[Retour sur] Le Brunch « Entre urbanisation et biodiversité : quels place et rôle pour la nature en ville ? »

 
Publié le 12/06/2019 - Mis à jour le 4/05/2023
Retour sur le Brunch labellisé Lorraine Université d’Excellence organisé par l’Université de Lorraine en partenariat avec AgroParisTech Nancy et l’Institut national de recherche agronomique (INRA).

Ce Brunch animé par Lise MACIEJEWSKI, responsable de la surveillance des habitats terrestres au sein de l’UMS Patrimoine naturel (Muséum national d’Histoire naturelle, Agence française pour la biodiversité et CNRS) et doctorante au sein de l’équipe d’écologie forestière de l’UMR Silva (AgroParistech, INRA et Université de Lorraine) a réuni :

  • Marie–Reine Fleisch, ingénieure de l’agriculture et de l’environnement, enseignante-chercheure en foresterie urbaine à AgroParisTech depuis 10 ans ;
  • Pierre Didierjean, directeur du service des parcs et jardins de la ville de Nancy depuis 15 ans ;
  • Nicolas Mortas, associé fondateur et président d’OrgaNéo fondée en 2012 ;
  • Patrick Nadeau, architecte et designer travaillant le végétal.

Après un mot d’accueil de Gilles Trystram, directeur général d’AgroParisTech, sur le campus nancéen, Lise MACIEJEWSKI a ouvert les échanges avec un constat de la Plateforme Intergouvernementale sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques (IPBES) : « La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine, mais il n’est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial. » Ce constat montre la nécessité de s’emparer de cette problématique pour intégrer de nouveau la nature dans nos espaces de vie, notamment dans nos villes.

Marie-Reine Fleisch a présenté plus en détail les principaux enjeux auxquels sont confrontées des sociétés de plus en plus urbanisées, notamment le changement climatique et l’érosion de la biodiversité. En effet, face au changement climatique, les villes seront plus touchées par le réchauffement global avec l’amplification des ilots de chaleur urbain (accentuation des différences de températures par rapport aux zones rurales). Par ailleurs, de plus en plus de catastrophes naturelles ou d’évènements extrêmes affecteront les zones urbaines : précipitations importantes, inondations, pollutions… La végétation en ville et plus particulièrement la végétation arborée atténuera ces changements en contribuant à la régulation de la température, à une meilleure gestion de l’eau, à l’amélioration de la qualité de l’air et à une meilleure qualité de vie.

De plus, favoriser la nature en ville permet de lutter contre l’érosion de la biodiversité. Actuellement, la biodiversité en ville est pauvre. Si on prend l’exemple du patrimoine arboré, il est souvent constitué aux 2/3 de 4 à 5 espèces. Cela génère des écosystèmes homogènes et sensibles aux attaques sanitaires. La diversification des essences plantées en ville est donc nécessaire. Penser à des essences méditerranéennes ou exotiques qui résisteront mieux au changement climatique et permettant d’augmenter la biodiversité est une piste intéressante.

Enfin, la pollution des eaux et de l’air est également importante en lien avec la concentration d’activités humaines en ville. Certaines essences arborées permettraient d’améliorer la qualité de l’air.

Après cette introduction, la table ronde a tout d’abord cherché à répondre à la question suivante : comment densifier la ville tout en préservant et développant la nature ?

Pour répondre à cette question, Pierre Didierjean et Marie-Reine Fleisch sont d’accord sur le fait qu’il ne faut pas penser uniquement la nature en ville de manière horizontale mais en 3 dimensions. En effet, végétalisation et densification seront possibles si l’on intègre toits et murs dans la réflexion et non pas uniquement les sols. La Ville de Nancy a d’ailleurs lancé une action « Faire le mur vert » : la végétalisation des façades avec l’enracinement en pleine terre des plantes se développant aux moyens de supports en bois ou métal. Nicolas Mortas a ajouté un point intéressant : lorsque l’on parle de « nature en ville », on pense végétal mais tout cela repose à la base sur le sol. En effet, les sols en ville sont une ressource à privilégier et le milieu urbain a la chance de réunir deux ressources indispensables pour créer du compost de bonne qualité et améliorer la fertilité et la biodiversité des sols : les déchets biodégradables générés par l’alimentation et les déchets végétaux des espaces verts. Anne Blanchart, ancienne doctorante au Laboratoire Sols Environnement de l’Université de Lorraine, a réagi à son intervention en ajoutant que contrairement à ce que la majorité de gens pensent, les sols en ville peuvent être de bonne qualité et appuie le fait qu’il faille penser le sol comme une ressource urbaine.

Le second temps des échanges a porté sur la place du citoyen pour replacer la nature en ville.  Une première idée commune a vite émergé autour de la table ronde : un changement de mentalité des populations est nécessaire pour repenser la nature et la biodiversité en ville. La population urbaine a souvent une vision restrictive de la biodiversité et voit beaucoup de végétation spontanée comme de « mauvaises herbes », et non comme une partie intégrante de la biodiversité en ville. Yann Chassate, animateur nature de l’Atelier Vert est intervenu et a bien appuyé cette idée : la population doit être éduquée sur le caractère spontané et sauvage de la nature. Certains espaces ont besoin de médiation et du travail de la main de l’Homme mais d’autres doivent être laissés libres pour sensibiliser la population à des espèces aujourd’hui dites indésirables. Patrick Nadeau ajoute tout de même que la nature reprenant ses droits en ville peut être angoissant pour le citoyen et qu’un des rôles de la ville était au départ de se protéger et de s’éloigner de la nature. La ville de demain doit être réfléchie pour que nature et urbain soient harmonieux mais cela est possible. Travailler le végétal permet de créer une architecture plus humaine et accueillante, participant au bien-être et à la santé des citoyens. C’est également un vecteur pour rassembler les citoyens, via les composts partagés par exemple ou bien d’autres initiatives comme des moments pédagogiques et d’échanges autour des gestes verts (proposés par la Ville de Nancy).

Ce Brunch s’est terminé comme à son habitude par une vision prospective en proposant des pistes pour travailler ensemble à moyen-terme. Le futur est tout d’abord marqué par l’inquiétude. Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) prévoit 55 degrés dans les villes durant les périodes de fortes chaleurs d’ici 2050. Il est donc nécessaire de planter en ville pour apporter fraicheur et itinéraires ombrés pour les générations futures, alerte Marylin Molinet de Metz Métropole, présente dans le public. Et cet enjeu est actuel car il faut planter aujourd’hui pour avoir des arbres dans 30 ans. Pour conclure, l’ensemble de la table ronde s’accorde pour dire que la nature doit être inscrite dans tous les projets d’urbanisation comme une composante structurante et non un ajout final pour contenter la population. Il est temps de verdir nos villes en bonne intelligence avec toutes les mains vertes des institutions, architectes, entreprises et citoyens.

Pour tout renseignement complémentaire ou recevoir le calendrier des prochains Brunchs, envoyez un e-mail à l'adresse suivante : lebrunch-contact@univ-lorraine.fr

Article rédigé par Camille Lacour, chargée de développement territorial de l’innovation de à la Direction de l’Entrepreneuriat et des Partenariats Socio-économiques (DEPAS) de l'Université de Lorraine

Dessins réalisés par Catherine Créhange, illustratrice de propos et photos prises par Morgane Stefan, Assistante Brunch.