[Prix littéraire Léonora Miano] Rencontrez Julien, concepteur web et Anne, membre du jury

 
Publié le 30/03/2021 - Mis à jour le 20/04/2021

Chaque semaine deux nouveaux portraits à découvrir ! Ils sont membres du jury, membres du comité de sélection ou participent à l'organisation de ce prix littéraire universitaire. Cette semaine, c'est au tour de Anne Poidevin, chargée de mission Vie Littéraire à la Région Grand Est et Julien Recouvreur, concepteur-intégrateur web au CREM de se présenter.

Factuel : Pourquoi avoir accepté de participer à cette 1ère édition du Prix littéraire- Frontières Léonora Miano lancé par l'Université de Lorraine & l'Université de la Grande Région ?

Anne Poidevin : "En tant qu’agent de la Région Grand Est en charge de la politique en faveur du livre, je suis avec grand intérêt les travaux portés par l’Université de Lorraine en lien avec ses partenaires belges, allemands et luxembourgeois. J’ai eu le plaisir d’assister à plusieurs séminaires ou conférences, très stimulants, et ainsi de constater que les filières du livre sont organisées de manière très différentes dans chaque pays, ce qui créé des échanges très instructifs. Au-delà de ces différences, j’ai trouvé qu’il était essentiel aussi de nous retrouver autour d’un appétit commun, celui de la littérature. J’ai ainsi accepté avec enthousiasme de jouer le jeu de la « pile à lire » imposée, autour d’un thème qui me tient à cœur, en sachant que j’allais découvrir des auteurs et des ouvrages que je n’aurais sans doute jamais lu sans ça."

 

Factuel : En tant que personnel de l'Université de Lorraine accompagnant cette 1ère édition du Prix littéraire-Frontières Léonora Miano, quel regard portez-vous sur ce dispositif culturel ?

Julien Recouvreur : "Je trouve ce dispositif novateur et ancré dans son temps, c'est très stimulant d'y participer à mon échelle ! Ce projet propose un angle d'approche original sur les possibilités de la littérature et de la géographie. La croisée de ces deux champs révèle des histoires fascinantes et poétiques qui permettent de mieux comprendre les rapports complexes entre les humains, leurs territoires et leurs représentations du monde. D'un point de vue professionnel, cette initiative est très intéressante car elle réunit des acteurs d'horizons différents et elle permet la rencontre de l'université avec le grand public. En tant que personnel de l'université, ce prix me permet également de mieux comprendre et de mieux voir les interactions qu'il est possible d'initier entre un laboratoire de recherche, son université et leur écosystème socio-économique et culturel. La création du prix littéraire Frontières-Léonora Miano démontre l'aura internationale de l'Université de Lorraine. Ce projet inédit illustre en effet la capacité de notre université à mobiliser des partenaires internationaux et variés autour de reflexions contemporaines, notamment en sciences humaines et sociales."
 

Factuel : Qu'évoque pour vous la thématique de la frontière dans votre quotidien ?

Anne Poidevin : "Je suis venue m’installer à Strasbourg il y a maintenant plus de 15 ans car c’est une ville frontière. C’est sans doute ridicule, mais je frissonne encore quand je traverse le Rhin pour aller manger une glace à Kehl, ville que certains considèrent pourtant comme la banlieue de Strasbourg. J’ai toujours aimé traverser les frontières, je me souviens être passée à pied sur le pont qui sépare l’Allemagne de la Pologne à Francfort-sur- l’Oder, bien avant que les pays d’Europe Centrale et Orientale ne rejoignent l’union Européenne. J’ai travaillé 10 ans en lien avec les relations européennes et internationales, j’aime l’idée de pouvoir aller d’un pays à l’autre et l’idée que les frontières sont, au moins dans une certaine proximité géographique, et dans une réalité autre que celle liée à la crise sanitaire actuelle, effacées. Mais ce que j’aime par-dessus tout, ce sont les différentes langues et je prie pour que celles-ci ne s’effacent pas. Passer la frontière, pour moi, ce n’est pas une question de papiers, c’est fermer les yeux et se laisser bercer par d’autres sonorités."

