[Prix littéraire Léonora Miano] Rencontrez Colette et Mustapha, membres du jury

 
Publié le 15/03/2021 - Mis à jour le 20/04/2021

La première édition du prix littéraire "Frontières" Léonora Miano a été lancé le 2 février dernier au travers d'une cérémonie 100% en ligne, en présence de l'autrice en direct du Togo. Les 10 ouvrages ont été dévoilés. Nous vous proposons désormais de faire connaissance avec les membres du jury. Cette semaine, interview croisée avec Colette Gravier, conseillère livre et lecture à la DRAC Grand Est et Mustapha Nadi, enseignant-chercheur à l'Université de Lorraine à l'Institut Jean Lamour.

Factuel : Pourquoi avoir accepté de participer à cette 1ère édition du Prix littéraire- Frontières Léonora Miano ?

Colette Gravier : "un prix littéraire est l’occasion de valoriser une œuvre et son auteur qu’un jury distingue pour ses qualités intrinsèques littéraire, ou humanistes. C’est aussi l’occasion pour les membres de ce jury de débattre des œuvres, autrement dit de partager des visions, des idées, des ressentis. Par ailleurs, le prix frontières-Léonora Miano fait particulièrement sens ici dans notre espace transfrontalier et aujourd’hui, à une période où la porosité des frontières que nous connaissons depuis des décennies tend à s’estomper, est parfois remise en cause."

Mustapha Nadi : "Bien que scientifique de formation et de métier, la littérature a toujours été centrale dans mon quotidien. Comme on dit souvent « Déjà tout petit... ». Savoir que mon université lançait un prix littéraire sur ce thème ne pouvait me laisser indifférent. Évidemment, le thème et la marraine du Prix m’ont séduit. La diversité est une richesse et rencontrer dans un jury des personnes d’horizons et de domaines différents pour échanger sur nos lectures et nos visions respectives sur ce thème de la Frontière rajoute à l’intérêt de cette participation. Dans un contexte de Covid et de prédominance du numérique et du factice, lancer un prix littéraire est un défi rassurant quant aux missions de l’université, notamment la mienne."

Factuel : Qu'évoque pour vous la thématique de la frontière dans votre quotidien ?

Colette Gravier : "La frontière est la limite que l’on se met, souvent considérée, à tort ou à raison, comme une barrière de sécurité, mais qui nous permet de surmonter les dangers et nos fragilités lorsque nous parvenons à l’abolir..

Mustapha Nadi : "Marocco-français, vivant en Lorraine, marié à une allemande, je me suis souvent retrouvé à passer des frontières plus ou moins facilement entre les années 80 et aujourd’hui. Si je peux aller en Sarre voir ma belle-famille sans me poser de question aujourd’hui ça n’avait pas toujours été le cas auparavant car il me fallait un visa (une quarantaine de francs à l’époque) à chaque traversée de la frontière. On peut donc distinguer la frontière physique, géographique souvent administrative. Celle des visas et des polices des frontières. Celle qui ne vous laisse pas aller vers l’autre et vers l’ailleurs. Celle de la répression et de l’exclusion. Et il y a l’autre, la frontière culturelle, celle des passages entre les humains et les civilisations. Plus belle, parfois humaine, car ouvrant souvent sur le meilleur de l’Homme. Celle qui transcende pour métisser. De par mon métier d’universitaire j’ai beaucoup voyagé et rencontré d’autres cultures et civilisations en particulier celles du Japon avec qui j’ai une relation particulière y ayant vécu le tremblement de terre du 11 mars 2011."

Factuel : Quel livre a marqué votre vie et pourquoi ?

Colette Gravier : "Parmi les livres qui m’ont marquée, je vais évoquer ici assez naturellement la littérature de voyage et plus particulièrement L’Usage du monde de Nicolas Bouvier. Ce récit est issu d’un long voyage de plusieurs mois qu’il a effectué à une époque où la connaissance du monde et les outils de communication n’était pas ceux de nos jours. La lecture de ce livre m’a permis de voyager par procuration dans des pays où je n’étais alors jamais allée, et surtout d’éprouver la sensation du voyage, de la découverte, des ambiances, des paysages, et la vulnérabilité du monde et des personnages. L’Usage du monde interroge l’usage que nous en faisons, et renouvelle perpétuellement ce questionnement, et la perception que nous avons du monde et de l’autre."

Mustapha Nadi : "Il y a les romans de Cormac Mac Carthy, de Edgar Hilsenrath, de Akira Yoshimura, de Laszlo Krasznahorkai et de tant d’autres qui font qu’une vie ne suffit pas pour lire et apprécier toutes ces magnifiques créations. La liste est donc longue mais puisqu’il faut n’en citer qu’un, « Le Maître et Marguerite » de Boulgakov reste un immense roman que je redécouvre régulièrement avec le même plaisir. Pourquoi ? Nul besoin d’analyse ni de longue explication que je ne saurai exprimer. Au-delà des modes et du Saint Germain assassin et suffisant, il y a l’universalisme d’un roman et la qualité de l’écriture qui emportent le lecteur et qui sont les ferments d’un roman qui vous marque. Lire c’est respirer une liberté."

Mustapha Nadi est Professeur à l'Université de Lorraine (Institut Jean Lamour dans le département Département Nanomatériaux, Electronique Et Vivant).  Ses recherches portent sur le bio électromagnétisme et la mesure électronique sur le vivant. Franco-marocain et très grand lecteur de romans. Il a publié deux romans aux éditions Riveneuve dont le premier sur le thème de l'exil "Le détroit, l'occident barricadé" 2012 (nommé au prix de la Mamounia).

Colette Gravier est conseillère livre et lecture, archives, langue française et langues de France à la Direction régionale des affaires culturelles Grand Est. Conservatrice des bibliothèques en chef, elle a précédemment travaillé à la Bibliothèque nationale de France, au ministère de la Culture, en bibliothèque universitaire et en institut français à l’étranger.

Les livres sélectionnés pour le prix 

RV le samedi 19 juin au Festival "Littérature et Journalisme" de Metz pour la remise du prix aux lauréats !