Retour sur la Biennale Koltès avec Michel Moreaux, secrétaire de l'association Quai Est

 
Publié le 10/04/2019 - Mis à jour le 10/05/2023
écritures de l'Exil

Retour sur la Biennale Koltès avec Michel Moreaux, secrétaire de l'association Quai Est qui organise l'événement avec le soutien de l'espace Bernard-Marie Koltès.

Pouvez-vous nous présenter la Biennale Koltès ?

En 1998, une première association « Retour de Voyage » s’est créée autour de l’ayant droit François Koltès avec des amis et des universitaires de Metz. Son objectif était de commémorer le 10ème anniversaire de la disparition de l’écrivain dramaturge.

En 2008, avec l’engagement fort de la nouvelle municipalité de Metz, l’association « QUAI EST » est fondée pour se souvenir du 20ème anniversaire de la mort de B. -M. Koltès.

Une « Intégrale Koltès » est alors réalisée en 2009 sous la direction artistique de Michel Didym avec des compagnies venant de sept pays différents. Le succès de cette première en Europe amène le comité et ses partenaires à pérenniser l’événement en créant une BIENNALE, plus souple et moins exigeante pour les bénévoles que nous sommes. Nous nous appuyons déjà fortement sur le Théâtre du Saulcy qui, à force de soutiens et de pressions diplomatiques, devient l’ESPACE BERNARD MARIE KOLTÈS !!! 

La Biennale poursuit plusieurs objectifs :

  • faire connaître l’œuvre de Bernard-Marie Koltès,
  • participer à la création et à la diffusion du théâtre contemporain ; c’est pourquoi l’association Quai Est  a des liens très étroits avec les compagnies (par exemple : Astrov, La Mandarine blanche, Les Heures Paniques, Pardès Rimonim, Coup de Théâtre, L’SKBL…), les théâtres de la région qui ont ces mêmes préoccupations en montant des spectacles à partir de textes inédits ou d’auteurs, peut-être inconnus du grand public mais qui inventent un nouveau langage théâtral, et donc une nouvelle vision de notre monde ; le théâtre de demain…
  •  amener au théâtre (texte, lieu, représentation) un public  qui l’ignore pour de multiples raisons (en particulier l’idée que ce n’est pas fait pour lui),  et le fidéliser
  • mettre en place des ateliers de pratiques théâtrales en direction des publics éloignés du théâtre
  • et, enfin, soutenir les recherches universitaires portant sur l’œuvre de Koltès et le théâtre contemporain

Quel est votre rôle dans l’association Quai Est ?

 Nous avons participé avec des amis , dès 1998 , à la création de la première association « Retour de Voyage » (je suis un ami des frères Koltès, Jean Marie et François). Nous en avons assuré la présidence. Nous avons su depuis toutes ces années tisser des liens forts et productifs avec différents partenaires : l’Université et son théâtre, les associations et les institutions culturelles, les compagnies théâtrales de notre région, la Direction Régionale des Affaires culturelles (DRAC), les Collectivités Territoriales. Depuis 2009 , date de la création de QUAI EST, j’assure les fonctions de secrétaire sous la présidence de Richard Bance, ancien journaliste culturel du quotidien le Républicain Lorrain.  Le comité se compose d’une dizaine d’amis bénévoles formant une équipe soudée à laquelle se sont joints des universitaires, spécialistes du théâtre contemporain, en soutien.

Quels sont vos liens avec l’espace BMK ?

Ce sont des liens essentiels pour nous. Certes, l’espace BMK est pour nous un lieu d’accueil pour une partie de nos spectacles et donc de rencontre avec un public déjà au fait de ce qui se passe dans le théâtre contemporain ; de plus, situé sur le campus du Saulcy, il nous permet de toucher au plus près, si l’on peut dire, un public d’étudiants. Mais surtout, les contacts que l’on a avec sa direction, et en particulier avec sa nouvelle directrice Lee Fou Messica, nous permettent d’avoir un regard compétent, professionnel et extérieur tout en restant impliqué, sur nos projets, d’en faire en quelque sorte l’expertise. La directrice de BMK, par la connaissance qu’elle a du monde du théâtre, nous aide aussi à avoir des contacts avec des metteurs en scène, à prendre en compte des spectacles qui pourraient entrer dans notre programmation, à voir ce qu’on n’a pas vu, ce qu’on devrait voir, à faire le tri entre ce qui est désirable et possible, à trouver des ponts entre sa programmation et la nôtre. Il nous serait difficile de nous passer de son soutien, de son expertise et de son aide toujours rigoureuse et amicale. Nous avons ainsi pu co-construire avec elle  le programme de cette double biennale 18/19. Son implication a été totale et s’est concrétisée non seulement dans l’accueil dans son théâtre de quelques uns de « nos » spectacles, mais aussi dans la venue de Catherine Marnas qui a proposé une Nuit juste avant les forêts qui restera dans la mémoire de tous les spectateurs. 

