Régénérer le tissu osseux grâce à la biologie cellulaire, les biomatériaux et l’étude des nanovésicules

 
Publié le 21/01/2015 - Mis à jour le 4/02/2015
De gauche à droite : Les chercheurs impliqués dans le projet BioExoOS, Franck Cleymand, Solenne Fleutot, Émilie Velot, Vanessa Moby, Elmira Arab-Tehrany, Marthe Rousseau et Véronique Decot.

Dans le cadre d’une greffe de substitut osseux, la régénération du tissu osseux peut être fortement compromise si le réseau vasculaire fait défaut. Le projet BioExOs cherche à apporter une réponse au double défi de l'ostéogenèse (la formation d'os) et de l'angiogenèse (la formation de réseaux vasculaires). Pour cela, les chercheurs de trois laboratoires misent sur les exosomes : des vésicules de taille nanométrique sécrétées dans le milieu extracellulaire par les cellules.

Le double défi d’un substitut osseux adapté

La greffe de substituts osseux d’origine naturelle (ex. matrice osseuse déminéralisée par exemple) ou synthétique (ex. phosphate de calcium) permet de faire face à une perte osseuse massive, notamment en cas de fractures importantes ou encore lors de l’ablation de tumeurs osseuses. La survie et le devenir de ce greffon, grâce à l'apport en nutriments et en oxygène du flux sanguin, vont permettre de guider l’os endommagé vers un processus de réparation et de créer un nouveau tissu osseux. Cela nécessite alors le développement d’un réseau vasculaire au cœur des biomatériaux implantés. Si ce réseau fait défaut, cela peut compromettre fortement la régénération tissulaire osseuse.

Pour pallier ce problème, la recherche dans le domaine de l’ingénierie de nouveaux tissus osseux doit alors relever le double défi de l'ostéogenèse (la formation d'os) et de l'angiogenèse (la formation de réseaux vasculaires). Les membres de trois pôles de l’Université Lorraine (BMS, M4 et A2F) ont répondu présents pour s’attaquer à ce challenge.

Ces chercheurs ont conçu le projet BioExOs - en réponse à l’appel à proposition Projets Exploratoires Pluridisciplinaires (PEPS) Mirabelle 2014 - et misent sur le potentiel de différenciation des exosomes de cellules souches en cellules osseuses, et aussi en cellules vasculaires. Ils envisagent d'inclure l’association exosomes / facteurs ostéo- et angiogéniques au sein de biomatériaux biodégradables, capables de remplacer l'os jusqu'au développement complet d'un nouveau tissu par des cellules osseuses et vasculaires (Figure 1). « Il s’agit d'ingénierie tissulaire osseuse » ponctue Marthe Rousseau, chargée de recherche CNRS au laboratoire d'Ingénierie Moléculaire et Physiopathologie Articulaire (IMoPA).

Les exosomes, une nouvelle piste thérapeutique

Les exosomes sont des vésicules de taille nanométrique sécrétées dans le milieu extracellulaire par les cellules. Ces nanovésicules ont longtemps été considérées comme des "sacs poubelles" cellulaires : certaines cellules étant sensées rejeter un cargo excédentaire qui leur était inutile. Cependant, elles sont maintenant soupçonnées d'être sécrétées par l’ensemble des cellules et présentes dans tous les fluides biologiques. La recherche sur les exosomes est actuellement en plein essor, et leurs propriétés bénéfiques dans la réparation tissulaire ont mis en exergue leur potentiel thérapeutique en médecine régénératrice (Figure 1).

La mission interdisciplinarité du CNRS a contribué au développement de la recherche sur les exosomes produits par les cellules souches au sein du laboratoire IMoPA en soutenant le projet porté par une jeune maître de conférences, Émilie Velot, grâce à l’appel à proposition nationale PEPS - section Innovations Thérapeutiques (PEPS-ITh) en 2012 et en 2013. Ceci a permis d’améliorer les techniques d’études et de conservation de ces nanovésicules au sein du laboratoire, afin de les utiliser entre autres comme système de délivrance de molécules cibles et comme outils prometteurs pour l’ingénierie tissulaire.

Renforcer les collaborations entre les laboratoires de l’Université de Lorraine

« Notre projet nécessite de développer l'alliance de diverses expertises incluant la biologie cellulaire, les biomatériaux, et l’étude des nanovésicules pouvant être enrichies en facteurs spécifiques » explique Marthe Rousseau.

Voilà pourquoi les membres de l’équipe « Cell and Tissue Engineering, Vectorization, Imaging » (CeTEVI) du laboratoire IMoPA (Véronique Decot, Vanessa Moby, Marthe Rousseau et Émilie Velot) poursuivent la collaboration précédemment établie par Émilie Velot avec Elmira Arab-Tehrany, membre de l’équipe « Lipides et nanovectorisation des biomolécules » au Laboratoire d'Ingénierie des Biomolécules (LIBio), ainsi que Franck Cleymand et Solenne Fleutot,  membres de l’équipe « DOLPHIN Nanomatériaux pour la vie » de l'Institut Jean Lamour (IJL).

« Est-ce que nous sommes capables d’associer les exosomes dans un hydrogel en préservant leurs propriétés biologiques et aller jusqu’à la création d’un substitut osseux ? Afin de répondre à cette question, il nous faut aller le plus loin possible dans cet assemblage et apporter suffisamment de preuves pour pouvoir élargir notre collaboration », conclura Marthe Rousseau.

Comme les autres projets lauréats de l'appel PEPS Mirabelle 2014 organisé par l'Université de Lorraine et le CNRS, le projet BioExOs est un projet à risque. Les personnes impliquées sont d'autant plus motivées qu'elles travaillent sur une thématique émergente et prometteuse pour des maîtres de conférences et des chercheurs en début de carrière scientifique.

Figure : Ingénierie tissulaire osseuse
associant des exosomes issus des cellules souches mésenchymateuses
et un biomatériau biodégradable sous forme d’un hydrogel contenant de l’hydroxyapatite.