Trésors des BU : La reliure dans tous ses états, à la Bibliothèque Universitaire de Lettres & SHS

 
Publié le 14/06/2021 - Mis à jour le 5/05/2023
Sébastien STOSKOPFF (1597-1657), Nature morte à la grande vanité 1641, Musée de l'Oeuvre de Notre Dame, Strasbourg detail

Les bibliothèques universitaires de Lorraine conservent des trésors patrimoniaux. Ce mois-ci, découvrons les reliures anciennes de la bibliothèque universitaire de Lettres & SHS

Avant l’époque industrielle, la fabrication d’un livre dépend de la collaboration de nombreux artisans : les papetiers, les fondeurs de caractères, les imprimeurs, les graveurs en taille douce, mais aussi les relieurs et les doreurs. La richesse des livres anciens ne tient pas seulement aux connaissances et aux contenus qu’ils transmettent : ces livres sont autant de témoignages de savoir-faire et de techniques aujourd’hui presque disparus.

Trois expositions prévues à partir du 30 mai 2021 jusque début 2022 dans le hall de la bibliothèque universitaire de Lettres, présenteront le livre ancien en montrant les matériaux qui le composent et les ornements qui en font un objet beau, précieux et parfois unique.

Le premier volet, de cette série d’expositions est consacré à la reliure [Fig. 1-3]. Les matériaux et les techniques principales sont présentées à travers une galerie de livres réalisés à partir du XVIe siècle. A cette époque, l’invention de l’imprimerie avait provoqué l'augmentation du nombre de livres imprimés et l’essor du marché du livre avait révolutionné les pratiques de lecture. Ces changements ont eu un impact sur la réalisation des reliures.

Non plus conservés comme des trésors dans les monastères, mais destinés à circuler et rejoindre des lieux très éloignés de l’atelier de fabrication, les livres ne sont plus couverts de reliures imposantes en ivoire et en or, ornées de pierreries, tissus précieux, et fermoirs en métal ciselé. Le carton, plus léger, remplace le bois des plats. Tout un outillage ornemental est employé pour décorer ces plats recouverts de cuir et, plus tard, de papier coloré : des plaques en métal gravées donnent la possibilité d’imprimer sur le cuir des figures religieuses ou allégoriques ; des fers, des poinçons et des roulettes sont utilisés pour créer des compositions parfois très complexes sur les plats, mais aussi sur le dos des livres.

Parmi les ouvrages présentés, on remarquera le Thesaurus Græcæ linguæ de Robert Estienne imprimé à Genève en 1572. La reliure en parchemin gaufré, montre un plat supérieur richement orné d’un décor Renaissance. L’image au milieu représente l’allégorie de la Justice, avec l’inscription « Iusticie Quisquis Picturam Lumine Cernis Dic Deus Est » (Dieu est juste, et il approuve les actions justes) et, sur le plat inférieur le portrait de Lucrèce [Fig. 4]. Dans les encadrements, sur des médaillons au milieu des feuillages on peut reconnaître, grâce à une analyse comparative avec d’autres reliures contemporaines (par exemple, le Antonini Liberalis Transformationum congeries, Basel : T. Guarinum, 1568, conservé à la British Library), les portraits de Jean Wessel et de Martin Luther (voir aussi le portrait de Jean Wessel) [Fig. 5-6]; le cadre extérieur montre des allégories de vertus : la Foi, la Justice, l’Esperance et la Charité. Cette reliure peut être par ailleurs comparée à celle qui couvre le Corpus juriscanonici emendatum, conservé à la Bibliothèque Municipale de Nancy.

La fonction de protection qui caractérise la reliure n’a jamais empêché l’inspiration artistique de se déployer pour personnaliser le livre, le parer d’inventions originales et somptueuses, contribuant à en faire un véritable objet d’art, révélateur du goût et de la culture d’une époque.

L’exposition est accessible jusqu’au 1er octobre 2021.

Exposition sur la reliure
Exposition sur la reliure
Exposition sur la reliure
Lucrèce
Thesaurus Græcæ linguæ de Robert Estienne imprimé à Genève en 1572
Portrait de Jean Wessel