2022 marque la deuxième édition du prix littéraire "Frontières" Léonora Miano. Nous vous présentons les nouveaux membres du jury sur Factuel. Cette semaine, faisons connaissance avec Justyne Stengel, journaliste à La Semaine et Paul-Matthias Le Boutet, étudiant à l'Université de Lorraine.
Factuel : Pourquoi avoir accepté de participer à cette deuxième édition du Prix littéraire- Frontières Léonora Miano ?
Justyne Stengel : "Un prix lorrain (donc local), sur une thématique qui me touche tout particulièrement, et qui permet de découvrir de nouvelles plumes par-dessus le marché ? Je dis oui, oui, et encore oui ! Plus sérieusement, la lecture est l'une de mes plus vieilles passions, et je suis ouverte à toutes les formes de littérature. L'exercice de membre du jury est, je dois bien l'admettre, assez intimidant mais aussi très stimulant. Je suis particulièrement enthousiaste à l'idée de me frotter contre de nouveaux imaginaires, de nouveaux styles, de nouvelles voix. Surtout, j'ai hâte de pouvoir échanger avec les autres membres, que l'on puisse partager nos expériences et points de vue."
Paul-Matthias Le Boutet : "C'est toujours une expérience formidable que de pouvoir s'immerger dans un bain de culture. De plus, les auteur.ice.s en lice viennent d'horizons très différents et cette diversité se ressent dans les œuvres. Cette approche me plaît beaucoup !"
Factuel : Quel regard portez vous sur ce dispositif culturel qu'est le Prix littéraire-Frontières Léonora Miano ?
Justyne Stengel : "J'ai commencé mes études sur les bancs de la faculté d'archéologie et d'anthropologie de l'Université de Strasbourg. Un cursus marquant qui continue de m'influencer aujourd'hui. La notion de frontière revêt dans ces disciplines plusieurs significations : frontières naturelles que les humains ont toujours cherché à traverser, frontières religieuses et/ou spirituelles entre les conceptions du monde du visible et de l'invisible, porosité entre les différents stades des rites de passage, frontières immatérielles créées de toute pièce par les sociétés et les cultures, et, bien sûr, frontière entre une œuvre et son public... Bref, la frontière se construit et se traverse, de manière physique ou imaginaire. A mes yeux, il s'agit ainsi d'une conception profondément humaine qui se décline à l'infini. À l'ère de l'anthropocène et de la mondialisation, les définitions de frontières se démultiplient et deviennent tout autant de manières de se représenter le monde."
Paul-Matthias Le Boutet : "La frontière est une thématique d'autant plus intéressante qu'elle se manifeste à chacun.e différemment. Pour moi, il y a déjà cette question de la langue : j'étudie l'anglais, donc mes études consistent essentiellement à abattre la frontière linguistique ! Et puis, c'est aussi une question politique et sociale : les luttes féministes et de genre, l'invasion néolibérale dans notre mode de vie... ce sont des frontières qui méritent qu'on leur accorde un intérêt tout particulier."
Factuel : Qu'évoque pour vous la thématique de la frontière dans votre quotidien ?
Justyne Stengel : "Il y a encore quelques mois, j'aurais hésité entre "Les cantos d'Hypérion" de Dan Simmons ou "La ballade de l'impossible" d'Haruki Murakami. Mais j'ai eu la chance de lire "La Maison dans laquelle" de Mariam Petrosyan, et je me suis prise la plus grosse claque littéraire de toute ma courte existence. Il s'agit d'un livre-monde labyrinthique, dur et poétique, infiniment plus vaste que ses 960 pages. Il se déguste à petite dose. Pas qu’il soit imbuvable ou mal écrit, au contraire. Mais c’est qu’il faut prendre son temps pour assimiler la « Loi » de la Maison et apprivoiser les enfants qui l’habitent, abandonnés entre les mains d’éducateurs peu scrupuleux, dans un pays de l’ex-URSS. Dans la Maison, on perd son nom, ses repères, son identité pour sauter à pieds joints dans le monde chatoyant de l’invisible. Et on appréhende, comme ses personnages, de la quitter en achevant la dernière ligne."
Paul-Matthias Le Boutet : "C'est une question compliquée ! Je dirais pourtant que c'est la trilogie 1Q84 d'Haruki Murakami. C'est la lecture de mon adolescence, celle vers laquelle je reviens dès que je me pose de grandes questions. Murakami est maître dans l'art de donner espoir et d'intriguer. Dans toute son œuvre (et plus encore dans 1Q84), la question du rapport au réel est omniprésente. Pour ma génération, ces livres qui questionnent la réalité sont d'une importance vitale et je pense que Murakami me suivra toute ma vie. "
Justyne Stengel : âgée de 27 ans, elle est journaliste pour l'Hebdomadaire La Semaine à Metz après avoir suivi des études en anthropologie à Strasbourg et en journalisme à l'Université de Lorraine. Lire et écrire font partie de son quotidien.
Paul-Matthias Le Boutet-Seigne est étudiant en L2 d'anglais. Passionné de poésie et de théâtre, il met en scène depuis un an sa pièce 《Trop》 au sein de la Compagnie de la Faille, qu'il a co-fondée.