[Recherche interdisciplinaire] Le savant mariage de l’automatique et de l’informatique au service de la cybersécurité

 
Publié le 19/01/2022 - Mis à jour le 2/06/2022
La cybersécurité dans l'industrie
À l’heure où la cybersécurité devient une préoccupation centrale pour les gouvernements et les industries du monde entier, la recherche scientifique explore et propose des alternatives de plus en plus sophistiquées pour mieux protéger nos systèmes informatiques. 
Dans ce contexte, le projet Impact LUE DigiTrust allie la force de six laboratoires de l’Université de Lorraine, dont le CRAN et le Loria (Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications), pour stimuler les travaux de recherche entre les diverses disciplines concernées par la sécurité informatique.
Pendant la semaine de la recherche, nous vous proposons les portraits croisés de trois binômes qui font de l’interdisciplinarité leur force... bonne lecture !

Marine Minier, informaticienne et professeure au Loria et Gilles Millérioux, automaticien et professeur au CRAN, associent leurs compétences au profit du projet impact LUE DigiTrust. Issus de profils scientifiques différents, ils nous expliquent comment ils ont appris à dialoguer pour faire avancer la recherche autour d’une problématique commune : la sécurité informatique.

Informaticienne, Marine a fait une thèse en cryptographie symétrique. Spécialisée dans les attaques, elle est rattachée à l’équipe Inria CARAMBA (équipe-projet commune à Inria et au Loria) et a la responsabilité du projet interdisciplinaire LUE DigiTrust qui fait appel aux mathématiques, à l’informatique et à l’automatique. Dans ce domaine, Marine n’en est pas à son premier coup d’essai. Ayant déjà travaillé auparavant sur d’autres projets interdisciplinaires, Marine s’est ouvert à de nouvelles thématiques qui « expliquent sa place vis-à-vis de la société et montre comment son travail s’inscrit dans une problématique plus générale. » déclare-t-elle. 

De son côté, Gilles mène des recherches sur les systèmes dits intelligents et autonomes, comme les robots, les véhicules autonomes, les pilotes automatiques d’un avion par exemple. En tant qu’automaticien, sa mission consiste à développer des algorithmes qui améliorent l’efficacité des systèmes en termes de précision, de résilience, de sûreté. Gilles s’est intéressé très tôt à la cryptographie, précisément au cours de sa thèse. « C’était la genèse de la cryptographie en automatique » explique-t-il. Pour avoir une approche structurée et rigoureuse des aspects de la cryptographie sous l’angle de l’automatique, il décide de se rapprocher d’informaticiens experts dans la cryptographie. « Gilles m’a contacté en 2015 pour valider un système chiffré dans un projet ANR » commente Marine. Cette première rencontre marque le point de départ de leur collaboration. 

Faire dialoguer leurs disciplines 

Dans le cadre de DigiTrust, les systèmes industriels font l’objet d’études très avancées pour garantir leur sûreté et leur sécurité. La sûreté consiste à se parer vis-à-vis des pannes ou du vieillissement des équipements. La sécurité vise à se prémunir des malveillances. Dans ce contexte, Marine et Gilles co-encadrent la thèse d’Hamid Boukerrou qui étudie le développement d’algorithmes cryptographique novateurs avec des approches rigoureuses de la cryptographie et de la théorie du contrôle. Mais comment faire dialoguer leurs disciplines ? C’est un savant mariage de 2 axes qu’ils co-construisent en faisant appel à des outils mathématiques communs. Unifier leurs problématiques pour concevoir des algorithmes capables de sécuriser les systèmes industriels, c’est là tout l’enjeu de l’interdisciplinarité. Gilles conçoit des modèles mathématiques de systèmes industriels qui se sont révélés très proches de ceux utilisés par Marine pour sécuriser les systèmes et faire face aux intrusions et aux logiciels malveillants. 

Et ce dialogue a déjà porté ses fruits. STANISLAS est le premier exemple d’un chiffrement survivant. Créé il y a maintenant 2 ans, il est le seul à ne pas avoir été attaqué jusqu’à présent par rapport aux autres chiffrements déjà proposés. STANISLAS, c’est le fruit de cette collaboration croisée : de l’expertise en cryptographie et en automatique avec un intérêt industriel. Ce chiffrement a fait l’objet d’un article* commun qui a été publié ce mois-ci. Accessible sur HAL, il donne les détails du fonctionnement de cet algorithme. 

Une recherche appliquée et finalisée

Le projet impact LUE Digitrust est aussi un exemple probant que « la recherche n’est pas exclusivement abstraite mais permet d’aboutir à des choses très concrètes. » fait remarquer Gilles. Travailler sur des projets interdisciplinaires est un des côtés attractifs de la recherche. « C’est la rencontre avec d’autres collègues, d’autres communautés en travaillant de manière collaborative » explique Gilles. Marine ajoute « La recherche, c’est s’enrichir les uns les autres ». Alors que le projet est composé de disciplines majoritairement masculines, elle souligne que « c’est aussi un métier où les femmes peuvent s’épanouir. » L’appel est lancé !

Pour en savoir plus sur le projet DigiTrust, vous pouvez consulter la page web du projet en cliquant ici.  

*Julien Francq, Loic Besson, Paul Huynh, Philippe Guillot, Gilles Millérioux, et Marine Minier. Non-triangular self-synchronizing stream ciphers. IEEE Transactions on Computers, Institute of Electrical and Electronics Engineers, 2022, 71 (1), pp.134-145. 

Gilles Millerioux, automaticien et professeur au CRAN
Marine Minier, informaticienne et professeure au Loria