évaluation de nos métiers. 
 
L’influence européenne se construit à travers une coordination française : Caroline Gaucher, chargée de mission Ressources Humaines auprès de la première Vice-Présidente, représentera l’établissement auprès de la CoARA, mais aussi au sein du Groupe de Travail national actuellement appelé DORA qui coordonnera l’action française au sein de la CoARA. Je pourrai l’épauler dans cette charge, car je participe à la coordination de ce GT en tant que chargé de mission Science Ouverte auprès de notre ministère.
 
La déclinaison lorraine de ce dispositif est encore à construire, et nous avons plusieurs années pour le faire. Néanmoins, des évolutions récentes des fiches destinées aux rapporteurs lors des phases de promotion locale vont dans le bon sens. La construction d’une offre de formation et d’accompagnement est un véritable défi, qu’une mutualisation nationale, à travers le GT dédié, voire européenne à travers la CoARA elle-même pourra permettre de relever. Le suivi et la transparence du dispositif mobiliseront également les communautés, mais le travail pourra en grande partie être mutualisé avec le suivi du label HRS4R. A l’instar de ce qui été réalisé pour les fiches destinées aux rapporteurs, les évolutions de l’évaluation de la recherche pourront être réalisées à travers des groupes de travail impliquant la communauté lorraine et en lien avec le contexte international."
 
Tous les détails sur le site de la coalition : https://coara.eu