Leçon de cinéma des Frères Dardenne

 
Date(s): 
Mardi 31 mars 2015 - 14:30 - 16:00
Lieu(x): 
IECA, 1er étage, amphi Max Ophuls
10 rue Michel Ney
Nancy
Les frères Dardenne. Crédit photo : Christine Plenus.

Luc et Jean-Pierre Dardenne donneront aux étudiants de l’I.E.C.A. et de l’UL une leçon de cinéma, animée par le critique Michel Ciment.

Extrait du Laudatio par le professeur Jan Masschelein, faite à Leuven, le 2 février 2010

Les films des frères Dardenne présentent une recherche exemplaire, fascinante, pénétrante et acérée des relations entre adultes et adolescents ou enfants, ainsi que de la question de savoir quelle signification attribuer à l'action humaine dans l'état actuel de notre société, société dans laquelle le passé a perdu son autorité et où nous sommes confrontés à des changements sociaux drastiques et un isolement croissant. Que signifie-t-il d’être enfant (fils, fille, élève), d’être père, mère ou enseignant ? Comment trouver sa voie dans un monde qui n’offre plus la protection du passé et la force les traditions ? Ou dans une perspective plus large : que signifie « humanité » et« être homme», non pas en général, mais dans les situations concrètes et parfois extrêmes que génère la société actuelle ? (…)

Leurs films sont des films du devenir, dans lesquels les protagonistes vivent une genèse qui n’est pas narrée, mais montrée, qui n’est pas déterminée par une destinée ou une loi, mais au cours de laquelle les personnages eux-mêmes font mouvoir la réalité. Voilà pourquoi leur cinéma n’est pas seulement un cinéma réaliste et dur mais aussi et fondamentalement un cinéma optimiste, pédagogique et foncièrement humain, un cinéma de l’espérance en l’humanité, espérance sans fondement et sans garantie, mais précisément pour cette raison un cinéma de l’espoir à l’état pur.

Biographie de Luc et Jean-Pierre Dardenne

Formation

Alors que Jean-Pierre Dardenne (Engis, 1951) fait des études d’art dramatique à l’I.A.D. (Institut des Arts de Diffusion), son frère Luc (Awirs, 1954) étudie la philosophie, ils sont tous deux embauchés par le metteur en scène Armand Gatti, qui les initie à la vidéo. Manœuvres dans une centrale nucléaire, ils économisent suffisamment pour réaliser des films documentaires sur leur région.

Carrière au cinéma

Les frères Dardenne se font connaître grâce à une série de documentaires sur le passé récent de la Belgique et sur le monde ouvrier de la région liégeoise, qu’ils diffusent dans les cités. Ils passent au long-métrage avec Falsch (1987), adaptation d’une pièce de René Kalisky, qui hésite entre la fiction et le théâtre filmé. Ils obtiennent un budget confortable pour Je pense à vous (1992), fiction sur le destin d’un prolétaire au chômage, dont l’échec doit être en partie imputé aux pesanteurs de la production. Après ce coup d’arrêt, les frères Dardenne reviennent à un cinéma de dimension plus modeste avec La Promesse (1996), dont ils sont les auteurs complets. À la fois authentique et haletant, ce récit d’un trafic d’immigrés clandestins remporte un grand succès critique. La mise en scène, entre la fiction et le documentaire, est d’une rare efficacité « à l’américaine», tandis que la distribution mêlant professionnels et amateurs ajoutent au caractère réaliste et engagée de ce film proche du cinéma-vérité. La caméra à l’épaule, très proche des personnages, se retrouve dans Rosetta (1999), portrait saisissant d’une jeune femme au chômage. La vitalité et l’émotion qui se dégagent d’Emilie Dequenne, comédienne improvisée qui interprète le personnage principal, expliquent en partie l’obtention par ce film de la Palme d’Or en 1999. Présenté en compétition à Cannes, Le Fils (2001) raconte une histoire de solitude, de souffrance, de vengeance… et le pardon d’un père. Six ans après Rosetta, les cinéastes remportent de nouveau la Palme d’Or avec L’Enfant (2004), récit dense et réaliste sur la dérive d’un couple de marginaux, portrait d’enfants du siècle, largués et désaffiliés. Le Silence de Lorna (2007), avec leur acteur fétiche Rénier, aborde à travers un beau portrait de femme, les sujets difficiles de l’immigration clandestine et des trafics d’êtres humains en Europe de l’Ouest. Film après film, les frères Dardenne, construisent une œuvre minimaliste et puissante, d’une grande humanité, en se faisant les chroniqueurs de la misère contemporaine, des dégâts de la crise économique, de la survie en milieu hostile.

