La transition énergétique est un défi sociétal majeur qui est au cœur de la préoccupation de notre université. Fabrice Lemoine, professeur à l’ENSEM (Ecole Nationale Supérieure d’Electricité et de Mécanique) et chercheur au LEMTA (Laboratoire Energies, Mécanique Théorique et Appliquée), responsable du défi sociétal LUE « Energies du futur » et coordonnateur du Projet « ULHys », est partie prenante dans la construction de la Communauté Energie qui œuvre dans et pour l’espace européen et international. Il répond à nos questions.
Quelle est cette communauté et comment l’Université de Lorraine prend-elle part aux politiques publiques en matière d’énergie ?
Fabrice Lemoine : Au niveau national et européen, de nombreux groupes d’influence existent pour développer et coordonner des politiques en matière de recherche, d’innovation et de formation.
En France, notre université est impliquée dans l’Alliance ANCRE - Alliance Nationale de Coordination de la Recherche sur l'Energie - qui coordonne la recherche afin d’identifier les filières à développer dans le domaine des sources d’énergie, leurs usages et sujets transversaux, notamment les réseaux, les stockage et transport de l’énergie. J’y représente à cet effet la conférence des présidents d’université (CPU).
Nous sommes également Point de Contact National Energie par l’intermédiaire de Nicolas Dupuy, en ce sens qu’il vient en appui à la communauté nationale pour monter des projets européens dans ce domaine. Ainsi, dans notre université, la Délégation d’Ingénierie de Projets (DIPro), grâce à une maitrise de l’ingénierie de projets, effectue une veille sur les appels à projets et apporte son soutien aux composantes et laboratoires dans le montage et le suivi des dossiers. Nous participons au Groupe Technique National Energie animé par le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, qui a pour vocation d’informer sur tout ce qui se passe en Europe dans le domaine de la recherche en énergie (et de façon plus marginale dans la formation).
En Europe, l’université est membre depuis 4 ans de l’EERA - Alliance Européenne de Recherche sur l’Energie - alliance qui fédère la recherche en amont à travers 17 programmes conjoints.
Notre université participe actuellement à 3 programmes conjoints dans les thématiques suivantes :
- Matériaux et procédés pour l’énergie
- Bioénergie
- Hydrogène et pile à combustible
Depuis trois ans, nous sommes engagés dans un partenariat public privé européen : la FCH-JU (Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking), qui gère la stratégie européenne et les financements sur cette filière. Nous pouvons y influencer la programmation en proposant des sujets en amont des appels à projet et participer ou coordonner des consortia.
Enfin, depuis début 2019, grâce au soutien de Lorraine Université d’Excellence (LUE), l’université est partenaire de la KIC InnoEnergy - Knowledge and Innovation Community (ou C.C.I. - Communauté de la Connaissance et de l'Innovation) - entreprise financée par l’Europe pour développer des projets innovants à haut niveau de maturité. Outre des formations professionnelles à destination des industriels, cette Kic propose des formations en masters et des formations pour les doctorants, notamment axées sur l’entrepreneuriat, le business dans le domaine de l’énergie, en s’appuyant sur les universités partenaires.A cette occasion, l’Université de Lorraine a déposé, dans le cadre de LUE, un master conjoint européen intitulé «Decentralized Smart Energy Systems» en partenariat avec les universités Polytechniques de Turin, de Barcelone et avec KTH de Stockholm (Royal Institute of Technology). Ce master pourra être labellisé « master Kic » et être pérennisé, quand les financements européens cesseront.
Au sein de l’Université de Lorraine, quelles actions avez-vous mis en place pour inclure la communauté universitaire dans ces groupes d’influence ?
FL : Tout d’abord, la Délégation d’Ingénierie de Projets (DIpro) diffuse de l’information auprès d’une centaine de collègues, par le biais d’une newsletter. Elle organise des événements « énergie » sur les réseaux français et européens et anime un groupe de travail transversal qui regroupe toutes les disciplines, autant en sciences et technologies qu’en sciences humaines et sociales. Nous accordons un intérêt tout particulier à mobiliser les compétences de la communauté SHS, en géographie, ergonomie, psychologie, philosophie, économie, histoire, sciences de l’apprentissage, entre autres.
Ensuite, nous essayons d’impliquer des collègues, par exemple dans les programmes conjoints de l’EERA, et nous travaillons à une participation à d’autres programmes : géothermie, stockage du carbone, impacts environnementaux et économiques.
De plus, nous organiserons, à l’université, un séminaire en juin 2019 avec la Kic Innoenergy sur les thématiques suivantes : formations, start up, projets d’innovation. Là, nous vous en dirons plus dans un prochain article.
Notre objectif est d’être actif et présent dans ces groupes, afin de positionner l’Université de Lorraine dans cette communauté « Energie ».
Quels sont les résultats de cette implication, à ce jour ?
FL : Il est préférable de parler d’impact global plutôt que d’impact financier. En effet, l’objectif des groupes d’influence est non seulement de créer des réseaux scientifiques pour relever le défi énergétique, mais aussi de proposer en amont des actions préparatoires à des projets de recherche fondamentale et appliquée pour les futurs programmes cadres. Celui qui concernera les villes neutres en carbone, dans le cadre du futur programme « Horizon Europe » à l’horizon 2050, nous tient très à cœur, tout comme le projet de grande envergure, porté par l’EERA, appelé SUNRISE, dont la finalité est de décarboner la chimie et les combustibles en associant la conversion directe de l’énergie solaire et la capture du CO2.
De même, nous participons à une action similaire dans le domaine de la coopération Europe-Afrique dans le domaine des énergies renouvelables, tant sur le plan de la recherche que de la formation sur la biomasse, la captation de l’énergie renouvelable des petits réseaux locaux d’énergies qui s’interconnecteront.
Notre volonté est donc de fédérer les compétences pluridisciplinaires pour peser sur les instances décisionnaires.
Quelles sont, d'après vous, les prochaines étapes pour optimiser cette participation ?
FL : Il nous est important d’assurer une représentation permanente de l’université - partout où cela est stratégique, de se nourrir des positions de nos partenaires et d’être attentif aux tendances nouvelles et porteuses, pour être force de propositions.
Il nous semble essentiel d’inciter nos collègues scientifiques et ceux des directions opérationnelles à s’investir de façon durable dans les projets liés au défi énergétique.
Nos actions vont dans ces 2 sens.
Quel est le point de vue politique de l’Université ?
FL : Je crois pouvoir dire que l’université prend à bras le corps son positionnement européen et a créé une « task force », une équipe de référents, afin d’organiser notre présence dans les réseaux européens et de disposer de la meilleure information possible. Eric Foucher, correspondant CPU au CLORA à Bruxelles - Club des Organismes de Recherche Associés -consacre une partie de son temps à cette tâche, pour l’Université de Lorraine. Plusieurs champs thématiques d’intérêt européen sont couverts : matériaux, énergie, digital, usine du futur, bio-économie.
Nous nous employons à mobiliser les communautés et les chercheurs pour adhérer à notre politique et à nos actions.
A l’Université de Lorraine, la thématique Energie regroupe près de 300 personnes, et le projet « ULHys » mobilise 40 chercheurs et 30 doctorants. Des chiffres marquants !
Pour en savoir plus, contactez la DIpro : cellule-europe-contact@univ-lorraine.fr