Des chercheurs de l’Institut Jean Lamour (IJL) et du LEMTA (CNRS – Université de Lorraine) viennent de réussir à comprimer de l’hydrogène à 700 bars lors d’une expérience innovante. Elle a été réalisée à l’aide d’un compresseur d’hydrogène non-mécanique qui fonctionne par adsorption-désorption cycliques d’hydrogène sur un lit de charbons actifs.
Cette manipulation ambitieuse a été accomplie dans le cadre de la thèse de Giuseppe Sdanghi, doctorant Lorraine Université d’Excellence dans le projet ULHyS, encadré par Vanessa Fierro, directrice de recherche CNRS à l’IJL et Gaël Maranzana, professeur au LEMTA.
L’hydrogène est un élément-clé de la transition énergétique. C’est un vecteur énergétique qui, lorsqu’il est produit à partir de ressources renouvelables, possède un excellent bilan CO2 et ne génère aucun polluant à l’usage. Ses applications sont multiples, notamment dans le cadre de l’avancée des recherches sur le véhicule du futur.
L’hydrogène fait cependant face à un problème de taille si l’on souhaite l’utiliser à une large échelle dans des applications automobiles : son stockage. L’hydrogène est l’élément de la nature qui peut produire la plus haute quantité d’énergie lorsque le calcul est fait par rapport à la masse (33.5 kWh/kg). Cependant, il est le plus léger des gaz, et sa densité énergétique volumique (en kWh par litre) est plus de 30 000 fois inférieure à celle de l’essence, à pression et température atmosphériques. Pour augmenter sa densité énergétique, la solution retenue pour l’application automobile est la compression. Par exemple, pour effectuer une distance de 500 km en voiture, il faut environ 5kg d’hydrogène, soit un volume de 50 000L de gaz à pression atmosphérique. En élevant la pression jusqu’à 700 bar, le stockage à bord du véhicule devient possible. Le volume du réservoir est alors d’une centaine de litres.
Un compresseur hybride comme alternative aux compresseurs mécaniques
La technologie de compression de l’hydrogène la plus couramment utilisée est celle des compresseurs mécaniques à pistons ou à diaphragmes. Mais elle comporte des inconvénients dus notamment à la fragilisation des métaux par l’hydrogène. Notre équipe de chercheurs s’est donc fixé pour objectif de trouver une alternative aux techniques de compression existantes.
L’objectif de la thèse de Giuseppe Sdanghi est de développer un compresseur d’hydrogène hybride non-mécanique. Celui-ci est composé d’un premier étage électrochimique (de 1 à 70 bars) qui consiste à créer un flux de protons, au travers d’une membrane conductrice protonique, d’un compartiment à faible pression vers un compartiment à forte pression en imposant une différence de potentiel électrique au polymère ; et d’un second étage, basé sur l’adsorption de l’hydrogène dans des charbons actifs contenus dans un réservoir à haute pression, qui assure la compression d’hydrogène par le biais de seuls échanges thermiques : de 70 à 700 bars.
Une expérience innovante et intégralement réalisée dans nos laboratoires
Un travail en amont doit être effectué pour la manipulation : 140 grammes d’un charbon actif, sélectionné à l’IJL après caractérisation approfondie parmi d’autres charbons pour leurs capacités de stockage, sont tout d’abord dégazés dans le réservoir par chauffage sous vide pendant 24h, puis on les laisse refroidir durant une demi-journée. Pour placer un maximum de charbon, celui-ci est tassé par vibration. Cette étape permet de maximiser la quantité de charbon introduite dans le réservoir, qui va ainsi adsorber un maximum d’hydrogène par unité de volume.
Le réservoir va ensuite être refroidi dans de l’azote liquide : une température de -196 degrés Celsius va favoriser le phénomène d’adsorption d’hydrogène dans le volume poreux du charbon actif.
Enfin, la phase de désorption consiste à chauffer le réservoir à température ambiante pour libérer le gaz, jusqu’à ce que l’hydrogène atteigne une pression record de 700 bars !
Cette expérience unique a nécessité un an et demi pour imaginer le prototype et la mise en œuvre des différentes étapes, en prenant en compte toutes les mesures de sécurité nécessaires pour manipuler un gaz dangereux comme l’hydrogène à très haute pression. La plate-forme d’expérimentation a été réalisée de toutes pièces par Kévin Mozet, Ingénieur au LEMTA. Les résultats obtenus sont en accord avec les résultats de la modélisation du procédé réalisée à l’IJL.
Si cette manipulation en est au stade de la preuve de concept, ces travaux de recherche pourraient permettre à terme de résoudre les problèmes de compression de l’hydrogène, notamment dans les stations-service du futur.
Pour plus d'informations sur ULHyS et l'hydrogène vous pouvez consulter cette page.
Les travaux de Giuseppe Sdanghi ont déjà donné lieu à plusieurs publications :
• G. Sdanghi G. Maranzana, A. Celzard, V. Fierro. Chapter 9: Hydrogen adsorption on nanotextured carbon materials In: Hydrogen Storage and Technologies, Edité par M. Sankir and N. Demirci Sankir, Wiley, 2018, 263-320.
• G. Sdanghi G. Maranzana, A. Celzard, V. Fierro. Review of the current technologies and performances of hydrogen compression for stationary and automotive applications Renewable and Sustainable Energy Reviews 102 (2019) 150-170
• G. Sdanghi, V. Nicolas, K. Mozet, G. Maranzana, A. Celzard, V. Fierro. Modelling of a hydrogen thermally-driven compressor based on cyclic adsorption-desorption on activated carbon International Journal of Hydrogen Energy 44(2019):16811-16823.