[Rencontre] Louis Thomas aka Lobo EL, champion du monde d'improvisation rap et animateur des ateliers rap/écriture à la Maison de l'étudiant de Nancy

 
Publié le 22/11/2019 - Mis à jour le 4/05/2023

Louis Thomas est bibliothécaire à la studothèque Infocom du Campus Lettres et Sciences Humaines, et il est mieux connu sous son nom de rappeur, Lobo EL. Membre du groupe Les Gars du Coin, il a remporté la finale internationale d'improvisation rap End of the Weak et anime les ateliers écriture/rap à la maison de l'étudiant de Nancy. Factuel est allé à sa rencontre.

Factuel : Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Lobo EL : Je sors d’une licence de psychologie et d’un Master d’histoire sur le CLSH et je suis bibliothécaire à la studothèque Infocom depuis septembre. Et depuis plusieurs années, je fais du rap avec mon groupe, Les Gars du Coin. On me connait mieux sous le nom de Lobo EL.

F : Quelles activités as-tu développé avec ton groupe ?

L. EL : Je rappe, j’organise des événements depuis quelques années, je participe à quelques concours, comme celui pour lequel j’ai reçu un prix, je crée des morceaux, seul ou avec mon groupe, et je tiens une émission sur Radio Graffiti qui s’appelle Homme de l’onde. Je pratique aussi quelques instruments.

F : Peux-tu nous en dire plus sur ce concours ?

L. EL : Il y a une discipline dans le rap qui s’appelle l’improvisation, et j’ai participé au concours End of the weak – comme week-end avec un jeu de mot sur weak (faible en anglais). C’est un concours national et international d’improvisation rap, qui se déroule en 5 étapes :

  • un freestyle : tu improvises sur une instrumentale que tu as choisi, c’est un peu une carte de visite,
  • après il y a une épreuve a cappella (sans musique)
  • ensuite il y a le freestyle bag : tu tires des objets d’un sac et tu dois faire réagir le public avec, être original. C’est l’épreuve reine.
  • Pour la 4eme épreuve, c’est le rappeur contre le DJ, qui se répondent : le DJ ralentit, accélère, met des morceaux différents et tu dois t’adapter.
  • Et en dernier, le cypher ou chacun rap à son tour, en ligne.

Tout le monde peut s’inscrire même si tu n’as jamais rappé. En France il y a déjà une sélection régionale. Le finaliste régional va en finale nationale, à Nantes cette année, et enfin en finale internationale.

Cette année seulement 8 pays ont participé, mais End of the Weak est une association, une franchise qui est représentée dans une quinzaine de pays. La finale a eu lieu à Bruxelles, par le passé en Ouganda, il y a eu la République Tchèque, New York, …

F : L’improvisation rap est une discipline bien représentée à l’international

L. EL : Oui même si cette année il y avait plutôt des pays Occidentaux représentés. En 2018, la finale internationale a eu lieu en France et la Chine, le Togo, Madagascar, l’Ouganda étaient représentés.

Cette compétition se développe dans plusieurs régions, en ce moment ils essaient d’être présents au Cameroun.

F : Pourquoi as-tu participé à cette compétition ?

L. EL : C’est assez prestigieux d’obtenir ce genre de titre, c’est une reconnaissance. Mais c’est aussi l’occasion de rencontrer des gens, je vais bientôt aller à Londres suite à cette compétition, et de mettre en lumière mes activités car j’ai été contacté par plusieurs médias. C’est toujours bon à prendre pour un artiste local.

F : Est-ce qu’il y a autant de lien avec l’écriture et le théâtre dans l’improvisation rap ?

L. EL : Pour moi il y a vraiment un aspect théâtral : tu peux écrire un bon texte très technique, mais si tu le reproduis sur scène, ça ne marchera pas avec le public qui est venu pour se divertir : il faut qu’il en ait pour le cerveau (la technique, la rime), pour les oreilles (chanter, la voix) et pour les yeux (il faut se déplacer, interagir, avoir de l’humour). Pour gagner, je m’étais mis dans cette optique.

