Des chercheurs du LCP-A2MC et du CRM2 aux côtés d’experts internationaux ont montré qu’il était possible d’utiliser le désordre de la matière pour réduire la conductivité thermique d’un corps, résultat pouvant être applicable dans l’électronique avec les cristaux mixtes semiconducteurs. Ces travaux ont été publiés dans Scientific Reports 10, 19803 (2020).
Du désordre dans la matière
Le désordre au sein de la matière complexe résultant d’un mélange de corps purs (composés d’une seule liaison chimique dans le cas présent) est source de comportements singuliers, inexistants dans chacun des corps purs constitutifs du mélange. Ainsi, un groupe international de chercheurs (France, Portugal, Inde, Pologne) relevant pour partie de l’Université de Lorraine (LCP-A2MC & CRM2) a étudié un matériau désordonné, idéalement simple, ne combinant que deux types de liaisons chimiques (soit un mélange de deux corps purs) disposées aléatoirement sur un réseau régulier (cristallin). Ils ont montré que par application d’une haute pression statique les liaisons minoritaires auto-connectées (par le simple jeu de la disposition aléatoire des liaisons dans le cristal) peuvent se « figer » en chaines rigides lorsque l’on tente de les forcer à vibrer de concert avec les liaisons de même type mais isolées dans l’environnement de l’autre espèce (majoritaire). Cela montre que l’on peut utiliser le désordre pour réduire la conductivité thermique d’un corps, avec des applications possibles dans le domaine de l’électronique en rapport avec les cristaux mixtes semiconducteurs. Cette capacité est par ailleurs modulable selon que les liaisons minoritaires percolent, i.e., sont auto-connectées à l’infini, ou pas.
Un résultat collaboratif obtenu grâce à une approche diversifiée
Le « gel de vibration » sous pression a été observé par diffusion d’un rayonnement laser visible (appelée aussi diffusion Raman) sous haute pression (à l’aide d’une cellule à enclumes de diamant) sur monocristal (LCP-A2MC, en collaboration avec Sorbonne Université) et sur poudre (BARC-Mumbai & JNCASR-Bangalore, Inde) obtenus à partir de divers cristaux mixtes à base de séléniure de zinc (ZnSe) originellement élaborés sous forme de lingots massifs (N. Copernicus University, Toruń, Pologne). La nature de la distribution des liaisons chimiques (imparfaitement aléatoire) a été pré-étudiée sur site (CRM2) par Résonance Magnétique Nucléaire. Des mesures de diffraction de rayons X sous pression, menées en collaboration (Sorbonne Université, LCP-A2MC) sur la ligne de lumière PSICHE du synchrotron francilien SOLEIL, ont permis d’identifier la gamme de pression utile à l’étude Raman (allant de 0 GPa, la pression ambiante, à 10 GPa – à noter que la pression au centre de la Terre s’élève à 350 GPa). Les spectres Raman ont été interprétés sur la base d’un modèle original des vibrations des cristaux mixtes désordonnés, dit « de percolation », développé sur site (LCP-A2MC), calculs ab initio à l’appui (Aveiro Universidade, Portugal).
Crédit photo et légende : dispositif Raman-haute-pression du LCP-A2MC