Le 12 septembre 2020, le projet Handi’Boogie a enfin pu avoir lieu à l’aérodrome d’Azelot. Le but de l’événement était de proposer à des personnes en situation de handicap de sauter en parachute pour la première fois et de découvrir les émotions qui accompagnent cette expérience inoubliable.
À l’initiative de cette journée, l’association Handi’Skydive et particulièrement Maxime Granier, champion Handifly International et étudiant en L3 Management du sport à la Faculté des sciences du sport de Nancy. Pour mieux comprendre le Handifly, nous avons posé quelques questions à Maxime.
Bonjour Maxime, afin de mieux te connaître et avant de parler de ce superbe événement que tu as organisé le 12 septembre dernier, pourrais-tu nous en dire plus sur toi ? Quel âge as-tu et d’où viens-tu ?
Maxime Granier : J’ai 25 ans, je suis originaire de la région parisienne. Je suis arrivée à Nancy il y a 5 ans pour continuer mes études supérieures en STAPS.
Peux-tu nous en dire plus sur ton handicap ?
M.G. : J’ai une paralysie cérébrale dyskinétique des quatre membres. Cela implique des troubles du mouvement, je contrôle mal mes mouvements. Mon handicap atteint aussi la sphère oro-faciale, avec des soucis de déglutition et de prononciation. Je suis en fauteuil électrique et travaille sur ordinateur. Je peux tenir debout et faire mes transferts seul. Mon handicap ne m’a jamais empêché de faire plein de choses. Ce qui me gêne le plus c’est la fatigabilité et les douleurs.
Tu es actuellement en L3 Management du sport, quels sont tes projets professionnels ?
M.G. : Je souhaiterais travailler au service du sport (handi ou non), dans une mairie, une fédération… J’ai pratiqué de nombreux sports, j’ai le sens de l’organisation. Mais mon rêve serait de travailler dans le parachutisme !
Comment t’est venue l’idée de sauter en parachute la première fois ?
M.G. : Quand j’avais 15 ans, j’étais à l’EREA Toulouse Lautrec (un collège-lycée mixte avec 2/3 d’élèves handicapés et 1/3 d’élevés valides), des profs d’EPS m’ont proposé de faire un simple baptême de parachutisme. Ce n’est que 2 ans après que je me suis vraiment mis au parachutisme et à la compétition….
Quelles sensations as-tu ressenties ?
M.G. : De l’excitation, beaucoup d’adrénaline. Mon premier saut en parachute était aussi l’occasion de mon baptême en avion ! Aujourd’hui quand je saute, je suis concentré, heureux et je me sens libre.
Techniquement, comment saute-t-on en parachute avec un porteur ?
M.G. : Pour un simple baptême il faut enfiler un harnais qui est relié au moniteur pour ne faire qu’un. Ensuite le moniteur vous briefe pendant 10-15 minutes afin d’expliquer les étapes du saut. La seule spécificité pour les handi est qu’il faut ajouter une combinaison pour pouvoir remonter les jambes lors de l’atterrissage.
Quand on saute en entraînement ou en compétition, c’est pareil que pour les personnes valides, sauf qu’on forme une équipe à 3 : le porteur, le vidéoman qui filme la chute et moi. On se met d’accord sur la stratégie à adopter avant, on débriefe sur la vidéo après et on identifie les axes d’amélioration. Il est indispensable de bien s’entendre avec son porteur. J’ai la chance d’avoir un porteur à Lens qui est mon porteur de compétition et un porteur en entraînement à Nancy Azelot, avec lesquels je m’entends très bien.
Tu es champion Handifly International, comment se déroule une compétition ?
M.G. : C’est simple, la compétition Handifly est aujourd’hui axée sur la voltige en chute libre. C’est la partie notée, jugée. Le vol sous voile ensuite ne l’est pas, ni l’atterrissage à ce stade. J’espère que cela viendra un jour ! En compétition, on saute donc avec son porteur qui déclenche la chute de l’avion, contrôle le vol sous voile et assure l’atterrissage mais il reste absolument neutre pendant la chute libre.
