Enseignement à distance en période de confinement - Entretien avec Emmanuel Aubert, enseignant-chercheur

 
Publié le 8/02/2021 - Mis à jour le 24/05/2023
Enseignement à distance

L’attrait d’Emmanuel Aubert pour l’enseignement et la recherche est né alors qu’il était en maîtrise. Son intérêt grandit après la lecture d’un article paru dans une revue grand public, Pour la Science, relatant les résultats de recherche de l’équipe du professeur Jian-Min ZUO suite à l’observation des orbitales dans un oxyde de cuivre. Plus tard, à l’occasion de son post-doc, il intègre le laboratoire de ce professeur aux Etats-Unis pour réaliser des expériences de diffraction d’électrons.  Il est aujourd’hui maître de conférences à l’Université de Lorraine. Il effectue sa recherche dans le Laboratoire « Cristallographie, Résonance Magnétique et Modélisations » (CRM2) et son enseignement dans les formations rattachées au département de physique et mécanique de la Faculté des Sciences et Technologies. Emmanuel AUBERT dispense le plus souvent des enseignements de spécialité dans un format « enseignement intégré » où la taille des groupes est propice aux échanges avec les étudiants et facilite l’intégration des bacheliers. Il s’investit aussi dans des enseignements annexes de type Numoc qui permettent d’acquérir les compétences numériques nécessaires aux études supérieures.

Au fil des confinements successifs, Emmanuel Aubert a vu ses missions bouleversées et ses conditions de travail évoluer. Les conditions sanitaires l’ayant écarté des salles d’enseignement, il a dû se résoudre à enseigner en ligne. Il a initialement beaucoup utilisé l’outil « Discord » traditionnellement utilisé par les « gamers » pour bavarder pendant leur partie. Rapidement des problématiques sont apparues. Comment réagir sans connexion à internet ? Comment recréer de l’interactivité avec les étudiants ? Comment adapter la pédagogie devant un écran ? Comment faire face à ce sentiment de solitude ?

Ces questionnements, Emmanuel Aubert les a partagés avec ses collègues et notamment Olivier Garet, chef du Département de Mathématiques et Thierry Réveillé, chef du Département de Physique et Mécanique. Ensemble ils ont rédigé un questionnaire dont l’objectif était d’avoir une vue globale du vécu et de la pratique de l’enseignement à distance pendant cette crise sanitaire. Ce questionnaire a été transmis à leurs collègues des onze départements de la Faculté des Sciences et Technologies.

L’analyse des 269 réponses, reçues entre le 2 et le 15 juin 2020, a confirmé que l’exercice du métier d’enseignant avait été globalement plus difficile, éprouvant à plusieurs égards. 80% des collègues ont déclaré avoir eu une charge de travail augmentée.  48% des personnes sondées ont également dû assumer cela en consacrant davantage de temps à leurs enfants présents à domicile. Beaucoup ont aussi indiqué que le manque d’équipement (connexion internet, défaut imprimante ou de tablette graphique) avait été initialement un facteur aggravant, de même que la nécessité d’utiliser certains supports dématérialisés.

Par ailleurs, beaucoup d’enseignants ont ressenti un flou important quant au suivi de l’apprentissage des étudiants. 84% des participants ont indiqué avoir eu plus de difficultés que d’habitude pour identifier les étudiants qui, pendant la séance à distance, ne semblaient pas intégrer les connaissances ou les compétences visées. Ce format virtuel a conduit à une diminution quantitative de l’apprentissage des connaissances par rapport à la situation normale. À cela s’est ajouté une diminution significative de la participation des étudiants dont on peut craindre qu’une proportion non négligeable ait décroché. Enfin, 65% des réponses indiquaient que les évaluations réalisées à distance pendant le confinement ne constituaient pas une représentation fidèle du niveau des étudiants.

L’enseignement de demain se joue-t-il hors des murs ? Emmanuel Aubert est convaincu que non et que la salle de classe est un lieu qui favorise l’apprentissage et les échanges. Même si le confinement a permis de pousser en avant une réflexion sur l’utilité de la technologie pour développer certaines activités (48% des sondés ont déclaré que la crise sanitaire leur avait permis néanmoins de découvrir de nouvelles formes d’enseignement intéressantes), la pédagogie ne peut néanmoins se passer de la présence. Le second confinement mis en place après les congés de la Toussaint a interrompu le retour des étudiants dans les murs de la faculté, ceux-ci ne pouvant qu’assister aux travaux pratiques. Au-delà de l’affaiblissement des apprentissages mis en avant lors de cette enquête, il est désormais question de rupture, de fragilité psychologique et mentale chez des étudiants souffrant du fait que l’enseignement à distance est en train d’installer durablement. Enseignants et étudiants sont impatients de retrouver des conditions normales d’enseignement.