Autres activités

Les frères Dardenne fondent 1975 une première maison de production «Dérives» (qui produit des documentaires), située à Seraing, petite ville proche de Liège, où ils mettront en scène tous leurs projets. Puis ils fondent deux autres maisons de production : « Film Dérives Productions» en 1981 et « Les Films du fleuve» en 1994, qui produit tous leurs films depuis La Promesse, ainsi que des réalisateurs tels que : Eugène Green, Abdelkrim Bahloul, Solveig Anspach, Laurent Herbiet…

Ligne du temps

  • 21 avril 1951 : Jean-Pierre Dardenne naît à Engis.
  • 10 mars 1954 : Luc Dardenne naît à Awirs.
  • 1969–1974 : Luc étudie la philosophie à l’Université Catholique de Louvain et Jean-Pierre les arts dramatiques à l’Institut des Arts de Diffusion. Les frères entrent en contact avec Armand Gatti, metteur en scène de théâtre, poète, scénariste, réalisateur humaniste convaincu. Il associe les frères à deux de ses représentations : Le Colonne Durutti et L’Arche d’Adelin.
  • 1975 : les Dardenne fondent leur propre société de production : DERIVES qui produira une soixantaine de documentaires.
  • 1978 : Le Chant du rossignol. Court-métrage documentaire.
  • 1979 : Lorsque le bateau de Léon M. descendit la Meuse pour la première fois. Court-métrage documentaire.
  • 1980 : Pour que la guerre s’achève, les murs devaient s’écrouler. Court-métrage documentaire.
  • 1981 : Les Dardenne collaborent aux films d’Armand Gatti Nous étions tous des noms d’arbres. Jean-Pierre en tant qu’assistant caméraman, Luc comme assistant à la réalisation. R… Ne répond plus. Court-métrage documentaire.
  • 1982 : Leçon d’une université volante. Documentaire en cinq épisodes.
  • 1983 : Regarde Jonathan. Court-métrage documentaire.
  • 1986 : Falsch. Adaptation d’une pièce de théâtre autobiographique de l’écrivain belge René Kalisky. Pour les Dardenne, ce film signe le passage à la fiction, même si les frères conservent la méthode quasi vraie brechtienne de leurs documentaires.
  • 1987 : Il court, il court le monde. Court-métrage de fiction.
  • 1992 : Je pense à vous. Projet de fiction pas totalement réussi. Les Dardenne n’ont pas le contrôle de la production, pas plus que les final cut.
  • 1996 : Les Dardenne fondent Les Films du Fleuve, la société de production de tous leurs films futurs, et de ceux de bon nombre d’autres réalisateurs. La Promesse est présenté au Festival de Cannes et reçoit un accueil international extrêmement enthousiaste.
  • 1999 : Rosetta remporte la Palme d’Or au Festival de Cannes. Émilie Dequenne repart avec le Prix d’interprétation féminine.
  • 2002 : Le Fils. Olivier Gourmet remporte de Prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes.
  • 2005 : L’Enfant. Deuxième Palme d’Or à Cannes. Les éditions du Seuil publient le journal de tournage Au dos de nos images, 1991-2005, un livre qui reprend également les scénarios du Fils et de l’Enfant.
  • 2007 : Dans l’Obscurité. Court métrage.
  • 2008 : Le Silence de Lorna remporte le Prix du Meilleur Scénario au Festival de Cannes.
  • 2011 : Le gamin au vélo
  • 2014 : Deux jours, une nuit