Mais il indispensable de rappeler que le label « Écritures Contemporaines » attribué à L’Espace BMK par la DRAC nous permettait de bénéficier d’un financement important pour nos biennales. Ce financement, après le départ de l’ancien directeur du théâtre, est pour le moment suspendu. Notre avenir est assurément lié à ce conventionnement.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la programmation de cette année ?

Tout d’abord,  il faut préciser qu’exceptionnellement cette biennale se poursuit sur deux années, 2018 et 2019, car elle a pour vocation de rappeler, dans un geste d’hommage, les dates anniversaire de la naissance de Koltès (Metz, 9 avril 1948) et de sa mort (Paris, 15 avril 1989). En général, nos biennales s’appuient sur un thème précis qui tente de rendre compte des flux des forces (idéologiques, politiques, économiques…) qui traversent/travaillent notre corps social et des subjectivations des individus qui en découlent. Son choix est arrêté par tous les membres de notre association en fonction de leurs savoirs, de leurs sensibilités, de leurs propres pratiques, de leurs expériences et de leurs connaissances du champ théâtral. L’avis et les suggestions de nos « experts » – Raymond Michel et André Petitjean, pour le volet recherche universitaire, et Lee Fou Messica pour le volet proprement théâtral – nous sont précieux au moment du choix. Pour la saison 18/19, ce choix s’est porté sur le thème suivant : « ÉCRITURES de L’EXIL ».

En effet, l’exil génère des écritures, des mots, des émotions, des révoltes que portent des écrivains, des philosophes, des dramaturges, des poètes. Bref, tous ces acteurs soucieux de publiciser (c’est un rôle essentiel du théâtre : rendre-faire public !) et de re-présenter (faire voir avec un vocabulaire nouveau et des images inédites, fortes et déconcertantes) par leurs œuvres une solidarité et une hospitalité qui témoignent de notre condition d’homme responsable, embarqué dans la vie avec l’autre, notre alter ego, quel qu’il soit.  L’enjeu d’une éthique de la responsabilité à laquelle tous ces vigies nous rendent sensibles concrètement grâce à la forme théâtrale est donc bien de proposer un présent à ceux qui tournent le dos à leur passé d’oppression ou de misère , au risque de leur vie, avec l’espoir, sinon l’espérance,  d’un futur tellement aléatoire.

La Biennale a proposé en novembre 2018 des écritures, des approches, des témoignages différents rendant compte des exils qu’ils soient lointains ou à nos portes, particulièrement ici dans notre ville frontalière qui voit quotidiennement émerger le réel social et humain de telles situations . (NDLR retrouvez toute la programmation sur https://biennale-koltes.fr/categorie/accueil/)

Au printemps 2019, dans un second acte qui vient de se terminer, ce fut un retour sur le théâtre de Koltès avec « La Nuit juste avant les forêts » mis en scène par Catherine Marnas, « Roberto Zucco » mis en scène par Paul-Émile Fourny à l’Opéra Théâtre ,  « Moi , Bernard » avec Jean de Pange, et « Dans la solitude des champs de coton » joué par des élèves des Conservatoires de Metz et Nancy et mis en scène par Vincent Goethals.

Le « Grand Entretien », au BMK, entre Arnaud Maïsetti, qui a écrit Bernard-Marie Koltès,  une biographie documentée, novatrice et originale par son registre d’écriture (éditions de Minuit, 2018), et Catherine Marnas a été l’occasion pour les étudiants de l’UL et le public venu nombreux de s’initier au langage dramatique de Koltès et de prendre la mesure de ce qu’implique la mise en scène d’une de ses pièces, en l’occurrence La Nuit juste avant les forêts.

Enfin, une performance itinérante intitulée « Survivre » dans trois lieux patrimoniaux de Metz  initiée par les Cies Pardès Rimonim et Monoventi/E-Production a passionné une cinquantaine de spectateurs. La biennale se terminera par une création collective « Les chemins de traverses » avec Maud Galet-Lalande de la Cie Les Heures paniques.

Ajoutons que les deux projections à l’Espace BMK et au KLUB du film d’Hugo Becker « La Nuit juste avant les forêts » a réuni plus 215 spectateurs enchantés par ce qu’ils avaient vu.

En prolongement de notre biennale, nous allons encore engager en 2019  une « Résidence d’auteurs », à la suite d’une commande d’écritures théâtrales sur le territoire prenant en compte sa dimension transfrontalière. Est prévue aussi une présentation, à l’Espace Bernard-Marie Koltès, d’un spectacle qui sera l’aboutissement de l’atelier de pratique théâtrale  entrepris avec des jeunes des quartiers de la ville. Ce spectacle, « Regardez- moi », aura pour thème la galère que vivent certains jeunes et sera l’occasion non seulement d’écouter mais surtout d’entendre leur parole qui entre sans conteste  en résonance avec  celle de Koltès.  Celui-ci nous a certes quittés depuis 30 ans, mais, sans conteste, sa voix et son souffle sont toujours  présents. La Cie La Mandarine Blanche dirigée par Daniel Proia en assurera la coordination et la réalisation.

Retrouvez les images de La Nuit juste avant les forêts à l'espace BMK