Rencontre avec Jean-Paul Haton, chargé de mission à l’intégrité scientifique

 
Publié le 9/02/2016 - Mis à jour le 5/05/2023
Portrait de Jean-Paul Haton.

Depuis le 1er décembre 2015, l’Université de Lorraine s’est dotée d’une délégation à l’intégrité scientifique. Jean-Paul Haton est chargé de la mise en place de cette délégation dans l'esprit de la charte nationale de déontologie des métiers de la recherche adoptée par la Conférence des Présidents d'Universités. Jean-Paul Haton est Professeur émérite de l’Université de Lorraine, auteur de plus de 250 ouvrages et articles, il a encadré ou co-encadré plus de 80 thèses de doctorat et dirigé une équipe d’environ 50 chercheurs au Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses application (Loria) dont il est un des créateurs.

Jean-Paul Haton a participé aux travaux du comité d’éthique du CNRS (Comets) pour une éthique de la recherche en sciences et technologies de l’information et de la communication. Il  a également été à l’initiative d’un groupe de travail nancéien autour de l’infoéthique avec Claude Huriet (ancien sénateur et professeur à la faculté de médecine de Nancy et auteur de plusieurs lois sur la bioéthique) et Didier Fass (chercheur au Loria).

Qu’appelle-t-on l’intégrité scientifique ?

Je vois quatre dimensions à prendre en compte pour juger de l’intégrité du travail d’un chercheur.

  • La première recouvre l’honnêteté et la rigueur intellectuelle du chercheur, deux exigences avec lesquelles aucun chercheur ne saurait transiger !
  • Le chercheur se doit bien entendu respecter les normes et les lois en vigueur.
  • Au-delà de l’aspect réglementaire, lui incombe de gérer de manière éthique les données qu’il collecte ou exploite : dans toutes les disciplines, la montée de l’informatique conduit à une importance croissante des données recueillies et traitées.
  • Enfin, le chercheur se doit de respecter les droits humains de ceux qui sont impliqués en tant que collaborateurs ou sujets de ses recherches.

Quels manquements peut-on craindre ?

On pense tout d’abord au risque de plagiat, face auquel l’Université de Lorraine est bien équipée puisque nous disposons d’un outil de détection très performant.  Plus difficile à établir, la fraude qui consiste à truquer les résultats de ses recherches. Enfin, les manquements les plus complexes relèvent de l’inconduite scientifique : ne pas respecter ses collègues, ses collaborateurs ou les sujets de ses expériences.

Comment contribuez-vous à garantir l’intégrité scientifique de l’Université de Lorraine ?

J’instruis les plaintes qui me parviennent afin d’éclairer la décision du président de l’université. Pour ce faire, je prends avis et conseils auprès des collègues concernés. Une telle mission nécessite un regard indépendant et dégagé de tout intérêt, c’est sans doute la raison pour laquelle elle a été confiée à quelqu’un comme moi, dont la carrière n’est plus en jeu. Je m’attends à des cas difficiles : on est face à de l’humain, vérifier le bien-fondé d’une plainte peut se révéler délicat, trouver la juste réparation plus encore. C’est une mission passionnante et je suis très honoré qu’on ait pensé à moi.

Etes-vous également engagé dans la prévention ?

Le 29 janvier, le colloque universitaire « L’intégrité scientifique : parlons-en ! » a réuni à Bordeaux une bonne partie des acteurs de la recherche en France autour de ces questions : conférence des présidents d’universités (CPU), le Mouvement Universel de la Responsabilité Scientifique – Intégrité Scientifique (MURS-IS) et grands organismes de recherche publique (CNRS, CIRAD, INSERM, INRA, INRIA, Unicancer). Frédéric Villéras (vice-président du conseil scientifique), Nathalie Hiesiger (directrice de la rechercher et de la valorisation) et moi y avons assisté. J’espère que l’Université de Lorraine pourra organiser ce type de rencontre.

Près de 150 participants ont contribué aux débats avec notamment Pierre Corvol, administrateur honoraire du Collège de France, chargé par le Ministère d’une mission de concertation et de propositions relatives à l’intégrité scientifique, Claude Huriet, père des premières lois de bioéthique, Robert Kerger, du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche du Luxembourg.

Ces questions sont-elles nouvelles ?

Le colloque de Bordeaux était le premier du genre en France. Il avait pour but de sensibiliser la communauté scientifique et de la mobiliser de façon à passer des déclarations et recommandations générales sur l’intégrité de la recherche à l’action pour mener à bien ce que le Professeur Huriet a appelé un grand chantier qu’il est urgent que la recherche française s’approprie. Un ensemble de conférences et quatre ateliers de l’après-midi consacrés à l’étude de situations réelles a permis de bien progresser en ce sens.

En France et en Europe, nous avons du retard à rattraper sur ce thème. Je pense que les principes de base de l’intégrité scientifique sont plus malmenés aujourd’hui, notamment parce que les chercheurs subissent de plus en plus de pressions quant à leurs carrières ou aux conditions de financement de leurs recherches.