[INTERVIEW] avec Marine Amouroux, récipiendaire de la médaille de Cristal CNRS - Factuel

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Marine, pourriez-vous vous présenter et nous rappeler votre parcours ?

Je suis ingénieure de recherche de l’Université de Lorraine en poste au CRAN*, unité mixte de recherche du CNRS et de l’Université de Lorraine. Après avoir obtenu mon baccalauréat dans un lycée de ma ville natale (Antibes, dans les Alpes-Maritimes), j’ai été lauréate d’une bourse pour partir aux États-Unis pendant un an où j’ai obtenu un diplôme américain équivalent au baccalauréat. Sans savoir ce que je voulais « devenir plus tard », je suis rentrée en France à l’issue de cette année « américaine » : j’ai commencé mes études à la Faculté des Sciences de Nice. Lorsque j’étais en 2ème année de Licence, ma mère a malheureusement été victime d’un cancer du sein, ce qui m’a permis de comprendre que les sciences et technologies étaient très utiles en médecine pour la radiothérapie par exemple, méthode thérapeutique largement utilisée dans le traitement des cancers. J’ai alors décidé de m’orienter vers la « physique médicale » pour devenir « radiophysicienne ». Un professeur de l’Université de Nice m’a encouragée à m’inscrire en Licence à l’IUT d’Ingénierie Biomédicale à l’Université Nancy 1 (devenue par la suite Université de Lorraine). Un stage réalisé en 1ère année de Master dans un laboratoire de recherche m’a fait découvrir ce milieu que je ne connaissais pas et surtout décider à changer mon objectif professionnel : j’ai donc décidé de m’orienter vers les métiers de la recherche en commençant par obtenir un doctorat.

Sur quelle thématique travaillez-vous ? Quelles en sont les applications, s’il y en a ?

La problématique de la lutte contre le cancer ne m’a plus quittée puisque, depuis 20 ans maintenant, je dédie mes travaux de recherche et mes enseignements au développement de méthodes optiques pour le diagnostic des cancers de la peau notamment.
Mes collègues et moi avons notamment développé un dispositif médical innovant pour apporter une aide au diagnostic automatisé aux médecins en charge de l’évaluation diagnostique et de la résection chirurgicale des cancers de la peau. Ces travaux sont menés grâce à la plateforme PhotoVivo** dont je suis responsable scientifique et qui regroupe les ressources techniques et expérimentales nécessaires au développement de nos travaux de recherche. La plateforme a pu voir le jour grâce au soutien financier de la Ligue Contre le Cancer, de plusieurs Contrats de Plan Etat-Région (FEDER, Région Grand Est, Etat), de l’Agence Nationale de la Recherche, du programme Unys, du CNRS, de l’Université de Lorraine, du PEPR LUMA, du réseau France Life Imaging notamment. Les résultats obtenus sur les cancers de la peau sont mis en commun avec les résultats obtenus sur d’autres organes (poumon, prostate, etc.) par des collègues du réseau Prénéoplasies soutenu par le Cancéropôle Est.

Parlons d’avenir, que comptez-vous faire après cette médaille Cristal*** CNRS ?

J’ai eu la chance et le bonheur que le CNRS me décerne récemment la médaille de Cristal, cru 2025 qui récompense les ingénieurs de recherche pour leur participation à l’avancée des savoirs : dans mon cas, cette médaille récompense avant tout le travail d’une équipe entière, intégrée dans un laboratoire, sans le soutien duquel rien n’aurait été possible. Les prochains objectifs sont de poursuivre le développement de notre dispositif de spectroscopie optique en prévoyant un futur essai clinique appelé « multicentrique » afin de recruter des patients dans plusieurs centres hospitaliers. Je serai responsable scientifique de ce futur essai clinique. Les résultats permettront, je l’espère, de mettre en évidence des marqueurs bio-optiques utiles pour prévoir l’évolution de lésions précancéreuses afin de distinguer celles qui sont à risques d’évoluer vers des cancers de celles qui présentent des chances de régresser et que l’on peut donc éviter de retirer par une chirurgie.

Quels conseils souhaiteriez-vous adresser à des jeunes filles ou femmes, qui s’orienteraient vers la Recherche et/ou l’enseignement supérieur ?

Les jeunes gens d’une manière générale, filles ou garçons, ont tout intérêt à cultiver et développer leur confiance en elles, en eux. Elles et ils doivent suivre la voie qui les intéresse : les filles entendront plus souvent que « c’est normal si elles ont des mauvaises notes en sciences car ces matières sont plutôt faites pour leurs frères ou pour les garçons en général ». Les études se multiplient pour démontrer bien sûr que ces stéréotypes sont faux et que les filles, les femmes réussissent aussi bien que les garçons, les hommes en calcul mental ou en géométrie par exemple. Vivre des échecs, des déceptions, des difficultés est normal : tout le monde les vit, filles et garçons.
La confiance en soi doit nous aider à les dépasser pour que chacun fasse ce qu’il, ce qu’elle aime vraiment, et ne pas se détourner d’une carrière scientifique par crainte de ne pas y arriver.

Une citation aimée par Marine Amouroux …

« Les hommes se distinguent par ce qu’ils montrent et se ressemblent par ce qu’ils cachent » Mélange, p.346, in Oeuvre t.1, La Pléiade. Paul Claudel.
J’ajouterais « les hommes et les femmes » se distinguent par ce qu’ils montrent et se ressemblent par ce qu’ils cachent… ! Hommes ou femmes, nous sommes toutes et tous les mêmes ! Cessons de croire ceux qui veulent nous diviser.

Des questions ? -> Contact : marine.amouroux@univ-lorraine.fr

Aller + loin

Nbp : *CRAN | Centre de recherche en automatique de Nancy | unité mixte de recherche (UMR 7039) commune à l’Université de Lorraine (UL) et au CNRS, Institut CNRS Sciences informatiques | https://www.cran.univ-lorraine.fr/

** PhotoVivo : Plateforme de développement de méthodes optiques innovantes pour la caractérisation des tissus biologiques par méthodes optiques multispectrales label free appliquées au diagnostic du cancer
*** La médaille de Cristal CNRS distingue des femmes et des hommes, personnels d’appui à la recherche, qui par leur créativité, leur maîtrise technique et leur sens de l’innovation, contribuent aux côtés des chercheurs et des chercheuses à l’avancée des savoirs et à l’excellence de la recherche française.
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