C’est moi et moi seul qui assure les figures c’est à dire 4 tours alternés en un minimum de temps qui doivent être « propres ». Selon la teneur des dépassements, vous avez plus ou moins de pénalités. L’axe c’est le vidéoman qui est en face de vous et sa vidéo est le support sur lequel s’appuient les juges (en général 3) pour juger. Si le porteur fait le moindre mouvement, on analyse la situation et en général, on donne une pénalité importante. Ce, pour éviter que le porteur aide le porté.
Comment est né le projet associatif Handi’Skydive ?
M.G. : J’ai eu de la chance. La chance que l’on me propose un saut à 15 ans et que l’on vienne me chercher pour essayer une tentative en 2013 au championnat de France. Je suis IMC (Infirmité Motrice Cérébrale), plutôt sévère donc je faisais figure d’outsider. J’ai des problèmes de coordination majeurs et manque de force, je fais des mouvements anormaux dus aux contractions, tout ceci était potentiellement un souci. Mais… j’arrive à me concentrer, c’est ma force.
Alors je me suis dit que beaucoup d’autres personnes handicapées ne devaient même pas imaginer être capables de sauter un jour en parachute ! Moi je ne m’en serais jamais cru capable et j’ai déjà plus de 100 sauts à mon actif. Donc il faut aller les voir, leur dire « Venez essayer ! ». Ensuite, ça leur plait ou pas mais elles auront cette fierté de l’avoir fait au moins une fois dans leur vie.
Quels sont les actions et projets menés par l’association ?
M.G. : C’est une petite association loi 1901, née en 2018. Le premier projet était d’acquérir deux combinaisons de saut « handi » avec système de relevage de jambes, pour compléter le matériel de l’entraîneur national des moniteurs de saut « handi ». Nous les mettons à disposition de cet entraîneur. Le 2nd était le Handi’Boogie du 12 septembre 2020. En 2021, d’autres sessions de saut et sans doute de soufflerie sont prévues.
Pas facile pour une petite association de trouver le financement mais le peu que l’on fait « c’est déjà ça ». Cette année une quinzaine de personnes auront su que oui, le parachutisme c’est aussi pour elles, que oui, elles l’ont fait ! D’ailleurs 2 personnes nous ont dit le 12 septembre vouloir s’inscrire au club d’Azelot pour sauter régulièrement. C’est super !
Un petit mot sur le projet Handi Boogie ?
M.G. : Un projet de longue haleine !!! La COVID-19 a rendu les choses complexes, il a fallu repousser trois fois la date, prendre des précautions sur place, bien sûr. Il s’agit d’un projet que j’ai initié avec mon association puis suivi dans le cadre de mes cours de Management du Sport. J’en garde le souvenir d’une grande fête… Beaucoup de public, des bénéficiaires enthousiastes et heureux après le saut, des bénévoles STAPS géniaux, mes deux porteurs qui ont assuré les sauts toute la journée, un copain vidéo et le médecin de la Fédération Française de Parachutisme, venus tous les quatre exprès de province pour m’aider, le regard bienveillant des professeurs venus pour l’occasion et l’équipe des parachutistes d’Azelot qui a démontré une fois de plus sa gentillesse.
Handi ou valide, un parachutiste est avant tout un parachutiste. C’est ce que j’apprécie beaucoup dans ce sport. Bref, tout s’est très bien déroulé. Génial !
Est-ce qu’une deuxième édition est envisagée ?
M.G. : On n’avait pas prévu ça pour 2021, juste des sauts individuels. Alors je ne sais pas… On a appelé cet évènement Handi’Boogie « 2020 », donc tout le monde attend le « 2021 » !!! Alors il faut y réfléchir, pourquoi pas… C’était tellement bien…