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Factuel est allé à la rencontre de Baptiste Girard, nouveau directeur artistique de l’Espace Bernard-Marie Koltès (EBMK), pour en savoir plus sur ses ambitions pour les mois à venir.
Factuel : quel est votre projet au sein de l’EBMK ?
Baptiste Girard : Le projet que j’ai écrit pour l’Espace Bernard-Marie Koltès s’appelle « Écrire les futurs ». Il s’inscrit dans la continuité du travail mené par Lee Fou Messica. Le projet que je propose est basé sur la question de l’ouverture, de la curiosité, de la rencontre et de l’exigence artistique en valorisant les liens avec l’université pour faire rayonner les savoirs afin d’imaginer et d’écrire des futurs joyeux, solidaires et collectifs. Imaginer, comme l’invite la philosophe Alice Carabédian, des « utopies radicales », au-delà d’une vision négative du futur, c’est-à-dire imaginer d’autres avenirs possibles. Encourager l’imagination, c’est résister à la peur et à la résignation, et inviter à inventer et écrire des futurs désirables. Pour cela il faut développer et investir les interstices, ces zones qui produisent du commun et qui pensent demain. L’Espace Bernard-Marie Koltès fait partie de ces interstices, au cœur d’une université engagée.
Le théâtre est un outil vivant, collectif, politique.
Ce qui est vécu dans une soirée au théâtre restera pour tous les gens rassemblés à ce moment-là, unique. Il est un outil précieux pour interroger le monde, pour faire entendre des récits minorés, pour produire du commun. Il peut rassembler autour de questions essentielles, faire place à la complexité, offrir un espace de pensée sensible. Dans une époque traversée par la fragmentation, la vitesse, le populisme, les replis identitaires, le théâtre doit être un lieu où l’on se retrouve, où l’on écoute, où l’on imagine ensemble.
Un théâtre situé sur un campus est une chance formidable, c’est un lieu où les savoirs se fabriquent, où les générations se croisent, où les idées circulent. Cette proximité avec les étudiant·es, les chercheur·ses, les enseignant·es, cette effervescence intellectuelle et humaine, représente une formidable opportunité pour faire vivre un projet artistique en prise avec son époque.
Factuel : Quelle programmation envisagez-vous pour les mois à venir ?
Baptiste Girard : La programmation envisagée pour l’Espace Bernard-Marie Koltès, se voudra le reflet de la diversité des écritures théâtrales contemporaines. Elle fera place aux auteur·ices contemporain·es mais également à toutes les autres manières d’écrire pour le théâtre : les écritures collectives, de plateau, les croisements de disciplines… Chaque spectacle sera l’occasion d’interroger le monde, ses récits manquants, ses blessures, ses possibles. Je crois fermement que ces interrogations peuvent s’incarner autant avec gravité qu’avec joie et impertinence. Joie de la pensée, du collectif, de la fiction.
Le fil rouge de la programmation explorera la question : dans quel monde voulons-nous vivre demain ? et d’en esquisser les futurs possibles. Une programmation politique et joyeuse, intimement convaincu que la joie peut être fédératrice, que l’engagement ne s’oppose pas au plaisir, que la lutte peut se dire avec tendresse, humour ou poésie. Une programmation qui prend le risque de la pensée, du trouble, de la joie partagée.
L’Espace Koltès doit aussi continuer à jouer un rôle central dans l’écosystème artistique régional, en soutenant les compagnies du Grand Est, en mettant ses outils au service de la création, en s’inscrivant dans les réseaux de diffusion, en cultivant des fidélités avec des artistes.
Il s’ouvrira davantage en proposant une programmation hors les murs pour aller à la rencontre des publics. Cela permet de faire résonner les propositions artistiques au-delà du plateau. Il s’agit de créer des rencontres, de surprendre, de désamorcer les a priori encore tenaces autour du théâtre, et de donner envie à celles et ceux qui ne viennent pas d’oser pousser la porte du théâtre.
Factuel : Que représente le théâtre pour vous ?
Baptiste Girard : Ce théâtre doit assumer pleinement sa singularité universitaire. Être un lieu d’apprentissage autant que de création et de représentation. Faire dialoguer les artistes et les chercheur·ses. Offrir aux étudiant·es un terrain d’expérimentation, de formation, de pratique. Être, en somme, un théâtre-université : un lieu de pensée, de fabrication et de transmission.
Ce projet est une invitation à faire ensemble. Il s’ancrera dans les dynamiques déjà en place, s’appuiera sur les forces du territoire, se construira dans l’échange avec les équipes, les partenaires, les usagers. Ce projet est imaginé dans une certaine continuité, et dans l’objectif d’obtenir à nouveau l’appellation scène conventionnée d’intérêt national mention Art et Création.
