Le renseignement humain, un enjeu pour la veille stratégique : entretien avec Terry Zimmer

Au sein du master Veille stratégique et organisation des connaissance (VSOC), des intervenants professionnels viennent faire profiter de leurs expériences aux étudiants de M1 et de M2. Terry Zimmer, responsable du pôle Information/Analyse/Influence chez Rempart International et auteur du livre Le Renseignement humain à l'heure numérique est venu à leur rencontre, en octobre dernier.

Les étudiants du master se forment aux métiers de responsable de la veille ou de l’intelligence économique, chargé de mission intelligence économique, community manager, chef de projets, consultant veille, knowledge manager, conseiller en risques informationnels, …

Alors pourquoi un séminaire sur le renseignement humain ?

« Le renseignement est constitué de faits qui sont exacts, opportuns, spécifiques, organisés dans un but et présentés dans leur contexte. » - (Mayall, 2021)[1].

Comme la veille, le renseignement arrive en amont de l’action, il se base sur l’information pour intervenir sur la prise de décision.

Attention, si la veille stratégique est le renseignement humain peuvent avoir des ressemblances, il faut comprendre qu’il est interdit en veille stratégique de collecter des informations par des méthodes illégales.

Cependant le renseignement humain prend du temps, car une source humaine n’est pas disponible de la même façon et n’est pas tenue de dire la vérité. C’est également la conclusion de Philippe Rondot dans son article « Face aux menaces diffuses, le renseignement humain devrait pouvoir garder sa place ». Selon lui : « Le renseignement humain, dans ses fonctions recherche et action, reste une entreprise délicate dont il ne faut pas sous-estimer la nécessité. Les exigences, en démocratie, de transparence et de contrôle politique, devraient aller de pair avec celles requises, mais trop souvent ignorées, par le secret des opérations. C’est la condition pour garder aux ressources humaines, qui fournissent des informations d’un autre ordre et d’une qualité souvent supérieure, une place équilibrée à côté du renseignement technique. » (Rondot, 2016)[2].

C’est dans ce contexte que nous avons pu proposer à Terry Zimmer de répondre à nos questions, afin de faire le point sur son parcours et le lien proche que ce dernier entretient avec la veille et l’intelligence économique. 

Interview de Terry Zimmer

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Terry Zimmer, 37 ans, jeune papa, lorrain, rechercheur et parfois trouveur d'informations, curateur de contenu et relationniste des médias sociaux, intéressé par la biologie de la désinformation et passionné par le renseignement humain.

Sur le plan universitaire, j’ai fait une licence d'Économie et Gestion d’Entreprise, puis un master d’Intelligence Économique. Il y a deux ans, je suis retourné sur les bancs de la Faculté de Droit de Nancy, avec un grand plaisir, pour suivre le Diplôme Universitaire Sécurité Intérieure.

Sur le plan professionnel, j’ai été durant 5 ans consultant indépendant à mi-temps, chargé de veille et community manager l’autre moitié du temps pour l’Institut Boostzone qui est un centre de recherche participatif en stratégie et prospective. Depuis 7 ans, j’ai la charge de la partie Recherche / Analyse / Influence pour Rempart International, une société de sûreté située à Luxembourg. À côté de cela on m’a donné, très tôt, la chance d’enseigner « la technique du renseignement » via des cours de méthodologie et outils de veille, d’« intelligence économique ».

Vous êtes venu nous parler de renseignement humain dans le cadre du master VSOC. Pour vous, quelle place peut prendre le renseignement humain dans le travail d’un veilleur ?

Je connais un chargé de veille qui s’était vu refuser (par principe et non faute de budget) sa demande pour se rendre à l’un des plus grands salons professionnels au monde de son secteur d’activité. Il a donc passé l’intégralité de la durée du salon au bureau, devant l’écran de son ordinateur, à utiliser son outil de veille pour produire une lettre d’information quotidienne qui recensait les nouveaux produits et les grandes annonces des clients, des concurrents, des fournisseurs, …. Dans cette configuration, pour son chef, il travaillait au lieu de partir « en balade » à Paris.

Les fascicules à disposition sur les stands, qui peuvent parfois en dire un peu plus que ce que l’on trouve sur les autres supports de communication grand public, ce qui s’est dit lors de conférences où s’est exprimé un concurrent ou bien un analyste de haut niveau, les discussions plus ou moins informelles que l’on peut avoir, à un stand ou au bar, etc. sont autant d’éléments d’informations qui n’auront pas été collectés lors de ce salon. C’est dommage car ils sont potentiellement à plus haute valeur ajoutée, car moins facilement accessibles via les seules sources presses et plus sensibles.

Il y a néanmoins fort à parier que le travail du veilleur sera d’autant plus efficace, s’il a les compétences et si on lui donne la possibilité de développer son réseau relationnel et informationnel au sein, et en dehors de l’organisation.

Quel avantage un veilleur a par rapport aux autres dans le renseignement selon vous ?

Un étudiant ou un jeune diplômé en intelligence économique ou en veille stratégique, comme vous, a des enseignements de la part de spécialistes de la veille et de l’intelligence économique, de communicants, de knowledge managers, de lobbyistes, de juristes,… Cela fait quantité d’approches et d’angles d’attaque du sujet. Il a la capacité d’identifier ou de définir un besoin informationnel, de mettre en œuvre une collecte efficace, de qualifier une information et une source et de l’analyser, il sait la communiquer, il est, à minima, sensibilisé à différents risques informationnels et diverses problématiques de sûreté et de sécurité, il connaît l’importance d’un réseau relationnel, etc. C’est un enseignement particulier et trop peu enseigné en France alors qu’il devrait l’être dans toutes les filières, sans exception[3]. Cette acculturation au renseignement que vous avez, sortis de l’école, est votre avantage, il est réel mais fugace (car les autres seront formés au cours de leur carrière, sur le tas, plus ou moins bien, avec retard et avec regret).

 Vous qui aimez les citations, en auriez-vous une dernière à nous partager ?

« Celui qui trouve sans chercher est celui qui a longtemps cherché sans trouver. »
Gaston Bachelard (1882-1962), philosophe français des sciences, de la poésie, de l'éducation et du temps.

Le hasard heureux n’existe pas, seul comptent le travail et la méthode. Rien de mieux pour la conclusion de cet article, retrouvez toutes les informations sur le master VSOC en temps réel sur twitter et LinkedIn. 

Marion Bontemps, M2 VSOC et alternante à la DEPAS pour le réseau Alumni