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« Décliner le paysage européen : un regard croisé franco-allemand sur la littérature et les arts » : journées d’étude organisées en collaboration avec l’Université d’Augsbourg (Allemagne) dans le cadre de l’Université Franco-Allemande. Les travaux ont pris place à la MSH de Nancy, les 26 et 27 juin 2025 (le programme peut être consulté ici).
Factuel est allé à la rencontre de Marilina Gianico, maîtresse de conférences en littérature comparée et d’Anna Saignes, professeure de littérature comparée (UFR ALL-Nancy, LIS), responsable (avec Nicolas Brucker, professeur de littérature française, UFR ALL-METZ, Écritures) des Journées d’études « Décliner le paysage européen », ainsi que de David D. Reitsam, titulaire d’une thèse en cotutelle UL/Augsbourg et, depuis 2024, maître de conférences en civilisation allemande à l’Université Grenoble Alpes (UGA) rattaché au laboratoire ILCEA4.
Factuel : Quel était l’objectif de ces journées d’étude ?
Marilina Gianico : Sur le plan scientifique, ces journées visaient à interroger le concept de paysage dans une perspective européenne et comparatiste afin de mieux comprendre les enjeux esthétiques, politiques et écologiques qui traversent cette notion. Nous avons voulu, en étudiant des textes littéraires et d’autres productions culturelles, nous demander comment l’Allemagne et la France se dessinent et se redessinent dans le paysage européen au fil des siècles, depuis les Lumières jusqu’à nos jours et comment leurs relations reconfigurent, également, le paysage européen, aussi bien au sens le plus littéral du terme « paysage » que dans un sens plus métaphorique.
Il s’agissait également de valoriser le travail des masterants et des doctorants en leur offrant un espace de réflexion et d’échange avec des chercheurs confirmés. Le programme du colloque était composé, à parts égales, d’interventions d’enseignants-chercheurs de l’Université de Lorraine et d’ailleurs, de doctorants mais aussi d’étudiants de la deuxième année du Master, qui venaient de finir leurs mémoires. Enfin, le colloque a été marqué par l’intervention de Joël Egloff, qui vient de publier Ces féroces soldats (Buchet Chastel), où il retrace l’histoire tumultueuse de sa famille pendant le Seconde Guerre mondiale en Moselle annexée et tout particulièrement celle de son père, incorporé de force dans la Wermacht à l’âge de dix-sept ans. Joël Egloff a présenté son ouvrage et a répondu à de multiples questions.
Factuel : En quoi la dimension franco-allemande était importante pour ces journées ?
Anna Saignes : Elle était même centrale. La collaboration avec l’Université d’Augsbourg, dans le cadre du partenariat déjà ancien entre nos deux institutions, nous a permis de confronter des visions différentes du paysage, issues des traditions intellectuelles différentes mais en interaction constante. Il a été ainsi possible de mieux dépasser les frontières nationales pour penser le paysage comme un objet transdisciplinaire et transnational. Les jeunes chercheurs ont aussi pu constater les similarités et les différences entre nos deux systèmes universitaires, leurs traditions herméneutiques respectives, leurs organisations administratives. Enfin, ces journées ont permis de nombreuses rencontres : entre étudiants français et allemands, entre futurs chercheurs, doctorants et enseignants-chercheurs. On espère que ces rencontres déboucheront sur de nouvelles thèses et de nouvelles collaborations.
David D. Reitsam : Je suis absolument d’accord. J’aimerais surtout souligner l’importance des interactions constantes que nous avons déjà évoquées. Pendant les deux journées d’étude, nous avons constaté à plusieurs reprises qu’il n’est guère possible d’étudier une littérature ou une civilisation européenne de façon isolée. Il suffit de penser aux voyages de Casanova et de l’abbé Feller ou à la réécriture des mythes, comme celui de Cassandre. De plus, il est essentiel que nos étudiants en aient conscience, car ces domaines de recherche sont aujourd’hui extrêmement dynamiques. Je pense par exemple au plurilinguisme dans les littératures européennes ou aux dimensions transculturelles de la littérature migrante. Parce qu’elles nous rappelaient la productivité de ces regards croisés, les journées d’étude étaient très stimulantes.
Factuel : Quels résultats en retirez-vous, et quelles seront les prochaines étapes ?
Marilina Gianico : Nous travaillons actuellement à l’édition d’un volume réunissant les communications, qui prolongera la réflexion engagée et la rendra accessible à un public plus large. Nous espérons donner de la visibilité aux programme franco-allemand auprès des étudiants et les encourager à s’y inscrire pour élargir leur horizon de formation. Ces journées d’échanges ont d’ailleurs déjà suscité quelques vocations ! Une inscription en thèse est en cours : il s’agit d’une étudiante qui est intervenue lors de ces journées et qui a décidé de mener ses recherches sous la codirection de deux enseignantes-chercheuses, de l’Université de Lorraine et de l’Université d’Augsbourg. À plus long terme, nous envisageons de renouveler ce format de colloque franco-allemand, en approfondissant certaines thématiques qui ont émergé, comme la relation entre paysage et écologie. Ce type d’événement est une belle illustration de ce que la coopération franco-allemande peut produire en matière de recherche : une mise en perspective qui fait dialoguer les disciplines et les cultures.
David D. Reitsam : À titre personnel, je repars avec plusieurs idées et pistes pour approfondir mes recherches consacrées aux revues savantes publiées à Vienne au XVIIIe siècle. Cela concerne, par exemple, les relations entre Venise et l’Empire des Habsbourg ou l’exploitation numérique de mon corpus. À moyen et long terme, je souhaite garder une perspective transculturelle et transnationale – je pense notamment à une journée d’étude en 2026 que j’organise avec deux collègues à Grenoble –, car les regards croisés nous apportent non seulement de nouvelles questions et réflexions, mais ils nous obligent également à être plus précis dans nos développements. Ce qui semble parfaitement clair du seul point de vue allemand ou français nécessite souvent plus d’explications pour quelqu’un de l’autre côté de la frontière.