Par exemple dans l’épreuve MC VS DJ, si tu « clashes » le DJ et qu’il répond tu risques de ne pas arriver à suivre. Moi je ne l’ai pas « clashé », sur scène j’ai vu il y avait une batterie : j’ai tapé 3 coups de cymbales en rappant, et là on est vraiment dans le théâtre : « regardez, j’occupe l’espace, toi sur ton portable, je t’ai vu, je te fais une petite remarque … » non pas pour pointer du doigt mais pour montrer qu’on vit un moment ensemble, j’ai aussi fait des ombres chinoises devant un vidéoprojecteur … On pourrait croire que le rappeur est uniquement dans le musical mais non, tu es seul sur une scène immense, tu dois remplir l’espace.

F : On est loin du cliché du rappeur avec une casquette vissée sur la tête qui débite des paroles incompréhensibles pour la majorité du public

L. EL : Ça existe et je le fais quand même un peu à ma manière. Ce que j’aime dans ce genre d’événement c’est que ça s’adresse à un public familial. Tout le monde peut comprendre les épreuves qui sont simples. Il y a tous les registres, du revendicatif à l’humour. Le rap recouvre tous les registres et pas seulement le côté revendicatif.

Cette année il y avait deux femmes parmi les finalistes, ce qui est plutôt rare !

F : Vous avez tous rappé dans votre langue d’origine ?

L. EL : Les membres du jury parlent eux-mêmes plusieurs langues, j’ai donc aussi rappé un peu en anglais.

F : Comment as-tu pu mettre en place ton projet avec Les Gars du Coin en étant étudiant ?

L. EL : Le fait d’être étudiant m’a permis d’avoir une culture, d’acquérir une méthode … et j’ai eu du temps disponible pour organiser mes activités.

F : Tu organises les ateliers rap/ initiation à l’écriture à la Maison de l’étudiant. Peux-tu nous en dire plus ?

L. EL : Ce qui est bien c’est de pouvoir faire découvrir la discipline, de la démocratiser. Pour contrer l’image du rappeur : un homme, plutôt énervé et grossier … Et il y a la transmission d’un amour de la langue. Sans prétention, on reste sur un niveau très horizontal où chacun a son mot à dire, chacun peut apprendre des autres, nous aussi.

Par exemple sur les rimes : dans le rap on ne sera pas sur de la rime riche mais plutôt sur des assonances, par exemple : ricochet avec rigoler …

Dans la chanson française, on est plutôt sur des rimes « attendues » alors que dans le rap on cherche l’originalité, des sonorités et des associations décalées. Et ça, ça peut parler à tout le monde. J’ai une approche didactique dans cet atelier. On y échange beaucoup et c’est très intéressant.

F : Vous travaillez de A à Z, de l’écriture jusqu’à la déclamation ?

L. EL : Oui, mais surtout on fait ce que les gens veulent faire. Par exemple, il y a deux participants qui sont déjà rappeurs, et qui sont très bons. Je n’ai pas grand-chose à leur apprendre. Il y a une participante qui écrit et je suis là pour l’encourager mais pas pour l’obliger à rapper son texte devant tout le monde.

F : Ça permet de prendre confiance en soi

L. EL : Oui, on va d’ailleurs organiser des séances qui seront plutôt centrées sur l’éloquence, pour mieux s’exprimer en public. Ce qui est utile aussi bien sur scène que dans la vie. Il y a eu aussi des séances sur la mélodie. C’est donc très varié.

 

Les ateliers ont lieu les jeudis de 18h à 19h30 et sont ouverts à tout le monde, étudiants et personnels de l’Université de Lorraine

+ d’infos sur la page Facebook de la Maison de l’étudiant et en envoyant un e-mail à philippe.crevisier@univ-lorraine.fr

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crédit photo : Amin Bendriss