Des chercheurs du Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques (CRPG, CNRS et Université de Lorraine), en collaboration avec des chercheurs des États-Unis, d'Italie et du Royaume-Uni, ont utilisé les isotopes des gaz rares pour tenter de comprendre comment et quand la Terre aurait acquis ses éléments volatils, devenant ainsi la seule planète du système solaire présentant des conditions favorables au développement de la vie. Cette étude a été publiée dans le journal Proceedings of the National Academy of Science (U.S.A).
Le paradigme actuel selon lequel l'eau et les autres composés volatils nécessaires au vivant auraient été apportés à la Terre par des comètes et des astéroïdes riches en ces éléments, après l'étape principale de formation de la Terre, pourrait être réévalué. "Des indices concernant l'origine de l'atmosphère terrestre sont présents dans les gaz émanant des profondeurs de la Terre, et leur étude nous en apprend toujours davantage sur l'ensemble de processus ayant rendu notre planète habitable", argumente Michael Broadley, chercheur post-doctorant au CRPG et premier auteur de cette étude.
Vu de l'espace, il est aisé de comprendre pourquoi la Terre a été baptisée "la planète bleue". Avec des océans couvrant plus de 70% de sa surface et une atmosphère riche en carbone, hydrogène, azote et oxygène, la Terre semble avoir toujours fourni un environnement idéal pour que la vie se développe dans le Système Solaire. Et pourtant, la Terre n'a pas toujours ressemblé à ce qu'elle est devenue aujourd'hui. Lorsque notre planète s'est formée il y a 4.5 milliards d'années, le Système Solaire était bien plus chaotique qu'à présent. La Terre se serait formée par succession d'impacts violents entre des corps astéroïdaux de taille kilométrique, jusqu'à l'impact géant ayant formé la Lune, au cours duquel une planète de la taille de Mars nommée "Théia" serait rentré en collision avec la Terre jeune. De tels impacts auraient généré des quantités colossales d'énergie, pouvant fondre en partie ou la totalité de notre planète et induire la perte de ses éléments volatils, générant ainsi une Terre sèche et dépourvue des éléments chimiques nécessaires à l'émergence de la vie. La Terre aurait été réapprovisionnée en composés volatils après la formation de la Lune, via l'apport tardif de matériel extraterrestre riche en ces éléments, tels que les comètes ou les astéroïdes.
Les chercheurs ont utilisé des techniques d'échantillonnage et d'analyse de pointe afin de mesurer d'infimes quantités de gaz rares, tels que le krypton et le xénon, émises par le volcan de Yellowstone (Etats-Unis). " Les émissions volcaniques de Yellowstone puisent leur source dans un panache mantellique provenant du manteau profond, nous donnant ainsi accès aux régions les plus primitives de l'intérieur de la Terre", précise Dr. Peter Barry, chercheur à la Woods Hole Oceanographic Institution (Etats-Unis).
Les gaz rares ne sont pas influencés par des processus chimiques ou biologiques. "Ils peuvent être utilisés comme une empreinte génétique nous permettant de tracer l'origine des éléments volatils majeurs sur Terre - tels que l'eau -, même après 4.5 milliards d'années ", déclare Dr. David Bekaert, jeune docteur du CRPG. L'équipe a découvert que la région du manteau terrestre alimentant le volcan de Yellowstone préserve des signatures du krypton et du xénon qui ressemblent de très à celles trouvées dans les météorites. Plus important encore, l’équipe a démontré que les gaz rares contenus dans le manteau source du volcan de Yellowstone sont restés isolés dans la terre profonde pour la majeure partie de l'histoire de la Terre.
Bernard Marty, professeur à l’Université de Lorraine et co-auteur de cette étude explique que “le xénon possède neuf isotopes, neuf variations légèrement différentes du même élément. Un de ces isotopes, le xénon-129, détenait les informations qu'il nous manquait pour comprendre la chronologie des apports d'éléments volatils sur Terre".