Julien Recouvreur : "Tant de choses, car je trouve qu'il y a d'innombrables frontières qui nous enlacent chaque jour : sociales, économiques, physiques. Au quotidien, les frontières qui m'interpellent le plus sont celles entre les modes de vie des pays développés dits "riches" et le reste du monde, et celles qui existent encore entre les femmes et de trop nombreuses sphères de notre société. Les crises à répétition que nous connaissons ces dernières années qu'elles soient économiques, écologiques, sociales ou sanitaires m'interrogent profondément sur notre modèle social. Je perçois aujourd'hui des frontières que je ne voyais pas autrefois, que je pensais perméables mais qui ne le sont finalement pas. Par exemple, le fait qu'il est toujours très difficile pour une femme de concrétiser ses ambitions dans notre pays, de circuler sereinement dans l'espace public. Ou encore le fait que la frontière entre le respect de la biodiversité et l'idéologie consumériste reste si étanche et nous cause tant d'angoisses. Ce sont des frontières que je vois au quotidien, elles sont parfois physiques, parfois abstraites. C'est en voyageant à long terme, en passant les frontières que je suis parvenu à dépasser mes frontières intérieures, à enrichir ma perception du monde et ouvrir davantage mon esprit. Depuis, je me plais à penser que passer les frontières est une des meilleures façon de les rendre plus poreuses et d'en faire des vecteurs de réalisation de soi et d'échanges plutôt que des remparts. Il y a de nombreuses opportunités de sortir de sa zone de confort au quotidien et de questionner ses points de vue !"

 

Factuel : Quel livre a marqué votre vie et pourquoi ?

Anne Poidevin : "Je n’aime pas trop cette question, à laquelle il faudrait répondre avec sérieux, afin de justifier d’être membre d’un jury littéraire. Je suis très amatrice de littérature jeunesse, j’aime le lien entre l’image et le texte, la richesse de l’une au service de la sobriété de l’autre. Mais j’imagine que je ne peux pas citer Claude Ponti ou Tomi Ungerer ici. Sinon, j’ai été longtemps une fan absolue de John Irving et je relis régulièrement « le monde selon Garp », de là à dire qu’il a marqué ma vie... à part ça, peut-être « le maître et Marguerite » de Boulgakov, sans que je sache vraiment pourquoi, sans doute car sa découverte est liée à une certaine période de ma vie, et donc à des rencontres. Mais aujourd’hui, après plusieurs lectures, je suis encore incapable de le résumer !".

Julien Recouvreur : "Le livre qui m'a le plus marqué jusqu'ici est le roman La nuit des temps de René Barjavel (Presses de la Cité, 1968). J'ai découvert cet ouvrage lorsque j'étais élève au collège, il s'agissait de la première oeuvre littéraire de science fiction (SF) que je lisais. Cet ouvrage m'a beaucoup touché car il raconte notamment ce qu'il y a d'immuable dans le genre humain, quelque soit l'époque dans laquelle nous vivons. C'est à la fois triste et réconfortant et c'est une belle fable sur la nature humaine. Cette oeuvre littéraire m'a aussi appris qu'il faut persévérer, toujours, même si le monde entier est contre nous. D'ailleurs cet ouvrage est également traversé par la thématique de la frontière, entre deux mondes physiques et deux mondes temporels. C'était la première fois qu'un roman influait sur ma perception du monde, j'ai gardé depuis un grande affection pour le genre SF. Les récits qu'on y trouve ont lieu si loin de nous mais nous aident si bien à comprendre notre for intérieur, notre époque, c'est un paradoxe qui me plaît beaucoup."



Anne Poidevin est chargée de mission Vie Littéraire au sein du service Industries créatives, rattachée à la Direction de la Culture, du Patrimoine et de la Mémoire de la Région Grand Est. Plus

 

 

Julien Recouvreur est assistant de communication et d'édition au Centre de recherche sur les médiations (Crem), unité de recherche co-porteuse du Prix littéraire Frontières. Il a précédemment travaillé au sein de musées de la région de Nancy et à l'Institut français de Finlande. Durant son parcours, il a notamment théorisé une méthode dédiée à la conception de dispositifs numériques pour les musées qui est disponible en libre accès sur son blog http://julienr.pro